Qi Baishi : l’artiste chinois passé de maître à idole en peignant… des crevettes

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Qi Baishi est un des grands maîtres de la peinture traditionnelle chinoise du XXe siècle. 66 ans après sa mort, il reste le meilleur ambassadeur de celle-ci à travers le monde.

La peinture traditionnelle chinoise est l'un des symboles de l'art chinois et constitue également une carte de visite de la culture chinoise à l'international. Dans un monde où l'art est en concurrence et où la technologie se développe rapidement, le développement de la peinture traditionnelle chinoise est à la fois rempli d'opportunités et confronté à des défis. Comment la peinture traditionnelle chinoise est-elle diffusée à l'étranger ? Comment renforcer son influence à l’internationale ?

Wu Hongliang, directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Pékin, et Choi Changwon, directeur de l'Institut de recherche sur la culture et l'art chinois de l'Université Qingyun en Corée, discutent de ses questions à travers les œuvres du maître de la peinture traditionnelle chinoise, Qi Baishi (1864 – 1957, à la différence de beaucoup d'artistes de son temps qui cherchèrent à s'inspirer de la peinture européenne ou japonaise, Qi Baishi puisa son inspiration dans la plus pure tradition chinoise lettrée. L'Académie des Beaux-Arts de Pékin détient la plus grande collection d'œuvres de Qi Baishi au monde, et est l'institution la plus complète dans ce domaine).

Que pensez-vous de Qi Baishi ?

Wu Hongliang : Qi Baishi était un artiste chinois remarquable du XXe siècle, un maître qui a incarné l'essence de l'art chinois. Il était expert dans de nombreux styles de figuration, tels que les fleurs, les oiseaux, les détails minutieux, les personnages, etc. Son style expressif est unique et inégalé.

Qi Baishi a également beaucoup contribué à populariser la peinture chinoise, à améliorer la compréhension mutuelle entre la Chine et le monde, et a reçu le prix international de la paix. En plus d'être peintre, on peut dire qu’il était aussi un ambassadeur.

Choi Changwon : La pensée artistique de M. Qi Baishi englobe trois aspects de « l'harmonie ». Le premier est l'harmonie de soi : il a constamment recherché un état de vie équilibré et harmonieux. Le second est l'harmonie avec les autres : à travers ses peintures, on peut voir une harmonie sans frontières entre soi et les autres. Le troisième est l'harmonie avec la nature : il considérait la nature comme un bienfaiteur, un enseignant. J'admire énormément Qi Baishi.

Ces dernières années, comment s'est déroulée la diffusion à l'étranger de la peinture traditionnelle chinoise, qui est l'un des symboles de la culture traditionnelle chinoise ?

C. C. : En Corée, en 2017 et 2018, des expositions consacrées aux œuvres originales de Qi Baishi ont été organisées pendant deux années consécutives. Ces expositions ont été très populaires et ont attiré de nombreux visiteurs. Les œuvres de Qi Baishi commencent à être appréciées par les Coréens.

Entre 2017 et 2018, j'ai participé à la réalisation d'un documentaire intitulé Le monde artistique de Qi Baishi et sa philosophie de la paix, d'une durée de 53 minutes. Sa diffusion sur la chaîne de télévision SBS en Corée a également été très appréciée par les téléspectateurs.

W. H. : Ces dernières années, avec le développement économique de la Chine et l'approfondissement des échanges culturels, la diffusion de la peinture chinoise a atteint un nouveau palier. Par exemple, l'Académie des Beaux-Arts de Pékin présente presque chaque année à l'international les œuvres de Qi Baishi, notamment en Hongrie, en Grèce, au Japon, et dans d'autres pays.

La diffusion de la peinture chinoise à l'étranger est multiforme. En Corée, il y a une biennale d'encre à Gwangju. Au Japon, de nouvelles formes qui s’en inspirent comme la gravure sont apparues. En Europe, elle a influencé l'impressionnisme. Ces exemples nous montrent que l'art chinois est très vivant.

Dans le processus de diffusion de la peinture traditionnelle chinoise à l'échelle mondiale, il existe des défis. La richesse des images de la peinture chinoise et sa forme d'expression unique peuvent-elles augmenter la difficulté pour les étrangers à la comprendre et à l’apprécier ? Comment éviter ces fossés ?

W. H. : Dans le processus de diffusion de la peinture chinoise à l'étranger, il est essentiel de savoir partager avec tous ce qui touche et émeut l'âme, des éléments qui sont communs à toute l'humanité.

Il faut également tenter d'augmenter l'interactivité avec la peinture chinoise. Par exemple, en transformant les œuvres de Qi Baishi en œuvres d'art « tangibles », en permettant à nos amis occidentaux de dessiner et d'écrire. Une fois que le problème de la communication avec le public occidental sur la subtilité et la magie de l'art chinois est résolu, les barrières sont levées.

De plus, il faut permettre au public de comprendre le processus de création de l'artiste, aidant ainsi la peinture traditionnelle chinoise à réaliser un effet « de familiarité et de nouveauté ». Par exemple, lors d'une exposition organisée en Hongrie en 2015, des manuscrits de Qi Baishi ont été exposés. On y a également reconstitué le bureau et les chaises de son atelier avec de nombreux détails scéniques, comme les instruments qu'il utilisait pour dessiner. Les retours des visiteurs ont été très positifs.

