
Le jazz : nouvelle forme d’expression de la jeunesse chinoise vers un dialogue interculturel
Que se passe-t-il lorsque le jazz occidental et le jazz chinois se rencontrent ? Quel est le potentiel du jazz chinois ? Comment ces deux cultures peuvent-elles dialoguer ? Pour répondre à ces questions, le média China News est allé interviewer Huang Yong, fondateur, vice-président exécutif et secrétaire général de la société de jazz de l’Association des musiciens chinois…
Quelle est la spécificité du jazz ? Quelle est la recette de son succès ?
Le jazz tire ses racines d’un dialogue interculturel. En 2011, l’UNESCO a même décidé que la date du 30 avril deviendrait la journée internationale du jazz, entérinant ainsi son caractère universel, son message de paix, de dialogue, de diversité et de respect entre les peuples. Selon moi, la spécificité du jazz réside dans le fait que c’est un art qui repose sur la liberté et sur le respect mutuel. C’est en cela que cette musique est si attrayante.
Concert de jazz à Guangdong. DR.
On ne retrouve pas forcément cela dans les autres formes de musiques. Les autres genres sont plus fixes, ils laissent moins de place à l’improvisation. Dans le jazz, les artistes peuvent s’exprimer comme ils le souhaitent véritablement. Il y a beaucoup plus de place pour la collaboration entre les artistes, pour l’improvisation. Lorsqu’ils pratiquent ensemble, les musiciens de jazz doivent toujours s’exprimer en faisant attention à la performance de chacun. C’est ainsi qu’on apprécie le jazz : on peut ressentir cette liberté dans l’expression et ce respect dans la collaboration. C’est cela qui rend cette musique aussi complète, riche et variée.
Pourriez-vous nous rappeler comment le jazz s’est diffusé en Chine ?
Les débuts du jazz en Chine remontent aux débuts de la politique de réforme et d’ouverture, lancée par les autorités en 1978. Les musiciens de ma génération ne connaissaient rien au jazz à l’époque. La première fois, nous avions été très surpris de découvrir cette musique, nous avions été fascinés par son charme et nous avions commencé à la ressentir, à l’apprécier, puis finalement à l’imiter. Dans les années 1990 et jusqu’aux années 2000, le jazz était une culture assez élitiste en Chine. Pour voir de vrais concerts de jazz, il fallait aller dans des hôtels de luxe. Il y avait très peu de bars où on pouvait en jouer.
Les choses ont changé à
partir de 2003 environ. La demande pour cette musique a augmenté, des
spectacles ont commencé à être organisés dans des bars et des salles de concert
de Pékin. On a commencé à inviter des groupes qui venaient se produire à ces
occasions. Au début, ces groupes interprétaient surtout des œuvres
occidentales. Mais petit à petit, certains groupes locaux ont commencé à
percer. Ils ont créé des compositions nouvelles, plus originales. C’est à cette
époque que j’ai commencé à vouloir lancer mon propre festival de jazz. Le
« Beijing Nine Gates International Festival » a vu le jour en 2006, à
un moment où les morceaux de jazz chinois devenaient de plus en plus connus,
l’idée initiale était de donner l’occasion à de nouveaux artistes de
se produire et d’échanger ensemble.
Le festival de musique de Jazz de Neuf Portes à Pékin. DR.
Ensuite, l’époque où nous étions en train de tâtonner, de nous chercher, a cédé place à une nouvelle génération, qui avait davantage confiance en elle. À partir de 2010, le jazz en Chine a connu un essor sans précédent. Depuis, il y a des salles de concerts partout dans des villes comme Pékin ou Shanghai. En décembre 2013, la société de jazz de l’Association des musiciens chinois a même trouvé son véritable « quartier général », à l’occasion de la 8e édition du « Beijing Nine Gates International Festival ». Nous avons depuis vraiment le sentiment que le jazz est en plein essor en Chine. Même l’épidémie de Covid-19 n’a pas eu raison de cette nouvelle épopée. Le Centre national des arts du spectacle de Pékin a récemment accueilli le festival national de jazz de Taihu, auquel ont participé des dizaines de groupes de jazz et plus de 100 artistes au total. Ce spectacle n’avait rien perdu de son dynamisme d’avant Covid. Il a réuni un large public, il a autant rayonné lors de sa préparation que lors de son déroulement. Si bien qu’aujourd’hui, le jazz est en pleine vitalité dans notre pays.
Ces dernières années on observe une nouvelle tendance, celle de la musique jazz entièrement chinoise. Pensez-vous que le jazz chinois puisse prospérer à l’avenir ?
Les musiciens de jazz chinois
se sont beaucoup préparés et ont fourni beaucoup d’efforts pour produire des
compositions vraiment locales. L’apport de la culture chinoise est vraiment
bénéfique, on se rend compte que les artistes qui ont baigné dans cette culture
parviennent très bien à comprendre le vocabulaire d’expression du jazz. Tout
s’est fait presque naturellement. D’ailleurs, le récent festival national de
jazz de Taihu offre un très bon exemple du mariage entre la
musique folklorique chinoise et la musique jazz.
Festival de musique de jazz de Taihu. DR.
On retrouve cette tendance dans de nombreuses prestations. C’est par exemple le cas du groupe de jazz de Kong Hongwei, surnommé le Bouddha d’or, et du musicien Feng Mantian, dans leur interprétation des morceaux, tels que « Route de la soie » ou « Western Rhapsody ». Je pourrais ainsi citer plein d’autres compositions : « Bonne récolte » (fengshou) de Li Xiaochuan, « Dessin oriental » du quatuor de Luo Ning, « Cloche du soir de Nanping » (Nanping wan zhong), « Nuages colorés chassant la lune » (Caiyun zhui yue) ou encore « Tubéreuse » (Yelai xiang), de l'Académie de musique contemporaine de Pékin. Ce sont des morceaux qui offrent un bon exemple du mélange entre la composante folklorique de la musique chinoise et la culture du jazz. Ils sont aussi très bons sur le plan technique.
Pour arriver à ce dialogue interculturel, je dirais finalement qu’il faut beaucoup de patience, beaucoup de respect et de compréhension mutuelle. Mais il faut aussi du talent, un vrai désir d’innovation et surtout beaucoup de sincérité. Je pense en fait que le dialogue entre le jazz occidental et chinois se situe au niveau des artistes eux-mêmes. On peut dire que les musiciens de jazz chinois ont atteint un niveau très élevé sur le plan technique, et les jeunes générations sont plus aptes à réaliser ce dialogue interculturel. Les nouveaux artistes saisissent mieux le langage de la musique, ils ont plus confiance en leurs créations et parviennent très bien à s’internationaliser.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo du haut : DR.
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