C’est l'une des plus anciennes associations d'art populaire en Chine, mais c’est aussi la plus prospère et la plus influente au niveau national et international pour ce qui est de la gravure des sceaux. C’est la plus célèbre du monde dans son domaine et c'est également l'une des plus anciennes sociétés de lettrés subsistant en Chine. Pour revenir sur l’épopée de la sigillographie en Chine, le média China News est allé à la rencontre de Chen Zhenlian le 19 novembre 2022. Vice-président de la Fédération des cercles littéraires de Chine, vice-président de la Société sigillographique de Xiling et membre de la Ligue démocratique de Chine, ce dernier a expliqué comment la Société sigillographique de Xiling est parvenue à maintenir son héritage et son savoir-faire pendant plus d’un siècle, tout en diffusant les savoirs chinois sur la gravure des sceaux dans le monde entier.

Comment la Société sigillographique de Xiling a-t-elle réussi à maintenir son activité pendant plus de 119 ans ? Pourquoi est-elle aujourd’hui connue et réputée dans toute la Chine et même ailleurs dans le monde ?

La Société sigillographique de Xiling a été fondée à la fin de la dynastie Qing (1644-1911), à une époque charnière pour notre pays, aussi bien marquée par le chaos social que par l’introduction des connaissances occidentales en Chine. De nombreuses sociétés très connues ont été fondées pendant cette période, à l’image de l'organisation professionnelle appelée « Société du Sud » ou Nanshe (南社). La Société sigillographique de Xiling en faisait partie : elle était alors une toute petite société, mise sur pied par Ding Ren, Wang Lei, Wu Yin et Ye Ming, quatre artistes de la ville de Hangzhou. Ces derniers étaient totalement inconnus par le grand public à l’époque. Entre la fin de la dynastie Qing et les premières années de la République de Chine (1912-1949), cette petite équipe de la Société sigillographique de Xiling a été marquée par les grands événements politiques de l’époque : le Mouvement d'auto-renforcement, la réforme des cent jours et enfin, plus tard, le mouvement de la Nouvelle culture.

Ancien siège de la société © Site officiel de la Société sigillographique de Xiling

L’intérêt que Ding Ren, Wang Lei, Wu Yin et Ye Ming portaient à la gravure de sceaux sur or et sur pierre était totalement désintéressé. Le travail qu’ils faisaient était alors considéré comme ingrat, beaucoup de Chinois voyaient alors la sigillographique comme une activité plutôt désuète et difficile à l’époque. Leur travail d'orfèvre était pourtant inestimable, et même s’ils étaient assez incompris par leurs contemporains, les artistes de la Société sigillographique de Xiling ont finalement réussi à préserver l’un des aspects les plus fondamentaux de la culture traditionnelle chinoise…

Pendant la guerre, les membres fondateurs de la Société sigillographique de Xiling ont toujours considéré la société comme leur foyer. Ils auraient même été sans doute prêts à risquer leur vie pour protéger leur œuvre. L'étude de la gravure de sceaux sur or et sur pierre est un art inépuisable, et si la Société sigillographique de Xiling est parvenue à se maintenir jusqu’à aujourd’hui, c’est surtout grâce à la vitalité de la culture traditionnelle de notre pays, grâce à la vitalité de la sigillographique et grâce à la transmission de ce savoir-faire de génération en génération. Cela fait maintenant plus d’un siècle que la Société sigillographique de Xiling perpétue l'héritage des « huit grands artistes de Xiling », les graveurs de sceaux Ding Jing, Jiang Ren, Huang Yi, Xi Gang, Chen Yu Zhong, Chen Hong Shou, Zhao Zhichen et Qian Song. Ces derniers s’étaient réunis régulièrement à partir de 1928, avec pour ambition de préserver l’art des inscriptions anciennes sur des tablettes de bronze ou en pierre. À partir de cette date, ils avaient pour habitude de se rassembler à chaque printemps et automne, ou une fois par an, pendant plusieurs jours. C’était un exploit à l’époque car la plupart des sociétés sigillographiques chinoises étaient éphémères, elles ne duraient jamais plus de trois à cinq ans, voire deux ou trois décennies dans le meilleur des cas. La Société sigillographique de Xiling a ainsi connu un développement fulgurant.

On dit parfois de la Société sigillographique de Xiling qu’elle serait la première dans son domaine à recruter ses membres dans le monde entier. Quels sont ses critères exigés pour y adhérer ?

