Le concept de « Tianxia », création remarquable née de la culture traditionnelle chinoise

1696411570442 China News Wen Longjie, Xu Huangguan

La culture traditionnelle chinoise jongle brillamment avec les visions cosmique, sociale, morale et la conception du monde engrangées par le peuple chinois au cours de sa longue vie productive. Parmi ces valeurs, le concept de monde, unique en son genre, est une notion culturelle remarquable issue du peuple chinois. 

Qu'est-ce que le « Tianxia », le « monde », littéralement « tout ce qui est sous le ciel » ? Quels sont les aspects de la culture traditionnelle chinoise qui se reflètent dans cette conception du monde ? China News a récemment interviewé Wang Jie, président de la Chinese Society of Shixue, professeur et directeur de thèse au département de philosophie de l'École centrale du Parti communiste chinois (National Academy of Governance).

Le « Tianxia » est un concept culturel unique né du peuple chinois, voire même du cercle culturel Han, qui a une influence durable et profonde. Qu'est-ce que le « Tianxia » ?

Le « Tianxia » englobe l'ensemble de l'humanité telle qu'elle était connue des Anciens. Il représente l'intégralité du monde civilisé connu, c'est-à-dire « le monde comme un ensemble ». Dans la culture chinoise traditionnelle, le « Tianxia », en tant que concept culturel unique issu du peuple chinois, voire même du cercle culturel chinois Han, renferme diverses connotations.

D'un point de vue géographique, le « Tianxia » a une signification proche des « quatre mers », des « neuf états », des « quatre directions », etc. Il est alors à comprendre en termes de régions naturelles et d'espaces physiques.

Au niveau politique, le « Tianxia » est une structure et un ordre composés des territoires et des populations situés à l'intérieur des frontières politiques, comme le suggèrent les concepts de « système des cinq servitudes », « système des neuf servitudes » et de la « voie royale ».

Sur le plan culturel, le « Tianxia » est une idéologie, une spiritualité qui englobe les croyances et le caractère inhérents au peuple chinois, comme les sentiments, le retour à la bienveillance, la concorde et l'idée que « le monde appartient au peuple », autant d'idéaux politiques et de notions humanistes.

D'un point de vue philosophique, le « Tianxia » est une pensée, une méthodologie, une forme de sagesse à travers laquelle les dirigeants réfléchissent à la manière de gouverner le monde et de le planifier, comme le suggèrent les expressions suivantes : « le Monde d'après le monde »1, « neutraliser le monde », « harmoniser le monde », etc.

Pour l'écologie, le « Tianxia » est une civilisation. Or, l'essence même de la civilisation est la création de l'Homme. C'est la transcendance de la nature humaine sur la bestialité, la transcendance de l'existence humaine sur la survie, pour « former et perfectionner le monde » 2, « civiliser du monde », etc.

Que renferme le concept de « Tianxia » ? Comment se reflète-t-il dans la culture traditionnelle chinoise ?

Dans la culture chinoise, le concept de monde a été élaboré par les anciens sur la base de valeurs telles que l'enrichissement personnel, la famille, le pays, l'honnêteté, l'intégrité, l'altruisme, l'harmonie, etc. Il renvoie vers une série de connotations riches et profondes et s'incarne particulièrement dans les notions suivantes :

Le chemin vers l'enrichissement personnel est la pierre angulaire du concept de monde. A travers les âges, les érudits se sont souvent attribués la responsabilité de « l'ascension, de la chute et du chaos du pays ». Or, afin d'atteindre l'idéal ultime, à savoir la « pacification du monde », la première étape consiste à cultiver ses propres qualités. Se cultiver soi-même est la condition préalable pour réussir à « pacifier le monde ».

L'honnêteté est la clé de cette vision du monde, la poursuite de l'intégrité témoigne de sa confiance et le développement harmonieux est son objectif. L'harmonie est l'un des piliers de la culture chinoise. Dans l'Antiquité, c'est elle qui régissait les relations interhumaines et interétatiques. La fusion du confucianisme, du taoïsme et du bouddhisme depuis les dynasties Wei et Jin reflète la forte cohésion de la culture chinoise.

Pourquoi le concept de monde est-il la construction culturelle la plus élégante et la plus structurée de la culture chinoise ?

Depuis l'Antiquité, les Chinois vivent dans un vaste environnement continental, où les échanges amicaux entre tribus et peuples n'ont jamais cessé. Depuis longtemps, ils cultivent leur propre vision du monde. Ainsi, le Classique des documents évoque « l'union et la concorde avec toutes les nations » ; dans le Livre des mutations, « les Etats ont paix et prospérité »3 ; les Entretiens de Confucius mentionne qu'« entre les Quatre Mers, tous les hommes sont frères »4 ; dans le Classique des rites, on retrouve l'idée que « le monde appartient au peuple » et que « nous sommes une même famille » ; et enfin, l'apparition récente du concept de « communauté de destin pour l'humanité ». Le concept de monde est une idée remarquable créé par le peuple chinois, c'est la construction culturelle la plus élégante et la plus structurée de la culture chinoise. À l'époque contemporaine, l'héritage et la promotion du concept de monde issu de la culture chinoise, « l'union et la concorde entre toutes les nations », ont apporté une nouvelle réflexion et une nouvelle approche de la gouvernance mondiale.

Sous la dynastie Shang, le monde a été divisé en deux parties, les « quatre directions » et le « centre », éléments de base de la conception chinoise du monde. Après les dynasties Qin et Han, la situation décousue caractérisée par les « seigneurs communs » des dynasties Xia, Shang et Zhou a été remplacée par un système politique de grande unité. Ainsi, le concept de monde a progressivement pénétré la philosophie politique. Sous les dynasties Sui, Tang, Song, Yuan, Ming et Qing, la vision traditionnelle chinoise du monde et l'ordre politique qu'elle a créé se sont perfectionnés. On peut citer les concepts confucéens (« l'union et la concorde avec toutes les nations, le travail et effort collectif et l'unité entre les Quatre Mers »), l'idéologie taoïste (« embrasser l'Un, à toute créature devenant un modèle »5), la doctrine légaliste (« gouverner pour le bien de l'empire ») et le mohisme (« la justice du monde ensemble »), tous ces systèmes de pensée visant à élaborer des doctrines pour gouverner le monde et apporter un soutien idéologique à l'établissement de la paix et de la concorde dans le monde. Une telle conception du monde transcende la vision nationale. Son approche, son envergure et son atmosphère inégalées, ont déterminé la pensée et les méthodes pour résoudre les problèmes internationaux de la nouvelle ère, sans les axer sur la confrontation et la conquête, mais sur la coopération gagnant-gagnant.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

1 Lao-tzeu, La Voie et sa vertu Tao-tê-king, Paris, Editions du Seuil, 1979, Chapitre 54, traduit par François Houang et Pierre Leyris

2 Le livre des mutations, Editions Denoël, Paris, 1959, Gua 22, Bi, traduit par Charles de Harlez

3 Le livre des mutations, Editions Denoël, Paris, 1959, Gua 1, Qian, traduit par Charles de Harlez

4 Confucius, Entretiens, Paris, Editions du Seuil, 1981, traduit par Anne Cheng

5 Lao-tzeu, La Voie et sa vertu Tao-tê-king, Paris, Editions du Seuil, 1979, Chapitre 22, traduit par François Houang et Pierre Leyris

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