
Johan Famaey raconte la création de son œuvre « Souvenirs de Chine » qui chante la poésie chinoise
Un tympanon chinois comme instrument principal dans un concerto pour instruments à cordes, de célèbres sopranos belges chantant en chinois une dizaine de poèmes tels que L’aube du printemps de Meng Haoran, La Belle Yu de Li Yu, Dégustation de vin sur le lac de l’Ouest de Su Shi, La voix qui ralentit, qui ralentit de Li Qingzhao… Et, pour clôturer en beauté, les voix envoûtantes du Chœur national des jeunes de Belgique. Tel est le concert à thème, Souvenirs de Chine, donné par le compositeur belge Johan Famaey.
En 2009, après avoir séjourné pendant quatre années en Chine comme professeur de musique et musicien spécialiste de l’orgue, Johan Famaey est revenu en Belgique où il a créé une œuvre musicale qui chante la poésie chinoise. En 2011, Souvenirs de Chine a été donné pour la première fois à Lokeren, sa ville natale, près de Gand. En février et en septembre 2022, Souvenirs de Chine a de nouveau été donné à l’Opéra de Gand à l’occasion du concert du Nouvel an chinois, puis au Conservatoire royal d'Anvers pour le concert de la mi-automne. Pourquoi ce concert a-t-il tant marqué Johan Famaey, plus de dix ans après son départ de Chine ? Récemment, China News s’est entretenu avec lui à ce propos.
Quel souvenir la musique chinoise vous a-t-elle laissé ?
Au début, je ne connaissais pas grand-chose à la musique chinoise. Plus tard, j'ai rencontré ma femme en Belgique. Elle est Chinoise et elle m'a fait écouter de la musique chinoise. Nous sommes retournés en Chine en 2005 et avons vécu et travaillé à Qingdao. J'ai progressivement découvert la musique chinoise, comme l'opéra de Pékin et la musique traditionnelle chinoise, et j'ai coopéré avec des musiciens et des compositeurs chinois.
J'aime la façon dont la musique chinoise développe les mélodies et j'aime le registre unique des instruments chinois. Je sais jouer du tympanon chinois. Même si je ne sais pas jouer du sheng et du pipa, je sais comment composer pour ces instruments, et je connais aussi un peu la flûte verticale et la flûte à cucurbitacées. Je suis plus intéressé par le tympanon chinois dont le son est, à mes yeux, magnifique.
Je trouve très intéressant que le tympanon chinois et le piano sonnent de la même manière, on peut donc dire que c’est un « piano chinois ». Le tympanon chinois sonne typiquement chinois. Lorsque je joue du tympanon chinois à la maison, je pense à mes nombreuses expériences en Chine. Par exemple, après que l'église catholique de Qingdao a installé un nouvel orgue en 2008, un joueur de tympanon chinois m'a invité à utiliser cet orgue pour l’accompagner. C’est un beau souvenir musical.
Lors de la création du concert Souvenirs de Chine, pourquoi avez-vous choisi de mettre en musique des poèmes des Tang et des Song, et de laisser deux sopranos belges les chanter en chinois ?
Une des raisons est que le genre l'exige. Parce qu’il s’agissait de créer des chansons artistiques, les paroles devaient être associées à des poèmes célèbres, alors j'ai pensé à la poésie chinoise des Tang (618-907) et des Song (960-1279), et j'ai finalement sélectionné 10 poèmes, de Meng Haoran, Li Yu, Su Shi et Li Qingzhao.
J'aime tous ces poèmes. Par exemple, la Dégustation de vin sur le lac de l’Ouest de Su Shi. Ma femme est originaire de Wuhan, dans le Hubei. Ce poème me rappelle le magnifique paysage du lac de l’Est à Wuhan. La voix qui ralentit, qui ralentit, de Li Qingzhao, m’émeut profondément ; c’est pourquoi j’y ai introduit une chorale d’enfants, histoire de se défouler, de « pleurer » un bon coup, mais aussi de réserver une belle surprise au public.
Quant aux deux sopranos belges qui chantent ces poèmes en chinois, j'ai insisté sur la nécessité de les interpréter en chinois, sinon ce serait comme un film anglais dont les acteurs parleraient néerlandais, ce qui serait très étrange.
À la répétition, j'ai présenté le contexte de création de ces poèmes, j’ai traduit les paroles et indiqué la prononciation chinoise standard : les acteurs n’étant jamais allés en Chine c'était en effet difficile au début, mais ils ont magnifiquement chanté lors du concert.
Vous avez dit un jour que le concert Souvenirs de Chine s'efforçait d'atteindre une combinaison parfaite de musiques orientale et occidentale. Pouvez-vous développer cette idée ?
D'un point de vue musical, la musique occidentale est indissociable de l'harmonie : on pense que sans l’harmonie, la mélodie serait monotone. La musique chinoise est différente. Prenons l’exemple du erhu : un solo de erhu est très beau sans autres instruments de musique et la mélodie seule peut aussi être très riche.
Lors du concert Souvenirs de Chine, j’ai ajouté la mélodie du erhu au poème Ru Meng Ling. Bien sûr, parce que personne ne savait jouer du erhu, j’ai utilisé un violon. Et lorsque j’ai composé la musique, j’ai indiqué comment il fallait la jouer. Le public occidental pourrait ne pas comprendre pourquoi il faut interpréter de cette manière. Mais c’est là l’une des caractéristiques de la musique chinoise ; la mélodie n’en est que plus riche.
À l'inverse, pour le concert, j'ai utilisé l'orgue – instrument représentatif des instruments de musique occidentaux. Ainsi par exemple, la chanson Lang Tao Sha est accompagnée par l'orgue – au lieu du piano –, qui reflète plutôt les couleurs du romantisme occidental. Au moment de composer je me suis dit qu’il fallait utiliser l’orgue, car il n'y a pas beaucoup de gens en Chine qui savent jouer de l'orgue : si je joue en Chine, cela peut surprendre le public.
En bref, mon intention initiale est de permettre au public oriental et au public occidental de comprendre chacun la musique de l'autre, mais je ne veux pas tomber dans le « cliché ». Ce n'est pas de la musique chinoise typique, ni de la musique occidentale typique : je m'efforce de combiner parfaitement les deux.
Photo du haut : unsplash
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