
Les livrets anciens de poésie « ci » chinois : la renaissance de musiques traditionnelles en Chine et dans le monde
Quelles caractéristiques culturelles chinoises ces livrets de poésie ci contiennent-ils ? Aujourd’hui, comment pouvons-nous mieux faire connaître la Chine au reste du monde grâce au « chant » ? China News a récemment interviewé Yang Sai, chercheur au Conservatoire de musique de Shanghai, pour répondre à ces questions.
Quelle est l’origine des livrets anciens de poésie ci chinois ?
Les livrets anciens de poésie ci chinois se sont transmis durant des milliers d’années, de l’Antiquité à la dynastie Qing. Le texte et la musique ont été préservés jusqu’à nos jours, malgré les vicissitudes de l’Histoire.
L’origine de la musique chinoise est bien antérieure à celle de l’écriture, si bien qu’elle peut être considérée comme l’un des fondements de la civilisation chinoise. La musique primitive associait les chants et les danses. La légende veut que l’Empereur Jaune ait composé « La Porte des nuages » (yun men), « La Grande réunion » (da juan) et « le Bassin universel » (xian chi) et créé le système de civilisation rituel et musical chinois. À cette époque, la langue n’était pas encore développée et la musique et la danse étaient utilisées lors des rites pour exprimer les mérites des rois défunts et les modes de gouvernance. Ainsi, « Les Nuages perpétuels » (cheng yun) de Zhuanxu, « Les Cinq héros » (wu ying) de Ku, « Le Grand chapitre » (da zhang) de Yao, « Le Grand beau » (da shao) de Shun, « Le Grand été » (da xia) de Yu, « La grande pluie qui coule d’un avant-toit » (da huo) de Tang et « Le Grand guerrier » (da wu) de Zhou ont tous une fonction identitaire de transmission culturelle.
Comment cet héritage et ces différentes caractéristiques se sont-ils reflétés au cours des millénaires de changements dynastiques ?
Après l’invention de l’écriture, la musique et les chants se sont considérablement développés sous la dynastie Shang, avant d’être regroupés dans un recueil de musique et de chants, le Classique des vers, pendant la dynastie Zhou. Les Zhou ont utilisé la musique et les chants pour transformer la nature humaine et les coutumes et établir les valeurs fondamentales de paix et de justice afin de consolider leur règne.
Malheureusement, les premières partitions des Élégies de Chu ont été perdues. Aujourd’hui, la compilation « Qinqu jicheng » comprend 18 partitions réduites dont « La Tristesse de la séparation » (li sao), « La Ballade sur la rive de l’étang » (ze pan yin) ou « Le Chant de l’onde bleue » (cang lang ge), qui datent des générations ultérieures.
L’empereur Wu de la dynastie Han a rétabli le Bureau de la musique des Han. Il a largement puisé dans les chants folkloriques Qin, Chu, Zhai, Dai et Qi, tout en introduisant un grand nombre de partitions des Régions de l’Ouest. La fusion et la résonance de la musique populaire et de la musique des ethnies du Nord et de l’Ouest ont participé à la transition de la musique cérémonielle Zhou à la musique folklorique Han. Dès lors, un nouveau système de musique rituelle et culturelle et une nouvelle esthétique musicale ont vu le jour.
Sous la dynastie Tang, une institution musicale de grande envergure, le Conservatoire de musique Tang, a été créé. On y chantait les yuefu traditionnels Han et on y composait de nouvelles partitions. Nous avons conservé un grand nombre de partitions poétiques des Cinq dynasties et de la dynastie Tang.
Sous la dynastie Qing, les partitions poétiques ci étaient très appréciées. L’empereur Kangxi a ordonné la compilation en 40 volumes du « Recueil impérial des modes, des rimes et des tons de la poésie ci », sans qu’elle ne contienne de partitions. L’empereur Qianlong a quant à lui ordonné la compilation en 82 volumes du « Recueil impérial des partitions poétiques ci du nord et du sud en neuf modes », comprenant 4 466 titres, dont 177 partitions de poèmes chantés. Il s’agit d’une collection de mille ans de partitions de musique traditionnelle chinoise. Pendant le règne de l’empereur Daoguang, Xie Yuanhuai s’est appuyé sur « Le Recueil impérial des partitions poétiques ci », « Les Poèmes impériaux des dynasties passées » et « Le Recueil impérial des partitions poétiques ci du nord et du sud en neuf modes », qu’il a détaillés pour compiler « Les Partitions poétiques ci de l’or fragmenté » en 14 volumes et « Les Partitions élargies et complétées de l’or fragmenté » en 6 volumes. Le premier relève du style de l’opéra kunqu, qui est l’aboutissement de l’évolution des musiques du Nord et du Sud, depuis les dynasties Yuan et Ming.
