
En quoi la « Stèle nestorienne de Xi’an » témoigne-t-elle du brassage culturel qui s’est opéré sous la dynastie Tang ?
Sous le règne de Tang Dezong, la « stèle sur la propagation de l’Église nestorienne du Da Qin dans l’Empire du milieu », communément appelée « Stèle nestorienne de Xi’an », a été érigée dans le temple Da Qin, à Chang’an. Elle retrace l’expansion de l’Église nestorienne et de ses enseignements sur près de 150 ans.
Quelle est l’histoire de cette tablette de pierre, décrite comme le « premier document sur le nestorianisme » en Chine ? Quelle est son importance ? Comment a-t-elle pu engendrer une discipline internationale ? Jing Yali, chercheur au musée de la Forêt de stèles de Xi’an, a récemment accordé une interview exclusive à China News pour répondre à ces questions.
Comment la Stèle nestorienne de la collection du musée de la Forêt de stèles de Xi’an est-elle devenue un trésor muséal ? De quelle histoire des échanges culturels a-t-elle été le témoin ?
Le « trésor muséal » de la Forêt de stèles de Xi’an qu’est la Stèle nestorienne retrace l’expansion du nestorianisme, ses enseignements et sa doctrine sur près de 150 ans, depuis son introduction sous le règne de Taizong. Elle a été rédigée par le moine nestorien Jing Jing (Adam) et calligraphiée par Lu Xiuyan. La stèle mesure 2,80 mètres de haut, 99 centimètres de large et est gravée de 32 lignes de 62 caractères, en écriture régulière. Les caractères « Da Qin » gravés sur la stèle font généralement référence à l’Empire romain d’Orient, jusqu’à la Syrie.
La première et la dernière ligne, ainsi que la partie inférieure et les deux côtés de la tablette sont gravés en syriaque, tout comme les signatures de 70 moines nestoriens sur les côtés gauche et droit de la stèle. Cette dernière contient les « précieux fragments » de la propagation du nestorianisme sous la dynastie Tang, tels que l’entrée d’Aluoben et d’autres moines en Chine dans la neuvième année de Zhenguan et le décret de l’empereur Taizong, dans la douzième année de Zhenguan, pour « ériger un temple Da Qin à Yiningfang ». Sous le règne de l’empereur Xuanzong, ce dernier ordonna à ses frères, les cinq rois, de visiter le temple et d’y dresser un autel. Il ordonna également à Gao Lishi d’envoyer des « portraits des cinq saints » pour orner le temple et d’y apposer une plaque de sa propre main. Sous le règne de Taizong, les moines étaient également régalés de mets délicieux à chaque Noël.
D’après la Stèle nestorienne, de Tang Taizong à Tang Dezong, presque tous les souverains suprêmes ont exprimé leur faveur pour le nestorianisme, à l’exception de Wu Zetian. Portés par l’idée de « tout accepter et absorber sans distinction », le zoroastrisme et le manichéisme de Perse, ainsi que le nestorianisme de Syrie ont pu se répandre sur les terres Tang.
Pour développer le nestorianisme à Chang’an, capitale de la dynastie Tang, il était nécessaire d’obtenir l’autorisation et le financement de la cour impériale, ainsi que l’approbation et le soutien de la population locale, d’où l’importance accordée à la « localisation ». Par exemple, lors de la détermination du nom de cette religion en Chine, le terme « jing », qui signifie « lumière » a été choisi. Ainsi l’a-t-on baptisée « jingjiao » ou « religion de la lumière, de la splendeur ». On a nommé son patriarche le « jingzun » (vénération de la lumière), son Église « jingmen » (porte de la lumière) et ses lieux de culte « jingsi » (temple de la lumière). Le nestorianisme a également emprunté au bouddhisme et au taoïsme, ainsi qu’à l’éthique confucéenne, a promu les secours caritatifs et les soins de santé. Les érudits nestoriens ont traduit un grand nombre de classiques nestoriens en chinois pour diffuser et promouvoir la doctrine nestorienne.
Parmi la Forêt de stèles du musée de Xi’an, quelles autres inscriptions célèbres portent la marque d’échanges culturels ?
Le musée de la Forêt de stèles de Xi’an abrite des milliers de reliques culturelles en pierre dans sa collection, parmi lesquelles la Stèle du moine Amoghavajra et l’Épitaphe de Dou Shilun, qui témoignent de la prospérité des échanges culturels entre l’Orient et l’Occident sous la dynastie Tang.
