
Comment la cuisine de « Longjiang » fusionne-t-elle les diverses cultures de l'Orient et de l'Occident ?
La cuisine de « Longjiang » est l'abréviation pour la cuisine locale de la province du Heilongjiang. Elle repose sur les techniques de préparation culinaires des cuisines de Pékin et du Shandong et intègre les caractéristiques alimentaires des cuisines mandchoue, coréenne, hezhen et d'autres minorités ethniques. Elle comprend également la cuisine occidentale, représentée par la cuisine occidentale russe. Cette cuisine est travaillée et préparée à l'aide d'assaisonnements, de matières premières et auxiliaires originaires de Longjiang, ainsi que de techniques culinaires qui lui sont spécifiques.
Harbin : Unsplash
Zhang Jinchun, président de l'Association de l'industrie de la restauration et de la cuisine du Heilongjiang et directeur exécutif de l'Association hôtelière du Heilongjiang se consacre à l'étude de la cuisine de Longjiang depuis de nombreuses années. Il a récemment été interviewé par China News afin de discuter de la formation et du développement de cette cuisine et de son charme à véhiculer les diverses cultures alimentaires de l'Orient et de l'Occident.
Située dans le nord de la Chine, comment la cuisine de Longjiang, fusionnant les cuisines orientale et occidentale, a-t-elle vu le jour ?
La province du Heilongjiang est située au nord-est de la Chine. C’est un grand territoire bordé de cours d’eau et de montagnes. Ses vastes terres fertiles et ses ressources animales et végétales très importantes forment une riche source d'ingrédients pour la préparation des plats de Longjiang. Cette province abrite également un grand nombre de minorités ethniques qui cohabitent en harmonie avec leurs différents styles et coutumes alimentaires, fournissant ainsi un support technique riche et profond au patrimoine culinaire de la cuisine de Longjiang.
La cuisine moderne de Longjiang s'est formée à la fin de la dynastie Qing. L'augmentation du nombre d'immigrants qui « ont traversé le Guandong » (à l’Est du Shanhaiguan), mouvement aussi appelé chuang Guandong, et l'ouverture des grandes villes et des négociations étrangères ont favorisé la formation et le développement de la cuisine de Longjiang. À la fin de la dynastie Qing, la « traversée du Guandong » et l'invasion de la Russie, du Japon et d'autres grandes puissances ont entraîné une augmentation rapide de la population du Heilongjiang. Un grand nombre de migrants ayant traversé le Guandong ainsi que des russes et japonais s’y sont installés. La vie économique est devenue de plus en plus dynamique et la restauration s'est aussi développée en conséquence, avec l'apparition de restaurants aux saveurs en phase avec celles du Shanhaiguan. On y retrouvait surtout la cuisine de Pékin, de Tianjin et du Shandong.
À cette époque, la cuisine du Shandong, principalement aux saveurs du Jiaodong, était populaire à Pékin et à Tianjin. Les personnes ayant effectué la traversée du Guandong sont principalement originaires du Shandong et leur cuisine s’est donc naturellement installée dans le Heilongjiang. Après des décennies de fusion, une cuisine du Shandong avec les caractéristiques du Heilongjiang s'est formée. Ainsi, les cuisines de Pékin et du Shandong constituent la base de la cuisine de Longjiang. Aujourd'hui, certains des plats représentatifs de la cuisine de Longjiang mettent encore en pratique des techniques traditionnelles de la cuisine de Pékin et du Shandong.
La cuisine de Longjiang est principalement une fusion des spécialités des groupes ethniques mandchou, coréen et hezhen ainsi que de la cuisine occidentale russe. Cette dernière se trouve principalement à Harbin. De la fin du 19e siècle aux années 1920, avec la construction et le lancement du chemin de fer de l’Est chinois, Harbin est passée d'un petit village de pêcheurs à une métropole. À l’époque, on pouvait y trouver, non seulement, toutes les cuisines en vogue dans le pays mais aussi, en exclusivité nationale, la cuisine occidentale russe qui était célèbre même en Extrême-Orient. Cela distingue la cuisine du Longjiang de celle du Nord-Est, car elle est l'une des rares cuisines chinoises à avoir une « saveur étrangère ».
