La culture Hakka à l’intersection de la culture des zones montagneuses en Chine, des migrations et du confucianisme
Le 4 octobre dernier, le média China News est allé à la rencontre de Chen Xianzhang, directeur d’études à l'Université normale du Fujian et directeur de l'Institut d’études sur la culture Hakka à l’Université de Longyan. Il revient sur l’épopée de cette minorité ethnique chinoise, qui s’est diffusée partout dans le monde.
Quelles sont les origines culturelles des Hakkas ?
Les Hakkas sont issus de l’ethnie Han en Chine. Les origines de cette minorité ethnique remontent à la fin de la dynastie Tang (618 – 907) et aux débuts de la formation des dynastie Song et Yuan (960 – 1279 ; 1279 – 1368). Elle s’est développée pendant toute la dynastie Ming (1368 – 1644) et au début des Qing (1644 – 1912). Tout au long de leur essor, les Hakkas se sont toujours portés vers le large, en quittant d’abord les plaines centrales du milieu de la Chine pour rejoindre le littoral, dans les provinces du Fujian, du Guangdong et du Jiangxi. C’est au gré de leurs migrations vers le sud de la Chine que les premiers Hakkas se sont mêlés aux cultures indigènes locales. Enfin, les Hakkas sont aussi partis à la conquête du monde. En fait, on peut dire que la culture Hakka est le résultat d’un mélange entre plusieurs cultures : la culture des zones montagneuses en Chine, la culture des migrations et le confucianisme. La culture Hakka est issue de la culture matérielle et spirituelle des plaines centrales des cours moyens et inférieurs du fleuve Jaune, qui est également le berceau de la civilisation chinoise. En termes de lignage culturel et de transmission du patrimoine, la culture Hakka descend donc du centre de la Chine.
D’après les données historiques dont nous disposons actuellement, nous savons que le peuple Hakka a migré vers le sud à une époque de conflit dans l’empire du Milieu. Le chaos et la dévastation du Nord a alors entraîné une migration massive des Chinois Han vers les régions situées au sud de la rivière Huai, où la situation politique était plus stable. Cet exode est connu historiquement en Chine comme la « migration vers le sud de la noblesse de Jin » (yi guan nan du) ou littéralement « les vêtements et les coiffures se déplacent vers le sud ». C’est notamment pour cette raison que le peuple Hakka voue un grand respect à ses ancêtres. Aujourd’hui, dans toute les régions Hakkas, on peut trouver des sanctuaires ancestraux, tandis que chaque nom de famille chez les Hakkas est issu de l’une des « douze familles » (jun wang) qui portait alors le patronyme Li, et qui est issue des plaines centrales.
Comment le peuple Hakka est-il parti à la conquête du monde ?
Le peuple Hakka est aujourd’hui présent dans le monde entier, il comprend une forte population et une grande influence culturelle. On estime qu’il y a aujourd’hui entre 100 et 120 millions de Hakkas dans le monde. Plusieurs raisons expliquent cette migration. En Chine à l’époque, en raison de l’augmentation importante de la population et de la pression démographique, les Hakkas avaient commencé à quitter les régions côtières du Fujian, du Guangdong et du Jiangxi pour rejoindre l'Asie du Sud-Est. Les migrations Hakkas à l’étranger s’expliquent aussi par l’essor des Routes maritime de la soie. Une tendance associée à l’essor progressif du commerce entre la Chine et le reste du monde, qui a démarré au niveau de l’estuaire de la rivière Han où convergent les rivières Ting et Mei, aux ports de la rivière des Perles et du Guangdong, ainsi qu’aux ports de la ville de Quanzhou dans le Fujian et dans la ville de Xiamen.
De nos jours, les principaux établissements hors de Chine du peuple Hakka se trouvent en Asie du Sud-Est, dans des pays comme l'Indonésie, la Malaisie, Singapour ou le Myanmar. Les Hakkas sont aussi présents dans plusieurs autres pays : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Australie, le Canada, le Panama, les États-Unis, Cuba, le Guyana, le Suriname, le Brésil, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l'île Maurice et le Pérou... On retrouve même des villages Hakka en Afrique, principalement en Afrique du Sud.
Comment se fait-il que l’on retrouve des Hakkas jusque dans des pays européens ?
Les Hakkas sont d’abord partis à l’étranger pour travailler comme ouvriers dans des plantations agricoles, dans des mines, dans l’entretien des routes et dans le commerce. La plupart d’entre eux se concentrait donc d’abord dans les pays des mers du sud, et dans la région de l’Inde. Ce n’est que dans un second temps qu’ils ont migré vers l’Europe, depuis les mers du sud et l’Inde, vers le Royaume-Uni, l’Autriche ou la Suède. Partout où ils se sont installés, les Hakkas ont construit des temples à la mémoire de leurs ancêtres, et ont établi des documents généalogiques. C’est pour cela que le dialecte Hakka est désormais un élément central de leur identité culturelle.
Grâce à la transmission de leur patrimoine de génération en génération, le phénomène des « villages Hakka » s'est développé un peu partout en Europe et dans le monde. On retrouve ainsi une importante communauté Hakka à Vienne, en Autriche, où tous les immigrants Hakka de Vienne se retrouvent souvent lors de grands banquets organisés pour le mariage de leurs enfants. C’est aussi à Vienne que les Hakkas ont créé la première association de Chinois Hakka de la région européenne : l'Association autrichienne des Hakkas. On retrouve aussi des Hakkas en Amérique du Sud, au Suriname, où la plupart des Chinois vivant sur place proviennent de la région du Guangdong. Le Suriname reconnaît même le Hakka comme une langue officielle, tant la communauté chinoise est importante dans le pays. Toute la communauté se retrouve chaque année pour célébrer le Nouvel An chinois.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo : tulou, maisons traditionnelles hakka © Wikimedia Commons
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