
Les peintures rupestres de Huashan : percée patrimoniale dans l’art rupestre chinois, la culture du Guangxi et la culture de l’ethnie Zhuang
Le 15 juillet 2016, lors de la 40e Conférence du patrimoine mondial, le paysage culturel d'art rupestre de Zuojiang Huashan a été inscrit sur la liste du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. Il a une fois de plus émerveillé le monde entier en réalisant une percée patrimoniale de niveau mondial notable dans trois domaines, à savoir, celui de l’art rupestre chinois, celui de la culture du Guangxi, et celui de la culture de l’ethnie Zhuang.
Les peintures rupestres de Huashan sont visibles sur de nombreux emplacements. D’une réalisation à la fois difficile et majestueuse, elles présentent une importante valeur dans la recherche scientifique et artistique. Directeur général de l’Académie chinoise de peintures rupestres, Zhu Qiuping a récemment accepté une interview exclusive avec China News pour parler notamment de la protection et de la recherche des peintures rupestres de Huashan.
Parlez-nous des principales caractéristiques des peintures rupestres de Huashan.
Un total de 89 pétroglyphes ont été découverts dans le bassin de la rivière Zuo, et le nombre complet d'images est d'environ 5 000. Les 38 pétroglyphes inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO sont répartis le long des rives des rivières Zuo et Ming sur une distance 105 kilomètres. Le site des peintures rupestres de Huashan porte le nom de Balai qui signifie « Montagne peinte de couleurs ». Les peintures recouvrent la falaise Huashan sur 221 mètres de large et environ 40 mètres de haut, soit une superficie de plus de 8 000 mètres carrés. En plus des images estompées par le temps, 1 950 images bien distinctes sont dénombrées. Depuis le pied de la montagne, les pétroglyphes sont dessinés sur plusieurs mètres de haut, la majeure partie se situant sur une hauteur médiane comprise entre 5 et 20 mètres. Certaines représentations individuelles atteignent plus de 3 mètres de haut.
Le long de la rivière Zuo, les hommes du « peuple Luoyue » ont utilisé la majestueuse falaise de Huashan comme une planche à dessin naturelle sur laquelle, grâce à leurs excellentes compétences picturales, ils ont réalisé d'immenses portraits et objets en ocre rouge qui forment un superbe ensemble, riche en contenu. C'est le pétroglyphe le plus grand, le plus riche et le mieux conservé de Chine. Il constitue une forme d’archive des activités sacrificielles et cérémonielles pratiquées par le peuple Luoyue dans les temps anciens, un vestige de la culture de la sorcellerie.
Les pétroglyphes de Huashan offrent des représentations humaines de face ou de profil, il s'agit de personnages accroupis avec les deux mains pliées et les coudes levés, et les deux jambes à demi fléchies. Cette posture s’apparente à un entraînement militaire aux arts martiaux mais aussi à une danse et des chants. L'une des peintures les plus importantes se trouve en plein milieu de la falaise. Haute de plus de trois mètres, elle représente un « colosse » accroupi avec une monture. Il est debout, les jambes écartées, les genoux fléchis et les bras levés, un couteau est suspendu à la taille, un ornement d’animal repose sur sa tête. Parmi les objets dessinés, certains ressemblent à des chevaux, d'autres à des chiens, et il y a aussi des motifs tels que des tambours en bronze, des cloches bronzes dites « cornes de moutons », des couteaux, des épées, des bateaux et le soleil.
Pourquoi pense-t-on dans le monde entier que les peintures rupestres de Huashan sont particulièrement mystérieuses, quels autres mystères restent à être résolus ?
Depuis des millénaires, l’énigme de Huashan fait couler beaucoup d’encre. Après des décennies de recherche, des réponses ont été apportées à certaines de ces questions. En termes de datation, nous avons procédé à une étude comparative et constaté que les épées, les tambours de bronze et les cloches « corne de moutons » peintes sur la falaise sont principalement des ustensiles utilisés par les ancêtres de l’ethnie Zhuang depuis la période des Royaumes combattants jusqu’à la dynastie des Han de l'Est. Le laboratoire de l'Université de Pékin a effectué une datation au carbone 14 sur les échantillons de stalactites collés avec les pigments de peinture rupestre. Les résultats ont démontré que les peintures rupestres étaient âgées d’environ 2 600 ans, ce qui était cohérent avec la datation par la méthode comparative avec des vestiges.