Les conditions d’adhésion à la Société sigillographique de Xiling sont très strictes. En 2005, elle ne comptait que 313 membres. Ce nombre a un peu augmenté ces dernières années, pour s’établir à 500 à l'heure actuelle. Les membres de la Société sigillographique de Xiling sont originaires de toutes les provinces et régions autonomes de notre pays, ils viennent de Hongkong, de Macao, de Taïwan, mais aussi de pays étrangers comme le Japon, la Corée, Singapour, la Malaisie, la France, les États-Unis et le Canada. Chacun d’entre eux constitue aujourd’hui l'épine dorsale de la communauté des sculpteurs de sceaux en or et en pierre en Chine et à l'étranger. Ils endossent une grande responsabilité, car ils doivent transmettre et entretenir ce patrimoine artistique contemporain. La Société sigillographique de Xiling est aussi une société très cosmopolite : elle est l’une des rares société artistique chinoise à inclure des membres non-Chinois. Plus de 50 membres de cette société sont aujourd’hui des étrangers.

D’autre part, le processus d’adhésion à la Société sigillographique de Xiling a été fondé historiquement sur le principe de la cooptation. Il fallait que les compétences de gravure des nouveaux membres soient reconnues et validées par la communauté. Ce système de cooptation présentait toutefois certains inconvénients : il n’était pas toujours facile de repérer des personnes talentueuses, si bien que la Société sigillographique de Xiling se trouvait parfois en manque d’effectif. À partir de 2005, elle a donc commencé à promouvoir un système de recrutement par concours. Cela lui a permis d’attirer de nouveaux talents, plus jeunes et plus créatifs et dont les connaissances culturelles étaient aussi beaucoup plus variées. Il est aussi toujours possible d’intégrer l’équipe à un âge moyen ou plus avancé, et c’est d’ailleurs toujours recommandé. Le tout est de trouver un équilibre : seuls 10 à 20 nouveaux membres sont admis chaque année.

Le maître mot des sujets du concours d’entrée à la Société sigillographique de Xiling est l’histoire de la sculpture des sceaux. On retrouve ainsi des épreuves au sujet du kaō (花押) (une marque stylisée utilisée à la place d'une vraie signature), des épreuves sur les sceaux impériaux anciens, des épreuves sur le sceau officiel de la dynastie Tang (618-907), sur le sceau à caractères multiples en jade, sur le sceau Zhuwen de la dynastie Yuan et sur le sceau géant… Presque tous les styles classiques de l'histoire de la sculpture des sceaux chinois sont au programme. Pour ceux qui passaient les épreuves, c’était plutôt inattendu. Mais cela leur a permis de revoir les fondamentaux et de se familiariser avec l’ensemble de la tradition de la sigillographie chinoise.

Siège actuel de la société © Site officiel de la Société sigillographique de Xiling

Comment la Société sigillographique de Xiling contribue-t-elle aujourd’hui à un dialogue entre l’Orient et l’Occident ? Comment met-elle en valeur l’excellence de la culture traditionnelle de la nation chinoise ?

La Société sigillographique de Xiling a beaucoup évolué depuis 2015. Elle est progressivement passée de l'étude des sceaux traditionnels à l'étude des sceaux picturaux et des sceaux sans caractère. L'étude des sceaux traditionnels portait sur les caractères chinois : l'étude des sceaux à système sans caractères et des sceaux picturaux constituait donc un très grand défi. La Société sigillographique de Xiling a ainsi organisé un colloque international sur les sceaux picturaux et sur les sceaux comportant des caractères non chinois, qui a lui-même débouché sur la présentation de plus de 80 documents en provenance du monde entier. Ce symposium a été suivi par d’autres colloques internationaux. La deuxième année, la Société sigillographique de Xiling a organisé une exposition sur les sceaux picturaux mondiaux. La troisième année, elle a organisé une exposition sur l'histoire des sceaux picturaux chinois. La quatrième année, elle a organisé une exposition sur les bronzes. La cinquième année, une exposition sur l’étude des gravures de sceaux sur métaux et bronzes à l’époque des Song du Nord (960-1127) et des Song du Sud (1127-1279).

Loin d’être cantonnée à son domaine de prédilection, qui portait au départ sur la civilisation chinoise traditionnelle, la Société sigillographique de Xiling s'intéresse désormais à toutes sortes de productions mondiales, du moment qu’elles portent sur la gravure sur métaux et bronzes et sur la gravure sur des sceaux. Les colloques et expositions ont ainsi attiré de nombreux talents étrangers, principalement en provenance du Japon. À l'époque, cinq ou six experts japonais de haut niveau m’avaient même fait savoir qu'ils étaient très reconnaissants à la Société sigillographique de Xiling d’avoir mis en place cette organisation annuelle de colloques internationaux. Il y a aujourd’hui d’autres pays qui sont très intéressés, comme les États-Unis ou l'Allemagne.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut : gravure de Wu Rangzhi, un des grands maîtres de la sigillographie de la dynastie Qing © Site officiel de la Société sigillographique de Xiling