Le jardin chinois : entre la nature et l’homme, quête intérieure vers la spiritualité

1674645427057 China News

Élément essentiel de la culture du lettré, le jardin classique chinois a été conçu comme une représentation idéale du monde et une quête intérieure vers la spiritualité. 

Les jardins incarnent le monde idéal, en Chine comme à l’étranger. En témoigne la popularité de nombreux jardins comme le Palais d’été, le jardin du Modeste administrateur, les jardins de Versailles (France) ou encore les jardins de Kew (Grande-Bretagne). Si les jardins orientaux et occidentaux partagent tous l’exaltation de la vie et de la beauté, ils véhiculent pourtant des visions différentes qui ne cessent de s’influencer. Dans un entretien accordé à China News, Lu Andong, vice-directeur de la faculté de l’architecture et de l’urbain, de l’Université de Nankin, revient sur l’essence des jardins chinois et leur rôle de ponts culturels dans les échanges entre la Chine et le reste du monde. Pour lui, « l’expérimentation humaine et la spiritualité constituent les clés pour comprendre les jardins chinois, qui tendent à dépasser les frontières linguistiques et  idéologiques pour éventuellement toucher le cœur humain »

Wujiang Suzhou - Unsplash

Qu’est-ce qu’un « Jardin chinois » ?

Si nous avons déjà une idée précise de ce à quoi ressemble un  jardin classique chinois, le « jardin chinois », en tant que concept ou formule, il n'est apparu que très récemment. Dans les années 1920, les universitaires japonais, dans le but de mieux comprendre leur propre histoire, se sont mis à étudier, de manière méthodique et académique, les cultures chinoises. Marqués par une prise de conscience patriotique, les intellectuels chinois n’étaient pas en reste dans l’exploration et la réinterprétation des traditions culturelles de l’empire du Milieu. À titre d’exemple, le grand architecte chinois Liang Sicheng et les membres de l’Association de recherches d’architecture Yingzao ont mené un travail approfondi sur l'architecture chinoise en bois ; le chercheur Tong Jun a également étudié minutieusement les jardins de Suzhou, symboles du « jardin chinois ». Certes, il est primordial de protéger les jardins chinois historiques, qui font partie de notre patrimoine culturel. Mais en même temps, nous devons également innover, voire réinventer les « jardins chinois » pour qu’ils intègrent parfaitement nos paysages urbain et quotidien. 

Quel rôle joue la culture des jardins dans les échanges entre Orient et Occident ?

Central Park New York - Unsplash

Chaque civilisation et chaque pays dispose de sa propre culture de jardins. En témoigne la genèse des « jardins anglais », vus comme une résistance vis-à-vis des jardins orthodoxes incarnés par la France. En effet, le « jardin occidental » demeure une notion assez floue. Car depuis longtemps, ce sont les « jardins français » qui dominaient les espaces verts en Europe. Mais depuis le XVIIe siècle, les missionnaires anglais ont rapporté de la Chine de nombreuses images et des écrits sur les jardins chinois, qui ont servi de sources d’inspiration pour créer des jardins du style anglais. Si les jardins français se démarquent par leurs préoccupations géométriques, les jardins chinois se penchent sur l’intérieur et la spiritualité des êtres humains. Il n’est pas sans raison que les jardins anglais se caractérisent par une sorte de romantisme, entre joie, tristesse, passion et méditation. L’expression « pittoresque » (picturesque en anglais) résume bien l’esprit du « jardin anglais ». C’est également un mot clé pour disséquer l’évolution architecturale et urbaine durant le XXe siècle en Europe, marqué par la « promenade architecturale », mise en avant par l’architecte franco-suisse Le Corbusier, ainsi que le concept de « paysage urbain » (townscape en anglais). Par ricochet, la Chine s’est beaucoup inspirée de ces nouveaux mouvements occidentaux : « le paysage change à chaque pas », trait emblématique du jardin chinois, n’est-il pas une réinterprétation de la « promenade architecturale » ? Ainsi, le Central Park américain, bâti sur le modèle du jardin anglais, entretient des rapports, à la fois profonds et subtiles, avec le « jardin chinois ». C’est un bel exemple des influences mutuelles entre les cultures occidentale et orientale. 

Dans quelle mesure les échanges dans le domaine des jardins pourraient-ils contribuer au dialogue entre Orient et Occident ?

Palais d‘été Pékin - CNS

L’expérimentation humaine et la spiritualité constituent les clés pour comprendre les jardins chinois, qui tendent à dépasser les frontières linguistiques et idéologiques pour éventuellement toucher le cœur humain. En effet, le jardin chinois a joué un rôle d’ambassadeur dans les échanges entre l'empire du Milieu avec l’Occident dans les années 1980 où la Chine s’ouvrait peu à peu au monde extérieur. Il représente, en microcosme, le monde spirituel et quotidien des Chinois. Dans l’Astor Court du Metropolitan Museum of Art de New York, une cour typiquement chinoise, les visiteurs sont invités à goûter du thé, apprécier les œuvres calligraphiques et picturales, en s'imprégnant de l’univers spirituel et culturel des Chinois. Néanmoins, il s’agit d’un échange culturel assez élémentaire, loin d’être suffisant pour mener un dialogue de fond entre Orient et Occident.

Si les jardins chinois font partie de notre précieux patrimoine culturel et qu'ils nécessitent une protection pour les valoriser, nous devons également veiller à ne pas tomber dans le piège des coutumes et traditions, avant de tisser, de manière créative, des liens entre les jardins, la nouvelle technologie et notre avenir. Au fond, les jardins chinois représentent un lieu de vie aussi classique qu’idéal, tout en équilibre entre hommes, nature et culture. Cela pourrait nous inspirer dans nos efforts pour mener une  vie meilleure en fusionnant, dans notre quotidien, l’écologie, la technologie et la culture. 

Lu Andong est vice-directeur de la faculté de l’architecture et de l’urbanisme de l’Université de Nankin. Il a été formé à l’Universités Tsinghua (licence) et à l’Université de Cambridge (master et doctorat). Professeur invité dans plusieurs institutions, aussi européennes qu'américaines, il est aujourd'hui membre du comité d'espace public de l'Union internationale des architectes et conseiller du comité des critiques de l'Association chinoise de l'architecture. Il est également curateur du pavillon de la Chine lors du festival London Design Biennale en 2018.

Photo du haut : South China Botanical Garden - Unsplash

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