La « fièvre Mei Lanfang » ou comment l’opéra de Pékin a conquis le public japonais

1691573585181 China News Zhu Chenxi

Issu d'une famille d'artistes chinois de l'opéra de Pékin, Wu Rujun a étudié cette discipline et le jinghu dès son plus jeune âge. Après avoir vécu au Japon, il a créé le « nouvel opéra de Pékin de la famille Wu » avec des pièces telles que Guifei dong du (La traversée vers l’Est de Guifei), Wu Zetian et Meng mu san qian (Les trois déménagements de la mère de Mengzi) qui ont été très appréciés par le public japonais. 

Comment est née la « fièvre Mei Lanfang » au Japon pendant la période Taisho ? Comment faire en sorte que les spectateurs étrangers ressentent le charme de l'opéra de Pékin ? Wu Rujun, le directeur de l'Opéra de Pékin au Japon, a récemment été interviewé par China News pour aborder ces questions.

Les échanges théâtraux sino-japonais ont une longue histoire. Le grand maître de l'opéra de Pékin, Mei Lanfang, s'était rendu au Japon pour une représentation, ce qui a déclenché la « fièvre Mei Lanfang » pendant la période Taisho. Selon vous, comment la « fièvre Mei Lanfang » est-elle apparue ?

En 1919, Mei Lanfang s'est produit pour la première fois à l'étranger et pour sa première destination, il a jeté son dévolu sur le Japon. Il s'est ensuite produit deux fois au Japon, en 1924 puis en 1956, pour présenter les charmes de l'opéra chinois de Pékin au public japonais. Mei Lanfang, figure représentative de l'opéra chinois, a interprété des chefs-d'œuvre de l'école Mei de l'opéra de Pékin, tels que Guifei zui jiu (La concubine Guifei ivre) et Tiannü san hua (La fée qui jette des fleurs), lors de sa représentation au Japon en 1919. Son interprétation des personnages était vivante et impressionnante.

Afin de se rapprocher du public étranger, Mei Lanfang et le dramaturge Qi Rushan, entre autres, ont inclus une large part de danse dans les pièces représentées. Le ratio danse/chant était souvent de 30/70. Par exemple, la danse de la manche à eau a été ajoutée à la pièce Guifei zui jiu (La concubine Guifei ivre) et dans Tiannü san hua (La fée qui jette des fleurs), le costume de Mei Lanfang avait l’air d’une fleur de lotus en pleine éclosion lorsqu’il dansait, apportant donc un impact visuel au public. Ces adaptations ont renforcé le plaisir visuel procuré par l'opéra de Pékin et ont rendu son charme plus accessible au public japonais.

Après la conclusion du « traité de paix et d'amitié entre le Japon et la république populaire de Chine », Bando Tamasaburo et d'autres célèbres maîtres japonais de kabuki se sont rendus en Chine pour apprendre la pièce Guifei zui jiu (La concubine Guifei ivre) auprès de Mei Baojiu, le fils de Mei Lanfang. L'amitié entre le frère et la sœur, Mei Baoyue et Mei Baojiu, et les célèbres maîtres japonais du kabuki s'est transformée en légende pour l’opéra chinois. 

La Chine et le Japon appartiennent au même cercle culturel d'Asie de l'Est et ont des racines profondément ancrées dans le domaine de la culture traditionnelle. Quelles sont, selon vous, les similitudes et les différences entre l'opéra de Pékin et le théâtre traditionnel japonais, tel que et le kabuki ?

Mei Lanfang a déclaré un jour que le théâtre traditionnel chinois et le théâtre japonais étaient « inextricablement liés et se faisaient écho ». Dans l'art dramatique, la Chine et le Japon attachent tous deux une grande importance à la culture traditionnelle, et le contenu des pièces est principalement tiré d'histoires traditionnelles, avec des similitudes dans la littérarité. Les costumes de théâtre traditionnels japonais sont similaires à ceux des dynasties Han et Tang en Chine. En matière d'art scénique, le théâtre traditionnel chinois et japonais comportent des éléments classiques tels que des montagnes, des cours d’eau et des pins, qui sont représentés par des designs de dessins animés abstraits, ce qui procure un sentiment de proximité. 

