
[Passeurs Chine-Europe] Alain Lévy : partager avec les Français mon intérêt pour la Chine
L'éditeur français Alain Lévy est un homme grand et joyeux. Le 6 juin 2023, Il est venu à Beijing pour recevoir le 16e Prix de la Contribution Spéciale pour les Livres Chinois - la plus haute récompense liée à l'étranger dans le secteur de l'édition en Chine, qui honore les étrangers qui ont apporté une contribution exceptionnelle à l'introduction et la promotion de la culture chinoise et aux publications des livres chinois à l'étranger. Lévy est l'un des six éditeurs qui ont reçu ce prix. À cette occasion, nous avons fait un entretien exclusif avec lui pour en savoir plus sur l'histoire de ses 40 ans de publication de livres à thème chinois en France.
Du André Malraux à Hong Kong
La raison pour laquelle Alain Lévy est entré dans le monde de l'édition tient en une phrase : le hasard de la vie. En 1974, Lévy a été diplômé de lInstitut national des langues et civilisations orientales(INALCO)et venu étudier à l'Université chinoise de Hong Kong. C'était la première fois qu'il se rendait en Chine. Faute d'argent, il a trouvé un emploi dans une imprimerie. De retour en France, il a commencé à travailler pour d'autres éditeurs avant de créer sa propre société en 1978. Il a achèté une ancienne maison d'édition qui s'appelle Charles Moreau et peu à peu, il a commencé à publier des livres sur la Chine.
À l'époque, très peu d'éditeurs privés français publiaient des livres sur la Chine. Pourquoi a-t-il décidé de faire cela ? « Parce que j'aime la Chine ». dit Lévy en souriant.
Son intérêt pour la Chine vient d'André Malraux (1901-1976), célèbre écrivain et intellectuel français. Malraux a été ministre de la culture dans le gouvernement De Gaulle. Il s'est rendu en Chine au milieu des années 1960 et a écrit une série de romans basés sur le mouvement révolutionnaire communiste chinois. L'un de ses romans les plus connus, La condition humaine, qui a pour toile de fond les événements du 12 avril à Shanghai en 1927, a remporté le prix Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires français.
Ce roman a permis au jeune Lévy de s'intéresser à la littérature et à la culture chinoises. Après le séjour à Hong Kong, il était encore plus déterminé à faire comme Malraux, « partager avec d'autres ma connaissance de la Chine et mon intérêt pour ce pays ».
Au cours des 40 années suivantes, il a publié une série de livres sur la culture et l'art chinois, couvrant des sujets tels que la calligraphie, la peinture, la soie, la porcelaine et les vêtements chinois. À ce jour, la maison d'édition Charles Moreau reste l'un des éditeurs et distributeurs les plus importants, les plus complets et les plus influents de livres et de périodiques chinois en France et dans toute l'Europe.
Présentation du Rêve dans le Pavillon rougeau public français
Quand on parle du livre qu'il est le plus fier d'avoir publié, Lévy n'hésite pas à répondre ,« Le Rêve dans le Pavillon rougede Sun Wen» .
En 2017, Bibliothèque de l'Image, maison d'édition dont Lévy est le directeur général, a signé un accord de coopération avec Beijing Foreign Language Teaching and Research Press. Le Rêve dans le Pavillon rouge était le premier fruit de leur collaboration. Le corps principal de cet ouvrage richement illustré provient de 230 peintures chinoise par Sun Wen, un maître renommé de la dynastie Qing, qui a passé 36 ans à travailler minutieusement sur les peintures délicates et vivantes.
Grâce à son expérience à Hong Kong, Lévy connaissait l'importance de ce livre en Chine. « Mais les Français ne le connaissent pas. » En tant qu'éditeur, la première chose à laquelle il a dû penser était comment faire accepter cette œuvre gigantesque à un plus grand nombre de Français.
Une expérience à Shanghai l'a inspiré. « Il y a une grande librairie à Shanghai, appelée Shanghai Book City, où j'ai été surpris de voir beaucoup de gens assis par terre et lisant, même s'ils n'achetaient rien », raconte-t-il avec intérêt. « Au dernier étage, j'ai trouvé ce livre, avec ses belles images, et j'ai été très intéressé.»
Ce qui l'a également intéressé, c'est la forme de la reliure du livre. « Nous appelons cette forme comme la reliure chinoise ». En Bref, il s'agit de percer un certain nombre de trous (généralement quatre, six ou huit) dans la marge d'une pile de papier, qui est maintenue en place par une fine ficelle reliée entre les trous, ce qui permet de mieux maintenir les extrémités du dos du livre. Lévy a particulièrement souligné que la forme des pages du livre est également inhabituelle : chaque page est une feuille de papier pliée en son milieu ; en tournant la page, on touche deux couches de papier, très épaisses et différentes.
Comme vous pouvez l'imaginer, c'était un défi d'introduire un livre aussi exotique en France et de le publier avec succès, mais Lévy l'a fait.
« Le livre a beaucoup diffusé. » Il ajoute avec joie : « Parce qu'il est bien fait et qu'il a de belles images, les gens l'achetaient comme le cadeau. »
Lévy admet que, d'après les chiffres, le livre n'a pas gagné trop d'argent parce que le coût du livre était très élevé. Dans les librairies, le prix d' une copie est proche de 50 euros, ce qui n'est pas le prix qu'un Français dépenserait pour la lecture quotidienne. « Mais ce n'est pas grave ....... Ceux qui veulent acheter le livre ne se soucient pas du prix. »
Importance de la forme de l'objet
Au cours de l'entretien, Lévy a souligné à plusieurs reprises l'importance de « la forme de l'objet.»
« Dans le monde de l'édition, la forme de l’objet est la plus importante. » Il a dit, « Si vous voulez que les gens étranger comprennent quelque chose, il faut d'abord que la chose soit belle pour diffuser. C'est comme nous regardions la couverture et la quatrième de couverture avant d'acheter un livre. La forme et l'emballage de l’objet doivent susciter l'intérêt. »
C'est pourquoi il aime particulièrement publier des livres d'images. « Par exemple, les gens ont du mal à comprendre la grande et longue histoire de Le Rêve dans le pavillon rouge, et les noms chinois en particulier sont difficiles à retenir pour les Français. Ils lisent et se perdent. » Alors Les images peuvent naturellement franchir les barrières linguistiques. Lévy cite comme autre exemple le tableau Cinq bœufs de Han Hwang de la dynastie Tang, la plus ancienne peinture chinoise sur papier conservée. « Ce type d'œuvre est vraiment magnifique», dit-il, « et le pouvoir des images dépasse les mots.»
En 2021, il a publié une édition française de 100 ans de lutte du Parti communiste chinois, « Pour compendre l'histoire contemporaine de la Chine ,le livre est essentielle.» dit-il. À l'avenir, il aimerait également publier des photographies historiques de la Chine. « Par exemple, des photos du mouvement Taiping Tian Guo(royaume céleste de la Grande Paix), et des photos du vieux Beijing dans les années 1930 ...... Je veux publier des œuvres photographiques qui racontent l'histoire de la Chine. »
Nous avons
terminé l'entretien en évoquant la baisse tendancielle de la lecture en Chine
mais aussi en France, il a admis qu'une
partie de la population française est également accro à l'électronique et lit
rarement. « C'est pourquoi il est d'autant plus important pour nous de faire
des livres plus attractifs. »
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