
Le Grand vase tripode de Chu ou l’incarnation de la « dernière opiniâtreté » du romantique État de Chu
En quoi le Grand tripode de Chu incarne-t-il la « dernière opiniâtreté » du peuple Chu ? Quelles vicissitudes a-t-il traversées ? Quels éléments culturels du Grand tripode de Chu sont parvenus à l’époque moderne ? Xu Dazhen, vice-président du musée de l’Anhui et conservateur de recherche en études culturelles et muséales, engagé depuis plus de trente ans dans la recherche, la gestion et la création sur les reliques culturelles, a récemment accordé une interview exclusive à China News pour répondre à ces questions.
En quoi le Grand tripode de Chu incarne-t-il la « dernière opiniâtreté » de l’État de Chu ?
La civilisation politique, l’idéologie, les croyances religieuses et la culture de l’objet du peuple de Chu, incarnées dans la culture Chu, ont toutes eu une grande influence sur la dynastie Han postérieure. Cette dernière a hérité des éléments et du tempérament de la culture Chu, comme le montrent les laques et les bronzes découverts dans la province de l’Anhui.
Le district de Shou est la dernière capitale de l’État de Chu et nombre de ses objets nous sont parvenus, le plus représentatif et le plus influent étant le Grand tripode de Chu ou Chu Da Ding, une relique de première classe au niveau national.
Le Grand tripode de Chu a une embouchure ronde, des lèvres carrées, une panse bombée, un fond arrondi, deux oreilles dont la partie supérieure est incurvée et trois pieds. Le motif de la panse se présente sous la forme d’un dessin floral moulé sur un anneau circulaire en saillie. Les parties extérieures des deux oreilles et du col sont moulées avec des motifs de dragon incurvé en forme de losange. Les bases des pieds sont sculptées en haut-relief de têtes d’animaux. On peut lire une inscription de douze caractères gravée sur la partie plate de l’embouchure, commençant par le terme « zhu ke », qui signifie « les convives fondeurs ». On retrouve également les caractères « an bang » (« pacifier le pays ») gravés à la base du pied avant et sur la face externe gauche de la panse. Une autre inscription très fine figure également sur la face externe gauche de la panse, près de la base.
Aujourd’hui, deux interprétations circulent dans les cercles académiques sur les caractères « zhu ke ». L’une veut qu’il s’agisse d’artisans d’autres états vassaux invités par l’État de Chu, ce qui suggère que les artisans étaient relativement libres du temps des Royaumes combattants, l’autre veut qu’il s’agisse de fonctionnaires de bas niveau qui géraient les artisans.
Le Grand tripode de Chu est très imposant et sa conception est une combinaison parfaite de la puissance et de la grandeur. Il a une grande valeur historique, artistique et scientifique. Il a été coulé à une époque où l’État de Chu était passé de super puissance à puissance en déclin. Toutefois, les caractères « an bang » qui figurent sur le tripode reflètent encore la grande ambition de l’État de Chu, qui était de renverser les montagnes et régner sur le monde, et témoigne ainsi de la « dernière opiniâtreté » du peuple Chu.
Quelles vicissitudes a connu le Grand tripode de Chu ?
Le Grand tripode de Chu a été exhumé de la tombe du roi You de Chu, qui est la seule identifiée à ce jour comme étant celle d’un roi de l’État de Chu, au tumulus Lisangudui du district de Shou. Au cours de l’histoire, ce tumulus a fait l’objet de trois fouilles illégales pendant lesquelles plus de 4 000 objets ont été exhumés et pillés, avant d’être disséminés dans tout le pays, et même à l’étranger. Le premier lot de reliques excavées et volées comprenait plus de 800 artefacts. Fort heureusement, le gouvernement de la République de Chine les a récupérés à Anqing, dans la capitale de l’Anhui de l’époque.
Lorsque la guerre sino-japonaise a éclaté en 1937, Li Xinbai, alors directeur de la bibliothèque provinciale de l’Anhui, a enterré d’urgence plus de 700 artefacts de Chu, dont le Grand tripode, dans la cour de la bibliothèque. Plus tard, avec l’aide du célèbre archéologue Li Ji, il les a emballés et expédiés à Nankin, puis les a déplacés vers l’ouest, jusqu’à Chongqing, avec les reliques de la Cité interdite, avant de faire un voyage chaotique jusqu’à Leshan, dans le Sichuan, où elles ont pu survivre aux années de guerre.
À la fin de la guerre, ces reliques culturelles ont été renvoyées à Nankin et, en 1949, à la veille de la fondation de la Chine nouvelle, pour éviter une nouvelle perte de trésors nationaux, le Grand tripode de Chu a été ramené à Wuhu, dans la province de l’Anhui. Il a finalement élu domicile à Hefei en 1952, après près de vingt ans de déplacement.
La taille du Grand tripode de Chu est colossale et ces turbulences historiques lui ont laissé des traces. De 1954 à 1955, l’Anhui a invité les restaurateurs de bronze de l’école de Suzhou, les frères Jin, à achever la restauration du tripode et d’autres bronzes exhumés de la tombe du roi de Chu.
Aujourd’hui, le Grand tripode de Chu est en sécurité dans la salle d’exposition, grâce au dévouement désintéressé d’innombrables ancêtres, reflétant l’héritage de la culture chinoise et l’indomptable esprit national, qui fait écho à l’inscription « an bang ».
Comment les éléments culturels du Grand tripode de Chu peuvent-ils être transmis à nos contemporains ?
Le 13 décembre 2014, en mémoire des victimes du massacre de Nankin, un tripode sacrificiel public national a été installé de manière permanente sur la place commémorative du mémorial pour les victimes du massacre de Nankin. Il est la réplique du Grand tripode de Chu, à proportions égales.
Aujourd’hui, même si le tripode a perdu sa fonction originelle de récipient culinaire, on ne peut sous-estimer son importance dans la culture chinoise. La culture du tripode est entrée dans les gènes du peuple chinois. Sa connotation culturelle et l’esprit national qu’il véhicule peuvent servir de référence aux gens d’aujourd’hui, dans l’apprentissage de l’histoire et de la culture, et renforcer la confiance culturelle.
Ces dernières années, afin de transmettre et de perpétuer l’excellente culture traditionnelle chinoise et de faire vivre les reliques culturelles, le musée de l’Anhui a puisé dans ses collections et la culture régionale pour développer des produits culturels créatifs, populaires auprès du grand public, en particulier des jeunes.
Parmi ces initiatives, je tiens à citer la création indépendante du musée de l’Anhui, « les convives fondeurs arrivent - la boîte mystère du moulage et de la fonte de reliques culturelles ». Son design s’inspire de l’ancienne technique chinoise de fonte et de moulage du bronze et le concept de la marque est dérivé de l’inscription « convives fondeurs » retrouvées sur le Grand tripode de Chu.
Avec la culture au cœur de ses préoccupations, cette création culturelle est un moyen expérimental pour que davantage de personnes puissent comprendre le processus de production des bronzes anciens, découvrir la glorieuse culture du bronze de la Chine ancienne et transmettre l’esprit des anciens artisans chinois. Depuis son lancement en juin 2022, ce produit est souvent sorti de son cercle et a pu être apprécié par de nombreux amateurs de culture et de création interactives.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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