
Quels mystères se cachent au cœur des «Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs» de la dynastie Tang ?
Quelle valeur historique et artistique nationale incarne ce « trésor local » du musée provincial du Liaoning ? Comment reflète-t-il les caractéristiques des représentations visuelles des dames de cour de la dynastie Tang ? Comment évoque-t-il la beauté de la culture traditionnelle chinoise ? Dong Baohou est conservateur adjoint du musée provincial du Liaoning, il a récemment accordé un entretien exclusif à China News dans lequel il explique l’histoire qui se cache derrière le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs et la valeur qui lui a permis de passer à la postérité.
La réalisation du rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs est attribuée au peintre Zhou Fang de la dynastie Tang. Cette peinture passée à la postérité est un trésor national et c’est également un des « trésors local » du Musée provincial du Liaoning. De quel type de travail s'agit-il et comment est-il devenu un trésor national ?
Réalisée par Zhou Fang sous la dynastie Tang (618-907), cette peinture sur rouleau, qui mesure 46 cm de hauteur et 180 cm de large, mets en scène cinq dames de cour coiffées d’épingles à cheveux ornées de fleurs et une servante tenant un éventail. Au milieu des personnages se trouvent deux chiens et une grue blanche, le tableau se termine sur le côté gauche par une pierre de lac et un magnolia en fleurs. Chaque épingle à cheveux piquée au centre du chignon de ces dames porte une branche de fleur différente telle que la pivoine arbustive ou herbacée, le lotus et l'hortensia.
En
tant que classique de l'histoire de la peinture chinoise ancienne, la peinture
sur rouleau Dames de la cour aux cheveux
ornés de fleurs a une importante valeur historique et artistique. Du point
de vue de la valeur historique, c’est une représentation précoce de personnages
de la vie quotidienne. La plupart des peintures antérieures à la dynastie Tang
s’attachait aux personnages du panthéon historique, religieux et folklorique
tels que L’ode à la nymphe de la rivière
Luo et Conseils de la monitrice
avisée aux dames du palais. Avec le développement de la société, à partir
de la dynastie Tang les peintres ont progressivement orienté leurs coups de
pinceau sur des personnages de la vie quotidienne. Ainsi, la peinture sur
rouleau Dames de la cour aux cheveux
ornés de fleurs a été identifiée comme une représentation des femmes dans
la vraie vie, c'est-à-dire la vie quotidienne de femmes nobles sous la dynastie
Tang. Dans un sens, ce tableau est le reflet d'une époque, l’inclusion de
quelques femmes de la vie réelle dans les thématiques des peintures permet de
constater que la société et la politique de la dynastie Tang étaient
relativement éclairées et que le statut des femmes s'est amélioré à cette
époque.
Cette œuvre sur rouleau du style réaliste Gong bi, qui se caractérise par la richesse des couleurs et la grande finesse des détails, représente du point de vue artistique l’apogée de la peinture sous les Tang et fournit une référence pour l'étude du développement de l’histoire de l'art sous cette même dynastie. Les couleurs d’une douce beauté, les traits de pinceau simples et vigoureux, les personnages dans une attitude empreinte de détente et de satisfaction avec des expressions réservées et retenues confère à cet art pictural une extrême virtuosité.
« Le papier vit mille ans, mais la soie vit huit cents ans » : ce dicton explique qu’en raison de la conservation extrêmement difficile des peintures à base de soie, ce qui fait que très peu de peintures de la dynastie Tang ont survécu jusqu'à nos jours. Parmi eux, le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs de Tang Zhoufang présent au musée provincial du Liaoning est l’un des mieux conservés.
La tradition veut que le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs soit l'un des rares spécimens mettant en scène les dames de cour de la dynastie Tang transmis jusqu'à nos jours. Comment reflète-t-il les caractéristiques des représentations féminines de cette époque ?
Le développement de la peinture chinoise a donné naissance à trois disciplines picturales majeures : la peinture de personnages, celle de paysages et celle de fleurs et d'oiseaux. La peinture figurative est la plus précoce, elle atteint son apogée sous la dynastie Tang. Il existe de nombreux types de peintures de personnages, parmi lesquelles les peintures représentant des femmes aristocratiques que l’on désigne plus communément par le terme de « peintures de dames de cour ». Le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs peut être considéré comme l'œuvre standard de ce type de peintures.