En outre, les six volumes des « Partitions de Wei » qui se sont diffusés au Japon à la fin de la dynastie Ming contiennent 242 chants, dont des chansons populaires anciennes, des partitions du Classique des vers, des partitions yuefu des dynasties du Nord et du Sud, des Han, des Wei et des Jin, ainsi que des partitions poétiques ci des Cinq dynasties, des Sui, des Tang, des Song et des Yuan. Ces partitions utilisent la gamme diatonique et constituent des documents extrêmement précieux pour l’étude de la musique chinoise ancienne.
Voilà comment les partitions d’un millier de poèmes ci nous sont parvenues.
En tant que fondement majeur de la musique traditionnelle chinoise, quelle est l’importance des livrets anciens de poésie ci chinois chantés et traduits aujourd’hui ? Peuvent-ils dépasser les frontières de la Chine et résonner dans le monde entier ?
Les livrets anciens de poésie ci sont un vecteur important des traditions humaines chinoises et l’expression concentrée de l’esprit culturel chinois. Elles constituent une forme avancée du raffinement musical chinois et une part importante du trésor musical mondial. Les partitions poétiques mêlent le son de la langue chinoise au sens. Elles revêtent une grande valeur artistique. Après une transformation créative, elles occupent une place importante dans le système mondial des chants artistiques.
À l’apogée de leur puissance nationale, les souverains chinois se sont consacrés à l’héritage et à la création de livrets de poésie ci. Ils sont un élément majeur de l’éducation rituelle et musicale, un moyen important d’unir les peuples et une base importante pour l’identité culturelle, l’héritage des valeurs et les échanges esthétiques. Par exemple, le Bureau de la musique des Han a été créé par l’empereur Wu après son passage dans les Régions de l’Ouest, afin que la musique des Plaines centrales et la musique des peuples du Nord et de l’Ouest puissent « résonner ensemble ». À l’apogée de l’empereur Xuanzong de la dynastie Tang, des concerts étaient souvent organisés, faisant la part belle aux musiques Han et Tang, associées aux musiques des minorités ethniques et étrangères, pour mieux exprimer le modèle de la grande musique et de l’harmonie du ciel et de la terre.
Aujourd’hui, alors que la nation chinoise s’achemine vers une grande renaissance, les partitions anciennes de poésie ci devraient jouer un rôle plus important encore dans la sensibilisation et la revitalisation culturelles. Ces dix dernières années, le Festival international de musique du Printemps de Shanghai et le Festival des arts de la vallée de la beauté orientale ont été l’occasion d’organiser des concerts de livrets poétiques ci. Nous avons invité les directeurs des Instituts Confucius et des sinologues étrangers à participer à des conférences. Nous avons nous-mêmes été invités plus de dix fois aux États-Unis, au Canada, en Thaïlande, en France, en Allemagne, entre autres pays, pour donner des conférences, des formations ou des représentations et faire connaître à l’étranger les partitions poétiques ci anciennes. Ces échanges ont considérablement stimulé les gènes culturels traditionnels des Chinois d’Outre-mer. Chaque fois, un grand nombre de ces expatriés ont participé aux débats avec un grand enthousiasme. Après chacun de nos déplacements, nous recevons au moins dix nouvelles invitations. De plus, lors de nos tournées, nous avons vu des enfants capables de réciter un grand nombre de poèmes des dynasties Tang et Song et rencontré des personnes âgées à même de chanter l’intégralité de « La Ballade de Mulan », les larmes aux yeux. La force de cohésion de ces livrets anciens est incontestable.
Près de la moitié du public des concerts de poésie ci donnés dans d’autres pays est composée d’étrangers. Ces derniers comprennent le contenu et apprécient la musique grâce aux guides et aux sous-titres et s’en imprègnent totalement. La musique transcende la langue et possède les caractéristiques d’une communication interculturelle. Les livrets anciens de poésie ci chinois incarnent la compassion et le sens d’une communauté de destin pour l’humanité. Voilà pourquoi ils peuvent encore résonner aujourd’hui, par-delà les frontières.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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