Les foires du temple : un carnaval populaire où se mêlent de multiples civilisations

1682498060272 China News Du Yan

En Chine, les foires du temple remontent à l’Antiquité et sont populaires depuis la dynastie des Han orientaux (25 - 220 apr. J.-C.). Elles ont évolué au fil des millénaires, conservant les coutumes traditionnelles tout en intégrant des éléments modernes. 

Elles séduisent les Chinois d’outre-mer et dépassent progressivement le cadre des « China Town », pour devenir un carnaval populaire où tous les groupes ethniques interagissent et où de multiples civilisations se rencontrent, manifestant les espoirs de vie meilleure que nourrissent les peuples du monde entier. 

Pourquoi les foires du temple sont-elles devenues si populaires, siècle après siècle ? Pourquoi de plus en plus de villes du monde organisent-elles des foires du temple à l’occasion du Nouvel an chinois ? China News a récemment interviewé Gao Wei, président de l’Académie des traditions populaires de Pékin, afin qu’il nous explique l’évolution millénaire des foires du temple et la manière dont elles sont devenues un symbole culturel unique pour les Chinois du monde entier.

Quand les foires du temple sont-elles apparues en Chine ? Quelle est leur portée ?

Les foires du temple sont le produit du développement de la société. Véritable coutume sociale, elles ont de profondes origines historiques et sociales et ont évolué avec la société pour mieux refléter leur époque.

En Chine, les foires du temple remontent à l’Antiquité et sont en constante évolution. À l’origine, le mot « temple » qualifiait un lieu où l’on pratiquait le culte des ancêtres. « Les grandes affaires du pays concernent les sacrifices et la guerre. » Dans les temps anciens, les sacrifices étaient principalement dédiés aux dieux ancestraux et aux dieux de la nature, en échange de leur bénédiction et de leur protection. Il était d’usage de se rassembler et d’organiser des cérémonies pendant lesquelles on faisait des offrandes et jouait de la musique. On peut y voir la forme embryonnaire des foires du temple populaire.

Au cours de la dynastie des Han orientaux, le bouddhisme a commencé à se diffuser en Chine et le taoïsme a progressivement pris forme. Le bouddhisme et le taoïsme ont tous deux concentré leurs multiples activités dans les temples et les monastères. Au fil du temps, certaines activités sont sorties des temples. Les défilés étaient alors très animés. Des lions éloignaient les mauvais esprits, on portait des banderoles et des bannières arborant le caractère « trésor » et on s’adonnait à la jonglerie et aux acrobaties. La venue d’un nombre croissant de fidèles a progressivement attiré les marchands ambulants, qui ont installé leurs étals aux portes des temples et des monastères. Nous avons appelé ces manifestations populaires, qui se déroulent à l’intérieur et autour des temples, les « foires du temple » ou « marchés du temple ».

L’atmosphère commerciale s’est accrue pendant les dynasties Tang et Song avec la hausse de la fréquentation et le caractère de plus en plus festif. Par la suite, des foires du temple ont été organisées à l’occasion de diverses fêtes telles que le Nouvel an chinois, la Fête des lanternes, la Fête du dragon levant la tête (2e jour du 2e mois lunaire) ou la Fête de Shangsi (3e jour du 3e mois lunaire) et se sont diffusées rapidement. Avec l’intégration du commerce et de la culture laïque, les foires du temple ont évolué, passant d’activités de croyance populaire destinées aux offrandes et aux pèlerinages à des événements folkloriques mêlant la foi, le commerce, le divertissement, le tourisme, les loisirs, la visite aux parents et la rencontre entre amis. Elles sont progressivement devenues une part de la vie des gens et un élément important de la culture populaire chinoise.

Pourquoi les Chinois aiment tant se rendre aux foires du temple, depuis des milliers d’années ?

La culture est l’incarnation des valeurs spirituelles. La Chine est un vaste pays doté d’une grande variété de croyances populaires. On a coutume de dire qu’« à dix lis d’intervalle, les coutumes sont différentes, à cent lis d’intervalle, les us changent ». En d’autres termes, la culture populaire est riche et colorée et possède une longue histoire.