Le théâtre traditionnel chinois et le théâtre japonais peuvent donner l'impression d'être très similaires, mais une comparaison plus approfondie révèle qu'ils sont très éloignés l'un de l'autre. Dans les représentations du kabuki, du nô et du kyogen japonais, les interprètes ne chantent pas eux-mêmes, mais ils disposent d’accompagnateurs. L'opéra chinois, quant à lui, combine le chant, la lecture, la performance, le combat et la danse. Dans les représentations théâtrales traditionnelles japonaises, il arrive que l'acteur ne fasse pas un seul pas pendant longtemps, mais aussi qu’il effectue soudainement un mouvement assez important. Dans l'opéra de Pékin, les pas sont des pas tournés vers l’extérieur, alors que dans le kabuki japonais, le nô et le kyogen, les pas sont des pas tournés vers l’intérieur, ce qui montre la différence entre les styles de représentation théâtrale traditionnelle des deux pays. Je décrirais le style d'interprétation de l’opéra chinois comme le « mouvement avec immobilité » et le style japonais comme l’« immobilité avec mouvement ».

En ce qui concerne les costumes, ceux du théâtre japonais sont plus larges, ont des pans plus longs et sont plus lourds dans l'ensemble, de sorte que les acteurs doivent se déplacer lentement. En comparaison, les costumes de l'opéra de Pékin sont plus légers. En raison des pas et des costumes, il n'y a pas de tapis de scène pour les représentations de kabuki, alors que pour l'opéra de Pékin, un tapis de scène est nécessaire pour ajouter de la résistance et de la friction, afin que les acteurs puissent se tenir fermement debout.

En matière de maquillage, le kabuki privilégie le fond blanc, tandis que le maquillage de l'opéra de Pékin, le fond rouge. Le maquillage de l'opéra de Pékin est riche en couleurs : le rouge, l'orange, le jaune, le vert, le bleu et le violet sont utilisés sur différents personnages, tels que les ministres fidèles et les ministres perfides, afin d’illustrer le caractère des personnages et de refléter l’art du maquillage de l'opéra de Pékin.

Quelles recherches et quels efforts avez-vous entrepris pour promouvoir l'opéra de Pékin au Japon ?

Au début de mon voyage au Japon, lorsque j'ai joué des pièces d’opéra de Pékin, j'ai constaté que les applaudissements de la plupart des spectateurs japonais n'étaient que par courtoisie. L'opéra chinois ayant une signification si vaste et si profonde, il était difficile pour les spectateurs étrangers d'en comprendre réellement le contenu lors de la représentation. Par conséquent, je me suis engagé dans un travail de création. Et en parallèle, je menais aussi des échanges académiques dans les universités et donnais des conférences grand public.

Le développement de l'opéra chinois de Pékin est passé de l’« opéra traditionnel » aux « pièces historiques revisitées » puis à l’« opéra moderne ». Afin de faire apprécier l’opéra de Pékin par un plus grand nombre de spectateurs et de jeunes, j'ai décidé de l'innover, de le rendre populaire et de le vulgariser, tout en le rendant plus international et dynamique. J'ai rédigé successivement plus d'une dizaine de pièces originales de grande envergure telles que Guifei dong du (La traversée vers l’Est de Guifei), Wu Zetian, Si mei tu (La peinture des quatre beautés), Song shi san jie mei (Les trois sœurs de la famille Song), Meng mu san qian (Les trois déménagements de la mère de Mengzi), Kong sheng mu (La sainte mère de Confucius) et Ai xin guan yin (La déesse Avalokitesvara aimante). Ces pièces du « nouvel opéra de Pékin de la famille Wu » ont été bien accueillies au Japon.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

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