L’Institut de Jinyun, un haut-lieu du «bouddhisme humaniste»

1678885276731 China News Liu Xianglin
Comment l’Institut du mont Jinyun, à Chongqing, est-il devenu un haut-lieu de l’enseignement bouddhiste en Chine à l’époque de la République de Chine (1912-1949) ? Quel a été son impact sur le bouddhisme chinois en général ? Comment le mont Jinyun est-il devenu le berceau du « bouddhisme humaniste » ?

Le 20 décembre dernier, Yang Xiaorong, chercheur à l'Académie des sciences sociales de la municipalité de Chongqing, a accepté une interview de China News et donné son point de vue sur ces questions.

Le Mont Jinyun, situé dans les environs de Chongqing, dans le sud-ouest de la Chine, est célèbre en raison de sa faune et de ses paysages magnifiques. Il est aussi devenu un haut lieu de l’enseignement du bouddhisme en Chine pendant la période républicaine. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Tout est d’abord parti d’un projet du moine bouddhiste Taihu (1890-1947). Ce dernier avait voyagé en Europe et aux États-Unis, il avait aussi créé une fondation mondiale des études bouddhiste, avec les Tibétains chinois, les Chinois du Japon, les Chinois d’Inde, mais aussi d’Europe. Après de nombreuses visites sur les lieux, dans la montagne Jinyun, dans les alentours de Chongqing, il a été décidé que ce serait à cet endroit-là que l’on installerait une école de bouddhisme. C’était un endroit calme, magnifique, qui convenait parfaitement pour établir l’adresse du nouvel Institut sino-tibétain. Lors de la cérémonie officielle d’inauguration, le 21 août 1932, il a été décidé que le maître Taixiu (1890-1947) serait nommé président de cet Institut, tandis que le bouddhiste Liu Xiang serait désigné président d’honneur. Le conseil d'administration a aussi été établi à ce moment-là et on a également décidé de nommer plusieurs administrateurs exécutifs, dont notamment Pan Wenhua, un autre important représentant des études bouddhistes à l’époque. Basé à Jinyun, cet institut, que l’on nomme depuis l’Institut sino-tibétain du bouddhisme, est aussitôt devenu la première école bouddhiste de l'histoire du bouddhisme chinois moderne à s'établir avec des enseignements chinois et tibétains.

Le Mont Jinyun / site officiel du gouvernement de Chongqing

Au cours des deux décennies qui ont suivies sa fondation, l'Institut de Jinyun a formé de nombreux talents et a permis la création d'écoles bouddhistes à d’autres endroits en Chine. On peut citer par exemple l’institut de Shakyamuni de Hejiang, dans le Sichuan, l’Institut de bouddhisme de Dajue, dans le district de Kai, à Chongqing, ou encore l’Institut de bouddhisme dans le district de Pingba, dans la province du Guizhou. Chacun de ces établissements a été dirigé par des enseignants et des élèves issus de l'Institut sino-tibétain du bouddhisme de Jinyun. Certaines de ces écoles chinoises étaient donc gérées sous le nom de l'Institut, tandis que leur philosophie éducative, tout comme leurs systèmes de formation, étaient principalement basés sur ceux de l'Institut sino-tibétain de Jinyun. On considérait alors que l'Institut sino-tibétain de de Jinyun est devenu un lieu où l’on formait la plupart des maîtres spirituels du bouddhisme chinois.

Quel a été l’impact de l'Institut d'enseignement sino-tibétain de bouddhisme de Jinyun sur l'éducation bouddhiste en Chine ?

Après le début de la guerre sino-japonaise en 1937, le Maître Taixu a dû cesser la plupart de ses activités à l’Institut. Les enseignements de l'Institut sino-tibétain de Jinyun ont cependant perduré. Pendant la guerre, le Maître Taixu s’est retranché dans les montagnes pendant plusieurs années. Il s’est directement occupé des affaires de l'Institut sino-tibétain, il a organisé des camps de formation en été et a continué d’enseigner les études bouddhistes aux enseignants et aux élèves. Situé à l'arrière de l'effort de guerre, l'institut sino-tibétain de Jinyun a rassemblé de nombreux enseignants exceptionnels à cette époque, si bien que le système d'éducation bouddhiste moderne s’est progressivement perfectionné.

