Comment comprendre le système de réincarnation du bouddha vivant dans le bouddhisme tibétain ?

1676977946760 China News Li Hanxue

Parmi les nombreuses branches mondiales du bouddhisme, seul le bouddhisme tibétain a développé un système de réincarnation du bouddha vivant et le terme chinois « bouddha vivant » lui-même a une signification curieuse et mystérieuse. 

Que signifie exactement « bouddha vivant » ? Pourquoi ce système est-il unique au bouddhisme tibétain ? Pourquoi le système de l’Urne d'or, établi par le gouvernement central de la dynastie Qing, est-il devenu la règle historique de la réincarnation du bouddha vivant dans le bouddhisme tibétain ? Le professeur Shen Weirong, du département de langue et de littérature chinoises de l'université Tsinghua, a récemment accordé une interview exclusive à China News sur ce sujet.

Selon vous, pourquoi le système de réincarnation du bouddha vivant n'existe que dans le bouddhisme tibétain ? Comment ce système de réincarnation a-t-il vu le jour ?

Le système de réincarnation du bouddha vivant est une innovation du bouddhisme tibétain et aussi un symbole important de la réalisation de l’objectif de localisation du bouddhisme au Tibet. La formation de ce système est directement liée à la croyance des bodhisattvas issue du bouddhisme mahayana.

Depuis le Xe siècle, le Tibet est considéré comme la terre de réincarnation du bodhisattva Guanyin. Depuis Songtsen Gampo, tous les dirigeants politiques et religieux du Tibet sont considérés comme des incarnations du bodhisattva Guanyin. Même le macaque qui, selon la légende tibétaine, a créé les premiers êtres humains au Tibet est également considéré comme une incarnation du bodhisattva Guanyin. Ainsi, la formation du système de réincarnation du bouddha vivant dans le bouddhisme tibétain est directement liée au culte de Guanyin au Tibet et constitue un moyen communément accepté de sélection des chefs religieux dans le bouddhisme tibétain.

Il n'est pas approprié d'appeler les bouddhas vivants réincarnés du Tibet des « bouddhas vivants », car ils sont uniquement des incarnations de bodhisattvas et non des incarnations de bouddhas. Le seul bouddha incarné ayant été sur Terre est le Bouddha Shakyamuni, tandis qu'il existe d'innombrables incarnations de bodhisattvas qui ont sauvé les êtres sensibles de la souffrance du monde.

Les bouddhas vivants réincarnés sont l'incarnation du Bouddha, du Dharma et du Sangha dans le monde des humains. Ils sont également le soutien de tous les êtres sensibles qui souffrent dans le samsara. Ils sont des chefs religieux sacrés et divino-humains. Alors que le concept de bodhisattva du bouddhisme mahayana est un système de croyance communément accepté et profondément enraciné dans le bouddhisme indien, chinois et tibétain, le système de réincarnation du bouddha vivant ne se retrouve que dans la tradition bouddhiste tibétaine, ce qui constitue une caractéristique importante de l'innovation indépendante du bouddhisme tibétain. Il revêt une grande importance pour la formation et le développement de la tradition bouddhiste tibétaine.

Historiquement, quelle influence les bouddhas vivants réincarnés ont-ils parmi les adeptes du bouddhisme tibétain et dans la région du plateau tibétain ?

Comme mentionné précédemment, le bouddha vivant réincarné est considéré comme une incarnation du bodhisattva Guanyin, le symbole de la compassion, et a sans aucun doute un fondement de croyance mahayana profond et étendu. Depuis la chute de la dynastie des Tubo, il n'y a pas eu de régime laïc unifié et puissant au Tibet. L'influence des chefs religieux dans l'ensemble de la société tibétaine s'est accrue et la tendance à ce que la société tibétaine traditionnelle soit régie par un chef politico-religieux est devenue de plus en plus évidente. L'émergence du système de réincarnation du bouddha vivant correspondait à l’état de développement de la société tibétaine, qui avait un besoin pressant de dirigeant qui soit à la fois un chef religieux et un chef possédant une autorité profane, tel un chakravartin. Le bouddha vivant réincarné est à la fois un dirigeant religieux et profane et, par conséquent, il est devenu de plus en plus important et influent dans les sphères politique et religieuse.