Afin de savoir qui a peint ce puzzle, nous avons consulté des ouvrages et avons découvert que les premières évocations liées à ces peintures rupestres remontent à la dynastie des Song dans Continuation du Bowuzhi de Li Shi : « Il y a des fantômes sur les parois rocheuses de la division de Shenxi, telles des peintures à l'encre claire. Les bateliers pensent à leurs ancêtres et n'osent pas tarder à faire des offrandes. » Mais cela ne permet pas d'expliquer qui l'a peint. Selon les archives historiques, depuis la période des Royaumes combattants jusqu’à la dynastie des Han de l'Est, le bassin de la rivière Zuo était principalement habité par le peuple Luoyue, les ancêtres de l’ethnie Zhuang. À cette époque, ils auraient donc été en mesure de réaliser ces peintures.
Comment sont-ils montés peindre là-haut ? Les investigations ont révélé que certains endroits étaient accessibles pour les auteurs de ces peintures, cependant la falaise de Huashan est si raide qu’elle ne réunit pas conditions pour l'escalade. Le niveau de la rivière se trouve à une certaine distance des pétroglyphes, et même en cas de crue centennale, il est impossible de peindre depuis une embarcation. D’autre part, certaines personnes supposent que les auteurs suspendaient des tiges de rotin depuis le sommet de la montagne pour atteindre l'emplacement de la peinture. Cependant, selon les calculs, la distance verticale entre le sommet de la falaise de Huashan et le pétroglyphe étant de 32 mètres, il est peu probable que le dessin ait été réalisé par cette technique de rotin suspendu.
La plupart des experts s’accordent à penser que les ancêtres de l’ethnie Zhuang devaient utiliser du bambou et des arbres pour construire des échafaudages, ceci semble être la technique la plus probable pour peindre sur ces parois rocheuses. Nous avons essayé des échafaudages en bambou et en bois dont la hauteur la plus élevée n'était que de 20 mètres, il restait cependant encore de la distance par rapport au point de peinture le plus élevé. Il est concevable que les ancêtres du peuple Luoyue aient eu une très grande compétence dans la construction d'échafaudages, mais ceci mérite une étude plus approfondie.
Comment sont fabriqués les pigments des peintures rupestres de Huashan, et pourquoi peuvent-ils être conservés sur la falaise après des milliers d'années ? Que représentent les motifs ? Quel est le sens de cette fresque ?
Grâce à l'analyse spectrale, nous avons découvert que le composant principal des matières premières cette peinture rupestre est l'hématite. Les ancêtres du peuple Luoyue l’on réduite en poudre, mélangée à un liant, puis appliquée directement sur la falaise. Malheureusement, jusqu'à présent la composition spécifique de l'adhésif n'a pas été détectée. Le secteur industriel s’accorde à penser qu'il peut être réalisé avec des os ou des peaux d'animaux bouillis, ou extrait d'une sorte de plante, mais les détails sont encore inconnus.
L’ensemble des peintures rupestres de Huashan montre les scènes sacrificielles de cette époque. Les personnages représentés sont pour la plupart des « silhouettes humaines accroupies », les gestes et mouvements de danse font énormément penser à ceux de grenouilles. Combiné avec l'histoire du sacrifice et de la sorcellerie de cette époque, cela reflète le culte des totems des ancêtres du peuple Luoyue qui considéraient les grenouilles comme des dieux, croyant qu'elles pouvaient appeler le vent et la pluie et ainsi favoriser l'agriculture.
Les motifs des peintures rupestres témoignent de la vénération des ancêtres Zhuang pour la nature, ils expriment la piété pour obtenir une belle récolte sans encombres. Des dessins liés au culte de la reproduction entre les hommes et les femmes sont également présents, ils reflètent l’aspiration des ancêtres de prier pour que les dieux bénissent leurs descendants et se multiplient, préservent les frontières et protègent leurs maisons.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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