Les foires du temple sont la quintessence de l’histoire, de la tradition et de la culture. Lorsque l’État a dévoilé les éléments représentatifs, répartis en cinq catégories, du patrimoine culturel immatériel national, 33 foires du temple ont rejoint la catégorie « folklore », dont la foire du temple Changdian de Pékin, la foire du temple Jinci du Shanxi et la foire du temple Longhua de Shanghai.

La foire du temple Changdian, célèbre pour ses vendeurs à la criée si caractéristiques, son étalage de peintures et calligraphies anciennes, son merveilleux spectacle fleuri, ses compétitions de lutte, ses performances de shuanghuang et ses airs d’Opéra de Pékin, existe depuis plus de 400 ans à Pékin. Alors qu’on faisait autrefois des offrandes au marché du temple, puis au marché du livre, elle est progressivement devenue un événement culturel et commercial organisé à l’occasion de la fête du Printemps à Changdian. Elle est bien connue dans la capitale pour son charme unique, qui « mêle l’élégance à la trivialité, le commerce au divertissement » et est devenue une vitrine et une plateforme pour présenter la culture populaire pékinoise et la culture Xuannan. 

La foire du temple Jinci, qui s’appelait autrefois la foire Saishen (« foire des sacrifices d’actions de grâce aux dieux »), puise son origine sous la dynastie des Zhou occidentaux et dans les rites célébrant la naissance de Yi Jiang, mère de Shu Yu. Elle dure cinq jours, à compter du 1er jour du 7e mois lunaire. Sur la scène du miroir d’eau du temple Jinci, on célèbre les dieux en jouant des pièces de théâtre et les passants brûlent de l’encens pour obtenir leur bénédiction. Pendant la foire, on donne toutes sortes de spectacles qui mettent à l’honneur les anciennes coutumes folkloriques locales de Taiyuan, dans le Shanxi.

En quoi les foires du temple reflètent-elles les coutumes populaires et les caractéristiques de l’époque ? Quel genre de « gène culturel » transmettent-elles ?

En tant que patrimoine culturel immatériel, les foires du temple sont ancrées dans les fondements culturels des sociétés locales et reflètent les traditions populaires régionales.

Dans la région de Pékin, par exemple, les foires du temple du vieux Pékin ont vu le jour sous la dynastie Liao, se sont développées à la fin de la dynastie Yuan et au début de la dynastie Ming et ont prospéré sous les dynasties Ming et Qing. Pékin abritait autrefois de nombreux temples, si bien que de nombreuses foires étaient organisées. Nous pouvons les classer en fonction de leur contenu. Il y avait des foires religieuses, rituelles, commerciales, récréatives et touristiques. Nous pouvons également les classer en fonction du moment où elles avaient lieu et de leur nature. Au premier, deuxième, neuvième et dixième jour de chaque mois, on vendait principalement des objets du quotidien, des collations, des fleurs, des oiseaux et des poissons au temple Longfu. Au troisième jour de chaque mois, on vendait principalement des produits locaux et des produits du quotidien au temple Tudi.

Les archives attestent que les foires du temple ont continué à être célébrées après la fondation de la Nouvelle Chine. Puis, pour des raisons historiques, les foires du temple de Pékin se sont absentées de la vie quotidienne des gens, jusqu’à ce qu’elles réapparaissent en 1984 et en 1985, avec les foire des temple Longtan et Ditan.

Avec la réforme et l’ouverture, la diversité économique a laissé place à la diversité culturelle. Les foires du temple pékinoises se sont progressivement multipliées. Les foires traditionnelles coexistent désormais avec des foires branchées, les foires de style pékinois avec des foires de style étranger, les grandes foires du temple avec des foires miniatures au sein des communautés... Depuis quelques années, les foires du temple d’affaires sont également en plein essor, tandis que les foires du temple des musées d’art ou scientifiques battent leur plein. Les foires du temple sont un espace culturel typique. Ce que je qualifie d’« espace culturel » semble être invisible et intangible, mais il s’agit d’une présentation holistique, globale, authentique, écologique et vivante d’une tradition et d’un modèle culturel.

Photo du haut : Xinhua

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