[Danse] Entre héritage et renouvellement, le Cloud Gate Dance Theatre creuse son sillon

1712915309332 China News Gao Kai

Sous la direction artistique de Cheng Tsung-lung depuis 2020, le Cloud Gate Dance Theatre continue d'explorer de nouvelles formes d'expression artistique tout en préservant l'héritage laissé par son fondateur Lin Hwai-min. 

En 1973, Lin Hwai-min, immense chorégraphe taïwanais, fonde le Cloud Gate Dance Theatre, la première compagnie asiatique de danse contemporaine. Cloud Gate, longyun en chinois, est aussi la danse la plus ancienne de Chine. Ancrée dans sa terre natale, la compagnie, qui part souvent en tournée internationale, s'impose comme une « compagnie de danse contemporaine de premier plan ». Au fil des 50 dernières années, le Cloud Gate Dance Theatre a marqué son empreinte dans les plus grandes salles du monde, proposant une danse contemporaine chinoise unique, à la croisée des chemins entre tradition et philosophie. En 2020, Cheng Tsung-lung a pris le relais de Lin Hwai-min en tant que nouveau directeur artistique, insufflant ainsi une nouvelle énergie à la troupe. 

Ayant grandi dans un quartier populaire de Taipei, Cheng Tsung-lung est connu pour ses créations d’inspirations personnelles, puisées souvent dans son enfance ou dans la culture de rue. Encensé par la critique chorégraphique, il incarne une voix fraîche et originale, et figure sur la liste des « Cinquante chorégraphes contemporains » publiée par la maison d’édition britannique Routledge. Comment le Cloud Gate Dance Theatre parvient-il à transmettre son héritage tout en innovant ? Dans quelle mesure, l'Orient et l'Occident cohabitent-ils dans les projets de danse de la compagnie ? Dans un entretien accordé à China News, Cheng Tsung-lung nous livre ses réflexions sur l'avenir de la compagnie. 

Directeur artistique depuis trois ans, quels changements avez-vous apportés à la compagnie ?

Le Cloud Gate entretient une connexion profonde avec son public, un principe fondateur établi par Lin Hwai-min dès la création de la compagnie. Nos spectateurs viennent de tous les horizons de la société. Il est essentiel pour moi de préserver cette tradition afin de faire découvrir notre danse au plus grand nombre. Chaque année, nous consacrons la moitié de notre temps  à des tournées dans les régions rurales pour promouvoir la danse et présenter des spectacles dans divers théâtres. Pour une compagnie de danse comme la nôtre, il est crucial de maintenir une énergie pérenne qui permet aux gens de rencontrer la danse dans leur vie quotidienne, tout en l'appréciant dans le cadre théâtral. 

En ce qui concerne les nouveautés, nous avons commencé à intégrer certains éléments de la streetdance dans notre entraînement physique quotidien, qui était autrefois mené de manière plus traditionnelle et orientale. Cela inclut des exercices visant à renforcer les petites articulations, permettant aux danseurs de mieux maîtriser leur corps.

Pourriez-vous présenter votre nouvelle pièce Nuages empourprés, qui se distingue de vos dernières créations par un style plus insouciant et flamboyant ?

Pour la création de mes dernières pièces, je commençais toujours par plonger dans une sorte d'imagination improbable, mais cette fois-ci, j'ai décidé d'embarquer tous les danseurs dans ce projet créatif. C'était en 2021 que nous avons conçu les Nuages empourprés. À l’époque, nous étions contraints de suivre les cours ou de nous entraîner en visioconférence. Les 26 danseurs ont créé chacun une danse en fonction de leur état d’esprit. Il s’agit donc d’une pièce de danse d’inspiration personnelle. Pour chaque représentation, nous sélectionnons les danses créées par 13 danseurs, donc la moitié de notre troupe. Comme le choix des pièces et leur ordre varient, chaque représentation donne une version différente du spectacle. Il y de très beaux souvenirs, comme des moments solitaire, parmi ces histoires. Chaque danseur s’habille de manière différente. Les différentes couleurs représentent diverses émotions, comme nous pouvons nous sentir différemment tous les jours. Sur scène, chaque danseur est accompagné d’une projection d’images différentes, créées selon leur propre humeur. J’espère que cette pièce pourrait éclairer les danseurs, ainsi que les spectateurs, pour faire jaillir plus de « nuages empourprés » dans une multitude de couleurs.     

Pensez-vous toujours qu’un créateur doit ressentir ce qui l'entoure dans la vie avant de l’exprimer dans sa création ? 

J’ai passé mon enfance dans le district Bangka de Taipei, un quartier diversifié et chaleureux où vivent des gens de différents horizons. Il abrite de nombreux temples, et lors des festivités folkloriques, certains habitants portent même des masques chinois d’opéra en défilant dans la rue. À ce moment précis, il me semble qu'ils possèdent chacun une histoire particulière derrière eux. Leur manière de parler et leurs gestes corporels me touchent et m'inspirent à créer la pièce Treize voix, pour représenter le corps et le langage du peuple dans la rue. 

Je conserve le même schéma de création jusqu’à aujourd’hui. En octobre dernier, j’ai achevé ma nouvelle pièce Onde. À notre époque, il semble exister une sorte d’« onde » virtuelle qui interfère dans notre vie. Ainsi, dans cette nouvelle création, j’ai enregistré plusieurs mouvements de nos danseurs sur mon ordinateur pour en faire de la musique et des images à l’aide de l’intelligence artificielle. Tout cela est magique. Lorsque je créais cette œuvre, j’ai posé une question à ChatGPT : dans quelle étape se situent respectivement l’humain et l’IA ? Il m’a répondu que nous, les êtres humains, avions atteint nos limites et que l'IA n'était qu'au début de son voyage. En tant que créateur, je souhaite saisir les moindres changements intenses dans notre vie et réfléchir à de nouvelles formes pour échanger avec notre public.

Les anciennes pièces signées par la compagnie portent le style très distinctif de Lin Hwai-min, qui inspire souvent les spectateurs à réfléchir sur leur relation avec le monde. Quel est votre projet pour l'avenir du Cloud Gate Dance Theater ?

Monsieur Lin ne souhaite surtout pas que son style soit simplement reproduit. « Je ne veux pas que vous deveniez un musée », nous a-t-il confiés. Pour ma part, je crois en un changement évolutif et naturel. Étant donné que la compagnie est profondément enracinée dans la tradition, j'espère que les danseurs conserveront tous les éléments issus de l’héritage de notre compagnie, mais tout en apprenant à se réinventer. Avec le temps, les éléments « neufs » et « anciens » vont communiquer réciproquement, donnant naissance à de nouvelles créations. L’avenir du Cloud Gate suscite l’intérêt de tous, y compris de la jeune génération. Comment comprendre les éléments traditionnels ? Comment les appliquer pour inventer de nouvelles choses ? La mission de notre génération est d’explorer ces questions ensemble.   

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

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