La série politico-policière brosse un rare portrait d'un chef de mafia chinois, personnalité à la fois charismatique et complexe, dans une Chine frappée par la frénésie immobilière des années 2000-2010.

Un étrange cercle tracé à la main en lieu et place de la mention « lu et approuvé » en bas d'un contrat. Le signataire – un vieux routier de la fonction publique chinoise –, veut brouiller les pistes pour échapper à ses responsabilités. Face au lancement d'un nouveau projet immobilier, des villageois propriétaires refusent de donner leur accord, « mais ma hiérarchie ne cesse de faire pression sur moi », se justifie le fonctionnaire avec beaucoup d’amertume, se trouvant malgré lui entre le marteau et l’enclume. Une scène de la série phénomène The Knockout qui s’inspirerait d’une anecdote vécue par le scénariste Zhu Junyi. Ce dernier, qui a grandi dans un quartier d’immeubles réservé à des familles de fonctionnaires, connaît par cœur les mentalités de ce milieu aussi discret que puissant.

Des détails du même type fourmillent dans la série et expliquent en partie son énorme succès en Chine : une certaine authenticité et un réalisme empreint de théâtralité. Ainsi du parcours du personnage principal, Gao Qiqiang (Zhang Songwen). Orphelin puis vendeur de poissons, il se fait marcher sur les pieds avant de devenir, par le hasard des choses, « le parrain des parrains ». La revanche sociale d'un ancien dominé constitue le fil d'Ariane de cette série en trois actes. Tout commence par une rencontre improbable entre Gao Qiqiang, minable marchand abattu et An Xin (Zhang Yi), un policier intègre mais têtu, qui lui offrira par pitié des raviolis à la veille du Nouvel An chinois. Nous sommes en 2000. Une amitié se fait puis se défait alors que Gao Qiqiang s’enfonce, malgré lui, dans la criminalité jusqu’au point de non-retour. En 2006, il intègre le groupe immobilier Jiangong, une entreprise mafieuse sans foi ni loi, impliquée dans la politique et l'économie locales. Fin connaisseur de l'Art de la guerre, il poursuit une ascension vertigineuse à coup de sang et d’éclat, sans que sa vieille connaissance An Xin ne puisse l’en empêcher. En 2021, alors que les autorités chinoises s'engagent dans la lutte anti- mafia, le « parrain », rusé et cruel, devenu même représentant parlementaire, se retrouve dans le collimateur de la police, d'où un duel entre An Xin et Gao Qiqiang...

The Knockout, diffusée sur iQiyi au début de cette année, propose une anatomie poignante de la mafia chinoise tout en livrant, non sans violence et brutalité, un témoignage des bouleversements économiques, politiques et sociaux vécus par la Chine durant ces vingt dernières années. Trafic de drogue, meurtres en série, règlements de comptes entre gangs... Pour certains critiques, An Xin et Gao Qiqiang représentent non seulement l’opposition entre le bien et le mal, mais aussi une confrontation entre l’État, ses lois, et une société humaine. Le parrain chinois sait très bien exploiter les failles humaines pour parvenir à ses fins et retourner la situation en sa faveur. C’est d’ailleurs l'un des plus grands charmes de la série. À la lisière de plusieurs genres – thriller, chronique sociale, satire politique ou comédie... – The Knockout, à la fois audacieuse et haletante, s’appuie sur un scénario solide. La prestation magistrale de ses acteurs vétérans fait figure de cas d’école dans le paysage télévisuel chinois, avec une note initiale de 9/10 sur le site Douban.

THE KNOCKOUT 狂飙

Série disponible sous-titrée en anglais sur iQiyi

Genre : drame 

Diffusion : janvier 2023 

Production : iQiyi 

Réalisé par Xu Jizhou 

Avec Zhang Songwen, Zhang Yi, Gao Ye, Li Yitong...

Photo : iQiyi