Le premier bouddha vivant réincarné est apparu dans la première moitié du XIVe siècle dans l'école Karma Kagyu du bouddhisme tibétain. À cette époque, les écoles telles Sakya, qui étaient traditionnellement basées sur le pouvoir familial adoptaient encore le système de succession de l'oncle au neveu. Mais progressivement, le système de réincarnation du bouddha vivant a montré des avantages évidents par rapport au système traditionnel de succession familiale et a été adopté par de plus en plus d’écoles et de monastères, devenant progressivement le principal système de sélection des dirigeants religieux dans toutes les écoles du bouddhisme tibétain. C’est ainsi que son influence est devenue de plus en plus étendue et profonde. Aujourd'hui, même au sein de l’école Sakya, qui adoptait traditionnellement le système de succession de l’oncle au neveu, le système de réincarnation du bouddha vivant est largement adopté. De nombreux monastères de l’école Sakya et leurs enseignements ont connu de multiples lignées de bouddhas vivants réincarnés.

Dans la société d'aujourd'hui, comment devrions-nous comprendre la signification du bouddha vivant pour le bouddhisme tibétain et ses adeptes ?

À l’heure actuelle, les maîtres du bouddhisme tibétain sont souvent appelés « Rinpochés ». Des rumeurs disaient qu'il y avait 100 000 voire même 300 000 « Rinpochés » dans le district de Chaoyang à Pékin. Les gens pensaient qu’ils étaient tous des bouddhas vivants réincarnés. Mais, en réalité, tous les lamas et maîtres ne sont pas tous des « Rinpochés » et tous ceux qui peuvent être appelés « Rinpochés » ne sont pas tous des bouddhas vivants réincarnés. La formation de chaque lignée de bouddha vivant réincarné a une origine particulière et un processus historique plutôt long. Leur reconnaissance nécessite une procédure religieuse rationnelle et légale et ne peut être établie arbitrairement. Aujourd’hui, l'État dispose d'un système de certification strict et unifié pour les bouddhas vivants réincarnés ordinaires, ce qui permet de gérer efficacement le processus de réincarnation des bouddhas vivants et mettre fin à la situation chaotique où de vrais et de faux bouddhas vivants circulaient dans la société.

L'importance des bouddhas vivants réincarnés pour le bouddhisme tibétain et ses adeptes est fondée sur la croyance des bodhisattvas, issue du bouddhisme Mahayana. Si ces bouddhas réincarnés et Rinpochés sont non seulement sélectionnés correctement, conformément à la loi, et officiellement reconnus, mais font également preuve de qualités et de capacités digne d’un bodhisattva dans leur conduite et leurs efforts de promotion du bouddhisme, alors ils pourront bénéficier aux croyants et contribuer positivement à la promotion et au développement du bouddhisme tibétain au cours de leur vie actuelle.

Au contraire, si ceux qui se prétendent être des Rinpochés ou ceux qui sont promus Rinpochés, ne possèdent pas le cœur compatissant d'un bodhisattva et le vœu suprême de sauver les êtres sensibles et qui plus est n'ont aucun appui historique pour devenir des bouddhas réincarnés, sont des imposteurs à la poursuite de la gloire et de la fortune, à la merci des huit vents du monde. Ils ne profiteront ni à eux-mêmes ni aux autres. Au contraire, ils causeront inévitablement un grand tort au développement actuel du bouddhisme tibétain. Tous les croyants doivent rester hautement vigilants concernant ces faux bouddhas vivants.

Ces dernières années, l'État respecte la réincarnation du bouddha vivant, forme de succession unique du bouddhisme tibétain, et espère que le bouddhisme tibétain deviendra une richesse culturelle de la communauté de la nation chinoise. Dans ce contexte, nous devrions réglementer plus strictement le système de réincarnation du bouddha vivant, mettre un terme à l'apparition de faux bouddhas vivants et maintenir sur une voie rationnelle et légale la diffusion du bouddhisme tibétain au sein de la population.

Photo du haut : unsplash

Commentaires

Rentrez votre adresse e-mail pour laisser un commentaire.