« L'essence dans la rudesse » est l'une des caractéristiques de la cuisine du Heilongjiang. On y trouve des plats locaux, tels que le ragoût de poulet aux champignons et les plats à base de porcs tués au nouvel an (sha zhu cai), mais aussi des « produits importés », tels que des saucisses, le plat de crevettes mijotés (guan xia) et de bœuf mijoté (guan niurou). Par exemple, le ragoût de bœuf à la tomate est dérivé de la soupe occidentale de style russe borsch, et leurs brochettes sont inspirées des brochettes russes. L’alimentation propre au Heilongjiang et à la Russie ont tous deux une préférence pour les aliments gras mais sont également proches des régimes alimentaires coréens et japonais. On peut citer leur préférence pour le mélange des aliments crus, un point commun dû à des facteurs régionaux.
La province du Heilongjiang est une province frontalière multiethnique et chaque ethnie possède sa propre culture culinaire. Quelle influence cette spécificité a sur la formation et le développement de la « cuisine de Longjiang » ?
Certains chercheurs considèrent le Heilongjiang comme une zone de cultures alimentaires diverses, ce qui reflète la culture alimentaire originale de la province. Le Heilongjiang est non seulement le berceau des dynasties Liao, Jin et Qing, mais aussi le foyer des groupes ethniques han, mandchou, mongol, daur, oroqen, evenk, coréen et hezhen, ainsi que des migrants européens et russes. L'impact culturel de la multiethnicité et la fusion à long terme ont jeté les bases civilisatrices de la culture alimentaire diverse et unique de Longjiang, telle qu'on la connaît aujourd'hui.
La province du Heilongjiang est le berceau du peuple mandchou, dont la vie sociale et les habitudes alimentaires ont une grande influence sur la cuisine locale. Les Mandchous sont l'un des premiers groupes ethniques à avoir élevé des porcs. Lorsque les Mandchous vivaient encore dans des maisons basses à moitié souterraines (di yin zi), ils utilisaient du saindoux pour se protéger du froid pendant l'hiver. Le chou chinois mariné a probablement été inventé à cette époque pour conserver le chou. Les Oroqen, les Evenks et les Daurs sont des peuples de chasseurs. Leurs aliments de base sont le shoubarou (viande de mouton découpée à la main), le foie de chevreuil mélangé cru, le lait, les produits laitiers et le chaomi (riz sauté). Ils ont aussi pour habitude de boire du thé et de l'alcool. Ce régime alimentaire reflète pleinement la culture alimentaire de chasse de ces peuples, qui est devenue un élément indispensable de la cuisine de Longjiang.
Comment la cuisine de Longjiang, avec ses caractéristiques distinctives, se démarque-t-elle de son positionnement traditionnel de « branche de la cuisine du Nord-Est » ?
La cuisine de Longjiang excelle dans la préparation de légumes sauvages, de gibiers, de volailles, de poissons et de crevettes d'eau douce. Elle accorde une importance particulière aux saveurs parfumées, fraîches, tendres, rafraîchissantes et ni trop salées ni trop fades. Elle est connue pour ses aliments naturels précieux, frais, rafraîchissants, toniques et verts. Marquée par les caractéristiques du paysage septentrional, elle forme un système unique.
La cuisine de Longjiang est de nature diverse et inclusive. Elle assimile, non seulement, les caractéristiques culinaires de provinces comme le Shandong et le Henan mais intègre aussi les saveurs de la cuisine occidentale russe, mariant ainsi l'Orient à l'Occident. Avec l'amélioration du niveau de vie et la préoccupation de la population pour la santé, la cuisine de Longjiang change progressivement de forme et de goût pour devenir « rafraîchissante, élégante et tonique ». Ainsi, de nombreux plats renferment des éléments et des concepts nouveaux.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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