
Les villas du Mont Lushan, témoins de la convergence des cultures orientale et occidentale
Quel rôle ces résidences ont-elles joué dans la fusion des cultures orientale et occidentale ? Cha Xiaorong, ancien directeur du musée de la ville de Lushan, province du Jiangxi, a récemment accepté une interview exclusive avec China News.
Pourquoi le Mont Lushan est-il considéré comme le « Musée de l'architecture de tous les pays » ? Comment sont nées les villas du Mont Lushan ?
Après la seconde guerre de l'opium, Jiujiang, la « porte nord du Jiangxi
», est devenue un port de commerce dans lequel bon nombre d'étrangers ont prêché, voyagé et fait des affaires. Jiujiang, chaude en été, contraste
avec le Mont Lushan et sa fraicheur, sur les rives du fleuve Yangtsé. Edward
Selby Little, missionnaire et homme d'affaires britannique, a voulu construire
une résidence dans la vallée orientale de Guling, dans le Mont Lushan. En
1895, après avoir obtenu, par des moyens illégaux, le droit de bail de la
vallée de la rivière Changchong, il crée la Guling Development Company et
commence à y construire des villas. Par la suite, de nombreux étrangers et
anciens dignitaires chinois se sont succédés pour y établir leurs résidences.
La construction de la première résidence par Little a initié l'essor
immobilier du Mont Lushan, dont le pic a atteint 1 000 villas et
l'établissement de tout un quartier. Aujourd'hui, plus de 600 résidences
subsistent, témoins des styles architecturaux de plus de dix pays tels que la
Chine, la Grande-Bretagne, les États-Unis et la France. Les centaines de
villas nichées à l'ombre de la verdure, aussi différentes les unes que les
autres, font du Mont Lushan un musée à ciel ouvert des architectures du monde
entier.
Les villas du Mont Lushan cachent des histoires fascinantes. L'une d'entre elles, la villa Mei Lu, a appartenu à l'épouse de Chiang Kai-shek, Soong Mei-ling, qui en fut la troisième propriétaire. Cette villa de style britannique a été baptisée « Mei » (« beauté ») en hommage à la beauté de la première Dame de la République de Chine. La villa Pearl Buck, quant à elle, a été construite par le père de la lauréate du prix Nobel et écrivaine américaine, Pearl Buck. Pendant longtemps, chaque année, sa famille et elle ont passé leurs vacances d'été au Mont Lushan.
Quels éléments architecturaux, orientaux et occidentaux, et caractéristiques culturelles retrouve-t-on dans les villas du Mont Lushan ?
Les villas construites sur le Mont Lushan représentent une large palette
de styles architecturaux : les styles occidentaux gothique, roman, y côtoient les dômes byzantins, mais aussi les styles
islamique et japonais. Ces centaines de villas regroupent différentes écoles
d'architecture orientales et occidentales, qui coexistent harmonieusement dans
cet art figé dans le temps.
La plupart des villas du Mont Lushan sont des maisons de campagne à l'européenne, peu élevées, d'ailleurs nombre d'entre elles ne possèdent qu'un ou deux étages. Les matériaux de construction traditionnels chinois sont principalement le bois et la terre, tandis que les matériaux utilisés pour les villas du Mont Lushan sont surtout des matériaux locaux. Les murs extérieurs ont été construits avec des roches bleu-gris. L'absence de polissage a préservé leur surface rugueuse, leur aspect simple et massif. Ainsi, elles s'intègrent parfaitement aux roches environnantes. Les résidences du Mont Lushan sont majoritairement dotées de toits géométriques plats, recouverts de clous en fer et peints en rouge et vert. Les tuiles en fer, résistantes à la chaleur et au froid, ne se déforment pas facilement et sont à l'épreuve du vent, de la glace et de la neige. On retrouve des éléments architecturaux européens tels que le bardeau et l'arche, emplis de saveurs exotiques, dans la plupart des villas du Mont Lushan.
Avec les mutations sociales et l'évolution des modes de vie, des modes de
construction et des moyens techniques, l'extension des villas du Mont Lushan a
progressivement incarné la fusion des architectures orientale et occidentale.
En effet, les fenêtres des résidences, adaptées à la
topographie et au climat de la montagne sacrée, ne sont pas aussi grandes que
celles des bâtiments occidentaux et ressemblent
davantage aux ouvertures de style chinois. Dans certaines villas, des
éléments architecturaux locaux chinois ont été ajoutés en décoration : un
pavillon d'angle de style chinois sur le toit, une façade sur la porte, un tambour traditionnel en pierre souvent utilisé dans
les embrasures de porte... Les villas du Mont Lushan combinent les styles
architecturaux chinois et occidental, ce qui en fait un paysage culturel
unique.
Le Mont Lushan porte deux casquettes dorées : c'est à la fois un paysage culturel du patrimoine mondial et un parc géologique mondial, deux éléments capitaux qui en font une montagne de renommée internationale. Les résidences sont une des composantes de son paysage humain.
Lors de sa candidature à l'inscription sur la Liste du patrimoine mondial, les experts de l'ONU ont émis les recommandations suivantes : « Les différents styles des monuments appartenant au patrimoine historique du Mont Lushan se marient harmonieusement et sont particulièrement mis en valeur par la beauté naturelle de la région, donnant ainsi naissance à un paysage culturel d'une valeur esthétique exceptionnelle, investi d'associations profondes avec la vie spirituelle et culturelle de la Chine. »
De tous temps, la majesté, l'étrangeté, le danger et la beauté émanant du Mont Lushan ont attiré célébrités, érudits et écrivains. Les innombrables poèmes et proses qu'ils ont laissés en héritage ont ajouté un éclat littéraire infini à la montagne sacrée. Des étrangers ont construit des villas pour y vivre et mieux connaître et comprendre la culture chinoise.
Les premières villas du Mont Lushan ont été construites par des étrangers. Les maisons construites par les Chinois ne sont apparues que plus tard, mais elles ont également conservé les caractéristiques de l'architecture occidentale. Elles sont ainsi devenues un symbole de la fusion entre l'est et l'ouest et ont offert aux populations locales un accès à la culture occidentale. La plupart des étrangers vivant dans le Mont Lushan, missionnaires et hommes d'affaires, ont fait de « la montagne aux six religions », un modèle multiculturel.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photos : CNS
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