Le cinéma féminin, fer de lance du septième art chinois à l’international

1675777073006 China News
Au cœur des années 1990, l’âge d’or du cinéma chinois à l’étranger, les films venant de l’empire du Milieu ont brillé dans les festivals internationaux. Une génération de réalisatrices a émergé sur la scène cinématographique et qui, depuis, contribue aux réflexions sociétales chinoises.

En 1981, The Savage Land, long-métrage signé Ling Zi, réalisatrice chinoise, a été le premier film de l’empire du Milieu à être sélectionné par la Mostra de Venise. Depuis, le cinéma chinois marque sa présence, de manière permanente, dans presque tous les grands festivals internationaux. Dans une interview croisée accordée à China News, Li Shaohong, réalisatrice et présidente de l’Association nationale des réalisateurs chinois, et Marco Müller, producteur et directeur artistique du centre de recherches artistique de l’Université de Shanghai, reviennent sur les premiers pas du cinéma chinois sur la scène internationale, tout en témoignant de l’évolution du cinéma féminin chinois.

En 1981, vous avez proposé, en tant que conseiller du cinéma asiatique auprès de la Mostra de Venise, de présenter le film chinois The Savage Land au festival. Pourquoi ce choix ?

Marco Müller : Début 1981, certains amis chinois m'ont parlé du film The Savage Land, produit par la nouvelle société de production Nanhai Films et adapté d’une pièce de Cao Yu, géant du théâtre chinois. Grand admirateur de ce dernier, j'ai donc regardé le film. C’était le premier long-métrage de la réalisatrice Ling Zi, avec laquelle j'ai ensuite fait connaissance. Elle m’a présenté d’autres réalisatrices chinoises. Je me rendais compte qu’une nouvelle génération de cinéastes féminines, aussi dynamiques que talentueuses, était en train d'émerger sur la scène cinématographique. 

« The Savage Land », produit par la nouvelle société de production Nanhai Films et adapté d’une pièce de Cao Yu

Le cinéma chinois faisant son entrée dans les festivals internationaux, que cela signifie-t-il ?

Li Shaohong : Cela nous a ouvert les yeux, tout en aidant le reste du monde à mieux connaître la Chine. En 1992, Family Portrait, film que j’ai réalisé, était le premier long-métrage chinois traitant un sujet contemporain qui a été sélectionné par un festival européen tel le Locarno International Film Festival. La vie réelle des Chinois était presque inconnue aux Occidentaux. Les journalistes internationaux m’ont posé beaucoup de questions et j’ai tout de suite senti leur envie de s’approcher de plus près de la Chine par le cinéma. Il est donc important pour les films réalistes ou sociaux chinois de percer sur la scène internationale.

Marco Müller : À l’époque, il s’agissait majoritairement de la première ou deuxième œuvre réalisée par cette nouvelle génération de réalisateurs. Ils ont tenté d’explorer toutes les pistes possibles dans leur création. Pour moi, il était important de présenter ces films auprès du public européen pour qu’il se rende compte de la richesse et de la diversité de la culture chinoise.

Dans les années 1990, les films chinois ont brillé aux festivals internationaux. C’est l’âge d’or du cinéma chinois à l’étranger. Presque tous les grands festivals internationaux ont compté au moins un film chinois dans leur liste de sélection. Les distributeurs occidentaux ont également fait leurs yeux doux au cinéma chinois. Pourquoi ce phénomène ? Parce que dans les années 1990, la Chine comptait beaucoup d'excellents films, qui vont des films d’auteurs à potentiel commercial, ou encore des films commerciaux bourrés de qualité. Je suis très admiratif de la capacité de création de cette génération de réalisateurs.

En 1992, « Family Portrait », film que Li Shaohong réalisé, était le premier long-métrage chinois traitant un sujet contemporain qui a été sélectionné par un festival européen tel le Locarno International Film Festival.

Qu'apportent les réalisatrices ou les films féminins au cinéma chinois ?

Li Shaohong : Le prisme féminin et la création artistique féminine enrichissent notre vision du monde. En tant que réalisatrice moi-même, je choisis de m’inscrire dans cette lignée-là. Mon film Blush, sélectionné en 1995 lors du festival international de Berlin, a suscité un grand écho. Depuis j’adopte consciemment le prisme féminin dans ma création artistique. Je me suis ainsi forgée au fur et à mesure mon propre style.

Marco Müller :  Tous les deux ou trois ans, sur le marché chinois, on compte un ou deux films féminins qui prennent parti pour la cause féministe. Des réalisatrices chinoises, comme Ling Zi, Huang Shuqin, Li Shaohong ou encore Li Yu, apportent, à travers leurs films, des pistes de réflexion sur la société, aussi uniques que précieuses. Un travail nécessaire pour que le public étranger saisisse l’esprit et la vision propres à ces cinéastes.

Quels sont les différences et les points communs entre les films féminins chinois et occidentaux ?

Marco Müller : Il n’y a pas énormément de différences. Sauf qu’en Chine, le cinéma féminin n’est pas considéré comme un domaine réservé uniquement aux femmes. Le réalisateur Zhang Yimou a dressé, dans Qiu Ju, une femme chinoise, primé d'un Lion d'or à la Mostra de Venise, le portrait d’une femme qui fait tout pour défendre ses droits. Le réalisateur Tian Zhuangzhuang a également choisi de mettre en avant les personnages féminins dans son film Printemps dans une petite ville, lauréat du prix San Marco. Sans oublier le réalisateur hongkongais Johnnie To, car ce maître du cinéma d'action a également réalisé un grand nombre de films consacrés aux femmes. 

« Blush », sélectionné en 1995 lors du festival international de Berlin, a suscité un grand écho.

Dans quelle mesure les spectatrices d'aujourd'hui se différencient-elles de leurs aînées d'il y a 30 ans ?

Marco Müller : À l’époque actuelle, les spectatrices chinoises disposent d’une multitude de choix de films. Avant, les réalisatrices, notamment de l'Occident ou du Japon, ont réalisé des films visant des trentenaires ou quarantenaires. Aujourd'hui, leurs potentiels spectateurs sont beaucoup plus jeunes. Force est de constater que les réalisatrices chinoises se mettent également à faire des films de genre. Un nouveau phénomène et une initiative prometteuse.

Li Shaohong : De ma propre expérience, mon éveil de la conscience féministe s'était d’abord fait de manière naturellement avant de devenir un choix. Comme le dit le dicton « Les femmes peuvent épauler la moitié du ciel », les femmes disposent des mêmes droits et opportunités de travail que les hommes. D’autant qu’à la suite des réformes d’économie et d’ouverture dans les années 1980, les femmes réfléchissent sur leurs propres valeurs et atouts pour gagner plus d’indépendance. Aujourd’hui, quand j’échange avec les jeunes réalisatrices, elles savent très bien quel est leur principal atout, et ce à quoi elles tiennent sous le prisme féminin dans la création artistique.   


Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut : Qiu Ju, une femme chinoise, primé d’un Lion d’or à la Mostra de Venise, de Zhang Yimou

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