Qipao, la robe shanghaienne, symbole éternel de l’élégance à la chinoise

1695727217959 China News Xu Jing
Née au croisement des chemins entre Orient et Occident, la robe qipao de style shanghaien, propulsée dans l'imaginaire occidental par le cinéma, se révèle être le miroir de la société chinoise en quête d’évolution et de modernité.

La qipao, robe emblématique de la modernité et de l’élégance à la chinoise, suscite des engouements au-delà des frontières. À l’aube du XXe siècle, sous l’influence du haipai, courant culturel à la fois éclectique et inclusif, et de la mode vestimentaire occidentale, la qipao a évolué en terme de modèle, de style et de textile, donnant lieu à la « qipao de style shanghaien », à la croisée des chemins entre traditions et modernités. Quelles sont les valeurs de la culture traditionnelle chinoise que transmet la qipao de style shanghaien ? Dans quelle mesure cette tenue peut-elle faciliter les échanges entre la Chine et le reste du monde ? Entretien avec Miao Huicui, conservatrice du Musée de l’Université de Shanghai.

Comment la qipao de style shanghaien a-t-elle évolué au fil du temps ?

Qipao, littéralement « tunique des Mandchoues » en chinois, tire son origine des habits portés par les femmes Mandchoues de la dynastie Qing (1644 à 1912). En effet, les vêtements des femmes de la cour vers la fin des Qing se démarquent par le col montant, une des spécificités propres à la qipao. Mais la tunique comme vêtement féminin existait déjà sous la dynastie Han (202 av. J.-C. - 220). Au fil du temps, elle a évolué, s’est renouvelée, a épousé des éléments chinois et occidentaux, avant de se transformer en qipao que l’on connaît aujourd’hui.

La qipao de style shanghaien, unique dans son genre, est étroitement lié à l’évolution voire l’émancipation sociale. Si au début du XXe siècle la qipao était plutôt longue et ample avec des manches larges, elle est devenue plus ajustée dans les années 1920 en empruntant des éléments vestimentaires typiquement occidentaux et en ajoutant des objets comme la fermeture éclair. La qipao de style shanghaien a vu ainsi le jour. Grâce à sa simplicité et son élégance, ce modèle de robe, porté par des femme d’horizons différents, telles que des actrices, des mannequins, des étudiantes et des femmes au foyer, a connu son véritable âge d’or dans les années 1930 et 1940 à Shanghai. Capitale chinoise de la mode, la métropole cosmopolite a attiré de nombreux tailleurs de qipao. En pleine guerres, certains d'entre eux ont ensuite choisi de s'installer à Hongkong. C'est ainsi que la qipao a connu dans les années 1960 une seconde jeunesse dans l'ancienne colonie britannique en héritant et en creusant un peu plus ce qui a initialement fait le succès de la qipao de style shanghaien, autrement dit la fusion entre Orient et Occident. Cela explique également sa popularité intemporelle sur la scène de la mode internationale. 

Quelles sont les spécificités des qipao de la famille Rong, conservées dans le Musée de l’Université de Shanghai ?

Elles représentent le summum des qipaos de style shanghaien, en terme de modèle et de savoir-faire artisanal. Cette collection dispose d'une grande variété de la robe traditionnelle, dont des modèles courts, longs, ainsi que des costumes. Ces derniers désignent l’ensemble de qipaos et de vestes assorties, faisant référence au costume occidental. Sur le plan artisanal, c'est aussi une rencontre entre tradition et modernité car on trouve à la fois les traditionnelles broderies suxiu et dazixiu, ainsi que la broderie de perles qui n'est apparue que récemment. Cette dernière consiste à utiliser des perles brillantes et des paillettes comme matériaux de décoration afin de créer chez ces robes un effet visuel époustouflant. De plus, pour cette collection, on connaît très bien l’identité de la personne qui porte telle ou telle pièce, alors que dans la plupart des collections, on possède très peu d'informations sur leur propriétaire ou sur les périodes auxquelles les robes ont été portées. Dans ce sens, la collection de qipaos de la famille Rong met non seulement en valeur la robe traditionnelle chinoise, mais elle témoigne également de la traversée culturelle et historique de cette grande famille qui a marqué l'histoire moderne de la Chine.

Quelles valeurs de la culture traditionnelle chinoise se manifestent-elles à travers l’évolution de la qipao de style shanghaien ?

L’évolution de la qipao de style shanghaien, traversée par la modernisation de l’empire du Milieu, est un reflet de plusieurs orientations de valeur dans la culture traditionnelle chinoise, comme « la quête du changement », « le juste milieu » ou encore « l'identité huaxia » (les populations de la Chine antique constituant le noyau des futurs Han). Cette robe est née au croisement des chemins entre la Chine et l'Occident, témoignant malgré elle de la « quête du changement » propre à la culture traditionnelle chinoise. Car à l'époque, la Chine a provoqué un bouillonnement d'idées et de réformes pour sortir de la pauvreté tout en embrassant, à bras ouverts, les cultures et les technologies de différentes cultures. Le secteur vestimentaire a également fait sa révolution pour correspondre aux nouveaux besoins de la société. Comme le dit le proverbe chinois, « le changement mène au succès, le succès mène à la longévité », la qipao n'a cessé d'évoluer jusqu'à devenir la « tenue nationale » qui représente le mieux la Chine. Quant à sa conception, elle respecte le principe du « juste milieu », un autre élément essentiel de la culture traditionnelle chinoise : une coupe idéale pour affiner les silhouettes féminines sans pour autant trop en dévoiler ; se servir des techniques occidentales tout en gardant les éléments traditionnels comme le col montant et le jupon fendu. De plus, la diaspora chinoise répartie dans le monde entier a tendance à porter les qipaos pour des occasions spéciales et des événements, sans doute par l’attachement à « l’identité huaxia ».

Dans quelle mesure la qipao de style shanghaien, robe iconique dans beaucoup de films, peut-elle apporter une touche chinoise sur la scène de la mode internationale ?

Les robes qipao sont très présentes dans l’histoire du cinéma, chinois ou occidental. Si les personnages féminins d’origine chinoise portent souvent des qipaos, les modèles se différencient selon les époques et les personnalités de chaque personnage. Dans La Colline de l'adieu, film américain sorti en 1955, l’héroïne est une Eurasienne, à la fois intellectuelle et indépendante. Marquées par la haute-couture occidentale, les qipaos qu’elle porte, élégantes et sophistiquées, avaient marqué les esprits. D’ailleurs le film a remporté l’Oscar de la meilleure création de costumes. Par contre, dans le film hollywoodien, Le Monde de Suzie Wong, sorti en 1960, la protagoniste porte toujours une qipao moulante, courte et hautement fendue. Un style jugé trop sensuel, qui n’a jamais été porté par les Chinoises au quotidien. Pour certains chercheurs, c’est une fusion de styles entre les mini-jupes, tenues ultra populaires à l’époque en Occident et la qipao. Il faut attendre 2000, après la sortie du film In the Mood For Love pour que la qipao se retrouve sous les projecteurs. Le réalisateur Wong Kar-wai emploie un langage cinématographique mystérieux et subtil pour mettre en valeur la qipao en tant que symbole de l’amour et du désir. Ceci dit, la touche chinoise désigne davantage la représentation retenue et subtile de la beauté sous un regard rationnel. Toutefois, peut-être faudra-t-il attendre un peu plus longtemps pour que ce style oriental soit vu et compris par un plus grand nombre de personnes sur la scène mondiale.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut : « In the mood for love » de Wong Kar-wai © The Jokers Films

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