La Stèle du moine Amoghavajra de la dynastie Tang a été érigée par ses disciples pour commémorer ses réalisations. Elle relate principalement l’histoire d’Amoghavajra et ses relations avec ses disciples. Originaire du nord de l’Inde, il a passé son enfance dans la dynastie Tang et a appris le bouddhisme tantrique auprès de Vajrabodhi. Il est allé en Inde et au Rocher du lion (au Sri Lanka) pour apprendre les écritures bouddhiques et a rapporté un grand nombre de classiques tantriques à Chang’an pour en faire la traduction. Il est connu comme l’un des quatre grands traducteurs du bouddhisme chinois, avec Kumarajiva, Xuanzang et Paramartha. Sous les règnes des empereurs Xuanzong, Suzong et Daizong, il était considéré comme le « maître d’état de l’abhisheka ». Son disciple Hui Guo a enseigné le bouddhisme tantrique au moine japonais Kukai dans le temple Qinglong, qui l’a à son tour transmis au Japon à son retour de Chine.
Dou Shilun était un peintre et un artisan de la dynastie Tang, issu d’un prestigieux clan de Guanlong. Ses ancêtres appartenaient au clan Xianbei Hedouling, dont le nom a été sinisé en Dou. Le clan Dou a célébré des alliances avec les familles impériales des dynasties Zhou du Nord, Sui et Tang et avait une tradition familiale dans l’artisanat. Influencé par le brassage des cultures et par les connaissances approfondies de sa famille dans l’artisanat, Dou Shilun a créé le « motif du duc de Lingyang » (lingyang gong yang), représentant un couple de faisans, des béliers, des phénix tournoyants et des licornes. Le motif du duc de Lingyang est l’héritage et l’innovation du motif d’anneaux-nids de style sassanide. Le motif est orné d’anneaux, dont la première couche est imbriquée d’une seconde, en composite. Dou Shilun a choisi des animaux chinois traditionnels tels que le dragon et le phénix, auxquels il a associé des oiseaux et animaux de bon augure que l’on trouve couramment sur les étoffes étrangères, comme le lion, l’éléphant ou le paon, ainsi qu’une variété de bêtes ailées tirées de son imagination. Ce style de brocart a eu une profonde influence sur les motifs de la dynastie Tang et des pays environnants et témoigne des échanges et de l’apprentissage mutuel entre les civilisations le long de la route de la soie.
Le musée de la Forêt de stèles de Xi’an fait la part belle à de nombreux anciens calligraphes chinois. Comment le musée utilise-t-il la calligraphie comme « vecteur » pour promouvoir les échanges culturels entre la Chine et l’étranger ?
L’origine de la Forêt de stèles de Xi’an remonte aux Classiques sur pierre de Kaicheng et à la Stèle du classique de la piété filiale, érigées dans l’Académie impériale à Chang’an, capitale pendant la dynastie Tang. Son histoire se poursuit avec le premier déplacement de ces deux stèles à la fin de la dynastie Tang et pendant les Cinq dynasties, pour culminer pendant la dynastie des Song du Nord. Le musée a été transféré à son emplacement actuel en 1087, il y a plus de 900 ans, au cours de la deuxième année de Yuanyou sous la dynastie des Song du Nord. Il s’agit d’un musée thématique axé sur les inscriptions anciennes et les œuvres sur pierre, qui rassemble des milliers de reliques culturelles telles que des stèles, des épitaphes, des sculptures sur pierre et des statues de la dynastie Han à la République de Chine. Il est connu comme la bibliothèque de pierre des classiques confucéens, une riche archive de matériaux historiques et une histoire visuelle du développement des caractères chinois.
La Forêt de stèles de Xi’an occupe une position suprême dans l’histoire de la culture chinoise avec ses précieuses inscriptions calligraphiées. C’est un sanctuaire de l’art de la calligraphie, célèbre tant en Chine qu’à l’étranger. Les calligraphes de la dynastie Tang Yu Shinan, Ouyang Xun, Ouyang Tong, Chu Suiliang, Yan Zhenqing, Liu Gongquan, Zhang Xu et Huai Su ont tous leurs œuvres exposées au musée de la Forêt de stèles de Xi’an et les « cinq styles de calligraphie chinoise » y sont précieusement conservés. Depuis le XXe siècle, la salle de calligraphie de la Forêt de stèles de Xi’an, plateforme importante pour les échanges culturels avec l’étranger dans le Shaanxi, est devenue une fenêtre permettant aux amis étrangers d’apprécier l’essence et le charme artistique de la calligraphie chinoise.
Article initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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