C. C. : Dans le processus de transmission culturelle, on ne peut pas abandonner les idées centrales d'origine des œuvres. C'est seulement sur cette base, en y apportant des changements et des innovations, que l'on peut gagner l'affection du public. De même, pour partager de l'art, il faut d'abord évidemment que l’interlocuteur veuille bien reconnaître et accepter la qualité de ces différents styles artistiques afin de pouvoir réaliser un échange amical.

L'inspiration pour l'innovation artistique naît souvent des échanges culturels. Certains estiment que lorsque la peinture traditionnelle chinoise est combinée avec des courants artistiques étrangers, elle perd son charme propre. D'autres pensent que la fusion et l'innovation peuvent insuffler une nouvelle vie à la peinture traditionnelle chinoise. Comment voyez-vous cela ?

W. H. : Il est bien sûr nécessaire que la peinture chinoise s'entremêle avec divers arts pour trouver de nouvelles voies de développement. Bien que de nombreux artistes pensent qu'il faut préserver ce qu'on appelle la « pureté essentielle » de la peinture chinoise, au fil de mes années de recherche, j'ai découvert que ce que l'on appelle « tradition » est, dès sa formation, un processus de fusion. Si nous avons confiance en l'art chinois, en la peinture chinoise, nous ne devrions pas craindre d'expérimenter dans toutes ses dimensions.

C. C. : Pour l'innovation artistique, il faut échanger, partager et intégrer de nouvelles influences pour rester vivant. Une fusion accrue peut aider à s'inspirer de l'ancien pour créer du nouveau, à donner lieu à des effets artistiques uniques, rompre avec les idées fixes et conduire à l'innovation.

Nous vivons à l'ère de la numérisation. À une époque où les moyens de communication sont essentiellement virtualisés, beaucoup de gens n'utilisent même plus de stylo pour écrire, sans parler du pinceau traditionnel. Dans ce contexte, comment la peinture chinoise peut-elle contribuer au développement de l'art visuel humain ? Comment l'esprit de la peinture chinoise peut-il perdurer et se développer ?

W. H. :  L'ère numérique offre une nouvelle opportunité à la peinture chinoise. Par exemple, lorsque les visiteurs regardent les insectes dessinés méticuleusement par Qi Baishi dans un musée, ils les voient de loin, et certains détails leur échappent.

Aujourd'hui, grâce à la numérisation, nous pouvons capturer avec précision chaque détail de ces insectes. Les spectateurs peuvent non seulement voir les dessins de Qi Baishi à la taille réelle, mais aussi les agrandir et apprécier la finesse du trait et de l'encre, et saisir l'énergie et l'esprit du pinceau chinois. Lorsque les spectateurs observent les détails d'une œuvre sur leur téléphone, leur admiration est tout naturellement suscitée.

Plus important encore, la technologie numérique n'est pas un obstacle au développement de l'art chinois, mais pourrait bien en être un nouveau canal. La technologie numérique est déjà devenue un moyen pour les artistes de peinture chinoise d'exprimer leur créativité. Par exemple, la technologie d'impression 3D peut aider à reproduire l'essence d'une peinture chinoise, et l'intelligence artificielle est également explorée pour la création artistique.

C. C. : Nous sommes déjà entrés dans l'ère de la numérisation. En Corée, de nombreuses initiatives liées à l'art numérique ont été lancées, comme la construction de nouveaux musées d'art dédiés à la réalité virtuelle et d'autres applications numériques, ainsi que le développement de la peinture par IA.

Actuellement, la technologie 3D me permet de scanner les fameux dessins de crevettes sur grand écran, rendant l'œuvre plus vivante et permettant une excellente représentation dans les musées. L'art numérique devrait être la direction future du développement artistique.

Les échanges artistiques sont un pont de communication émotionnelle entre les peuples de différents pays. Comment pouvons-nous, à l'avenir, promouvoir davantage les échanges culturels et artistiques entre la Chine et la Corée, rapprochant ainsi les cœurs des peuples des deux pays ?

W. H. : Actuellement, les artistes chinois et coréens ont déjà l’habitude d'échanger annuellement autour de la peinture à l'encre. Dans le futur, nous intensifierons ces efforts. Des œuvres de Qi Baishi sont conservées dans des musées en Corée. Dans le processus de promotion internationale des œuvres de Qi Baishi, nous communiquons également avec les institutions culturelles locales, les universitaires et les artistes.

C. C. : L'art devrait être largement partagé et échangé. L'art n’est jamais un obstacle à la communication entre les individus, car il n'exclut pas. En s'ouvrant davantage à nos voisins et en échangeant, l'art peut progressivement renforcer le sentiment d'identité et rapprocher les peuples.

Avec la dissipation progressive de la pandémie, en 2023, nous devrions continuer à élargir les échanges culturels entre la Corée et la Chine, en commençant par l'art. Il est essentiel d'intensifier rapidement nos échanges pour stimuler une nouvelle phase plus chaleureuse des relations culturelles entre la Corée et la Chine. « À travers les mers, nous trouvons des âmes sœurs ; même de loin, ils semblent être nos voisins », comme dit le dicton.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

Photo : DR.

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