Par la suite, l'Institut sino-tibétain de Jinyun a été chargé de rapprocher les cultures chinoise et tibétaine, de former des talents bouddhistes, de réformer et de revitaliser le bouddhisme en général, mais aussi et surtout de revitaliser le bouddhisme chinois. Son influence a persisté après la guerre, par exemple lorsque le vénérable Maître Fa Zun, qui avait été président par intérim et président de l'Institut sino-tibétain de Jinyun pendant de nombreuses années, fut nommé successivement vice-président et président du tout nouvel Institut chinois d'études bouddhistes, fondé en 1956. Dans la même logique, de nombreux enseignants et étudiants de l'ancienne Académie Han, tels que Zheng Guo, Guan Kong, Chen Kong, Ju Zan, Ye Jun et Yu Yu, qui avaient occupé des postes d'enseignement ou de direction à l'Institut sino-tibétain bouddhiste chinois de Jinyun, ou avaient participé à la rédaction de matériel pédagogique dans cet établissement. Ces enseignants et étudiants se sont inspirés de l'Académie chinoise de Jinyun pour ce qui est de l’enseignement et de la recherche, mais également au niveau des méthodes de gestion et de systèmes éducatifs. Ils ont enfin contribué à former de nombreux talents bouddhistes en Chine après la révolution de 1949. Après la politique de réforme et d'ouverture, lancée en 1978, alors que plusieurs collèges d’études bouddhistes ont été créés dans différentes parties du pays, de nombreux systèmes d’enseignements de l’Institut de Jinyun ont été reproduits, en particulier dans la province du Sichuan et à Chongqing.

L’Institut bouddhiste de Larung Gar

Que reste-t-il de l'héritage de l'Institut d'enseignement sino-tibétain de Jinyun aujourd’hui ?

L'Institut sino-tibétain du bouddhisme de Jinyun avait pour mission d'étudier le bouddhisme sino-tibétain en vue de contribuer à l’harmonie dans l’ensemble de la nation chinoise, mais aussi dans le but de promouvoir le bouddhisme sino-tibétain et donc de renforcer la paix dans le monde. L’institut de Jinyun est aussi l’endroit où les idées du bouddhisme humaniste, proposées et défendues par Maître Taixu, ont été mûries, réfléchies, diffusées et pratiquées pour la première fois. On peut donc affirmer que l’Institut de Jinyun est un haut-lieu du « bouddhisme humaniste ».

Pendant la guerre, l'Association bouddhiste chinoise, dirigée par le Maître Taixu, mais également par l’éditeur de magazine Hai Chao Yin, ont déménagé à Chongqing et ils ont menés l’essentiel de leurs activités à l'Institut sino-tibétain du bouddhisme de Jinyun. Pendant plusieurs années, l’éditeur Hai Chaoyin y a publié sa revue. Entre 1938 et 1945, le Maître Taixu a donné des cours à l'Académie Han du bouddhisme, où il a enseigné la théorie de la « vraie réalité », le bouddhisme chinois, ou encore un cours d'introduction à l'étude de la nature du dharma et de la « sagesse vide ». Ses cours, qui constituent la base théorique du bouddhisme humaniste, ont tous été compilés par les étudiants et les à l’époque, et ont ensuite été publiés dans la revue Hai Chao Yin. Tous ceux qui ont compilé les cours du Maître Taixu, comme Fa Fang, Zheng Guo, Wei Xian, Yan Pei, Miao Qin ou encore Xuan Ming, ont par la suite continué de transmettre le bouddhisme humaniste dans leur propre pays, mais aussi à l’étranger.

Enfin, c’est aussi entre 1938 et 1945 que Maître Taixu a rédigé de nombreux articles dans la revue Hai Chao Yin, au sujet de ses théories sur le « bouddhisme humanistes », sur la théorie de la « vraie réalité » ainsi que sur les conférences concernant la pratique contemporaine du Bodhisattva. La pensée du Maître Taixu sur le « Bouddhisme de la vie » a par la suite gagné encore en importance avec la parution du livre « Bouddhisme de la vie », publié en 1945, édité par les étudiants et les enseignants de l'Académie Han et publié par la revue Hai Chao Yin. Ce livre est paru dans une deuxième édition en 1946. Le Maître Taixu est finalement décédé le 7 mars 1947. Dix jours avant sa mort, il avait pris soin de remettre ses écrits sur le « bouddhisme de la vie » au calligraphe et théologien Maître Zhao Puchu. 

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut : le Temple Jinyun. DR.

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