Concernant les coiffures, bien qu'il existe de nombreux styles pour les femmes de la dynastie Tang, elles ont fondamentalement les mêmes caractéristiques, c'est-à-dire que les cheveux sont peignés en hauteur pour donner aux personnages une apparence mince. Bien sûr, la plupart des femmes n’avaient pas une chevelure pouvant atteindre une telle hauteur. Pour être rehaussé, le chignon était donc rembourré avec de la ouate, cet objet était connu à l’époque sous le nom de Yiji. D’une manière générale, les experts s’accordent à penser que les chignons imposants portés par les femmes du rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs utilisent ce chignon « Yiji ».
Au point de vue des costumes, à la faveur des échanges culturels entre la Chine et l'Occident, la dynastie Tang a vue l’apparition successive de nouveaux vêtements innovants tels que ceux venus de « l’Ouest » et des vêtements initialement confectionnés pour les hommes mais portés par des femmes. Le développement du tissage a permis la création de nombreux tissus fins et délicats. Dans le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs, les dames portent de grands manteaux en voile transparent au col ouvert et aux manches amples ainsi qu'une longue robe à la taille droite qui leur arrive à mi-poitrine, montrant les caractéristiques esthétiques des « belles femmes bien en chair ».
En termes de maquillage, le style de celui apposé aux sourcils des femmes de la dynastie Tang présentait un schéma fin-large-fin. Les sourcils des dames du rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs sont extrêmement courts et larges, avec les extrémités relevées, ce qui était tout à fait typiques sous les Tang et qui fût populaire pendant un certain temps. Ce type de grimage des sourcils, unique dans l'histoire du maquillage en Chine, a profondément influencé les pays voisins grâce aux échanges culturels entre la Chine et les pays étrangers. Ainsi, le maquillage des sourcils des geishas japonaises, tel qu'il est conservé à ce jour, est l'héritage de celui pratiqué sous la dynastie Tang.
De plus, le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs dépeint des femmes au comportement et au tempérament très vivant. Leur représentation n’est pas empreinte d’un caractère effacé mais laisse apparaître un mélange de grâce et de confiance, ce qui est la caractéristique des femmes de cette dynastie.
Le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs est en soie. Comment a-t-il été transmis jusqu'à nos jours après plus de mille ans ?
Les conditions de diffusion des calligraphies et des peintures sont généralement connues grâce aux annotations, aux sceaux et aux comptes rendus. Le rouleau Dames de la cour aux cheveux ornés de fleurs ne porte pas d'inscriptions, d'annotations ou d'observations. Dans le coin inférieur gauche de la peinture, deux sceaux reliés formant le mot « Shaoxing » attestent que jadis, sous la dynastie des Song, l’œuvre a intégré la collection de l'empereur Gaozong de la dynastie des Song du Sud. Au dos de la peinture, la présence d’un sceau en forme de calebasse « Yuesheng » indique son appartenance à un ministre qui vécut à la fin de la dynastie des Song du Sud répondant au nom de Jia Sidao, également nommé Yuesheng et qui était collectionneur de calligraphie et de peinture.
Cependant, le parcours de ce parchemin avant la dynastie des Song du Nord reste flou, aucune trace de sa situation n’est connue entre les dynasties Yuan et Ming, elle ne peut donc pas être vérifiée. À en juger par les sceaux présents sur la peinture, ce dernier aurait été successivement acquis au début de la dynastie Qing par les collectionneurs Liang Qingbiao et An Qi, et aurait ensuite intégré la bibliothèque-musée personnelle de l’empereur Qianlong. Plus tard, sous prétexte de l’offrir à son frère Pujie, le dernier empereur Puyi l’a transporté avec d'autres calligraphies et peintures, via Tianjin jusqu’à Changchun. Il l’a installé au Musée du palais impérial de l’État mandchou, plus communément appelé aujourd’hui Palais de l’empereur marionnette. Après la reddition des envahisseurs japonais en 1945, ces peintures et calligraphies ont été interceptées par l'armée populaire et ont été rassemblées dans le Musée du Nord-Est, qui porte aujourd’hui le nom de Musée provincial du Liaoning.
En 1972, il est remonté au Musée du Palais de Pékin. Lorsqu'il a été démonté, on a constaté que cette peinture était à l'origine composée de plusieurs panneaux de soie cousus ensembles. À partir de cette constatation, certaines personnes ont supposé qu'il s'agissait à l'origine d'une sérigraphie de la dynastie Tang, qui avait été cousue sur un rouleau horizontal avant la dynastie des Song du Nord, auquel une peinture complémentaire a été rajoutée, ce qui suggère qu'elle s’est transmis jusqu’à aujourd’hui grâce aux réparations des dynasties passées.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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