
[Essai] À propos des « Trois lièvres aux oreilles communes »
Le symbole des Trois lièvres aux oreilles communes a traversé l’Orient et l’Occident et s’est propagé dans de nombreux pays. Après avoir été observé pour la première fois dans les grottes de Mogao, à Dunhuang, d’autres sont successivement apparus sur des médailles islamiques en verre moulé, sur des plaques de métal afghanes, des plateaux iraniens, des peintures sur briques au Koweït, des horloges d’églises allemandes et des vitraux anglais, devenant un ornement dans les religions locales, les cultures et la vie quotidienne des populations.
L’exploration d’un système de langage extérieur qui non seulement reflète la position, les points de vue et les valeurs de la Chine, mais qui est également compris et accepté par les publics étrangers est une démarche nécessaire pour appliquer l’esprit de la lettre de félicitations adressée par le secrétaire général Xi Jinping à China News, à l’occasion de son 70e anniversaire. Afin de promouvoir les échanges entre les civilisations chinoises et étrangères et les liens entre les peuples, la rubrique spéciale « Questions d’Orient et d’Occident » (dong xi wen) lancée par China News ces dernières années a activement exploré cet aspect. Le caractère oriental et occidental que revêtent les Trois lièvres qui partagent des oreilles communes reflète les enjeux de cette rubrique. Mettre en valeur ce symbole qui transcende l’Orient et l’Occident et franchir le « pont » des échanges entre les civilisations constitue une voie efficace pour innover en matière de dialogue et d’expression.
Les Trois lièvres aux oreilles communes sont un symbole d’unité et d’harmonie. Ainsi, lit-on dans le Dao de Jing ou Livre de la Voie et de la vertu : « Le Dao engendre l’un, l’un engendre le deux, le deux engendre le trois, le trois engendre toutes les choses. » Tout part de « un » qui, petit à petit, à force d’exploration et d’accumulation, passe de deux à trois, de la quantité à la qualité et bondit. Le pommeau des anciennes épées de jade était souvent gravé de la formule « que trois verres tournoient ». Cela signifie que l’art de l’épée, partant d’« un mouvement, un style », s’est mué en « variations infinies ». Il en va de même avec les Trois lièvres aux oreilles communes, car le sens de l’avancée vaillante et de quête d’éternité qu’ils contiennent méritent d’être examinés attentivement.
Après avoir énoncé « le trois engendre toutes les choses », le Dao de Jing poursuit en disant que « toutes les choses portent le yin, embrassent le yang et précipitent le qi pour tendre à l’harmonie ». Selon le Huangdi Nei Jing ou Classique interne de l’empereur Jaune, « toutes les choses embrassent le yin et portent le yang et précipitent le qi vers l’harmonie. Toutes les choses naissent des trois qi ». C’est précisément sur la base du concept philosophique d’harmonie que les trois lièvres peuvent partager des oreilles communes, en symbiose. Cette notion créatrice et cette technique de symbiose constituent une part importante de la tradition culturelle chinoise, comme en témoignent également les trois animaux gravés sur des bronzes des Royaumes combattants, les trois oies gravées sur des tuiles de la dynastie Han, ainsi que les images de « Faire bonne figure à tous », des « quatre enfants joyeux en bronze » ou des « six fils qui se disputent » qui ont encore aujourd’hui les faveurs des masses populaires. L’harmonie et l’unité sont le fondement de l’éternité et la clé pour changer un, puis deux, puis trois, en infini.
Les Trois lièvres aux oreilles communes nous enseignent qu’il faut écouter de tous les côtés et entendre plus. On ne peut entendre sans oreilles et on ne peut aucunement se contenter d’écouter « d’une seule oreille » quand on travaille dans le milieu de l’information. Le journalisme revient à reconstituer un puzzle avec les oreilles. Il nécessite d’acquérir un discernement avec des « oreilles communes », de multiples sources et de faire du tri sur le volet. Dès lors, la signification de l’expression des Trois lièvres aux oreilles communes est on ne peut plus vivante : il faut écouter deux fois plus et beaucoup entendre.
Le journalisme est la science de la découverte et de la diffusion de l’information. La vérité et l’exactitude sont sa ligne de vie. Il se doit d’éviter l’écueil de l’obstruction, de l’étroitesse d’esprit et de la partialité. Il doit saisir le temps et l’atmosphère, élargir les sources d’information, avoir l’esprit en éveil, car, pour atteindre la vérité, il faut tout entendre. Les Trois lièvres qui partagent des oreilles communes suggèrent intuitivement que pour être un bon journaliste, il faut avoir une vision du monde basée sur de multiples sources et appliquer une méthodologie de l’écoute plurielle.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo du haut : DR.
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