Que pensez-vous de la visite du président chinois Xi Jinping en France et qu'attendez-vous du développement des relations sino-françaises ?

La visite du Président Xi en France est un honneur pour la France et une très bonne nouvelle pour le monde.

En cette année du 60^e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, voulu par la conscience, juste et éclairée, du Général De Gaulle, la présence du Président Xi à Paris exprime la reconnaissance d’un lien privilégié entre nos deux pays.

Depuis presque 20 ans, alors que je vais très souvent en Chine, et que j’ai noué des relations amicales et professionnelles avec de nombreux artistes de ce grand pays, je suis convaincu que nous avons entre les artistes de Chine et de France, une mission pour comprendre et renouveler les arts, et donc la culture pour le monde. La Chine reste le grand pays de la peinture et la France devrait retrouver sa vocation.

Ce 60^e anniversaire, suivant l’astrologie chinoise, marque le début d’un nouveau cycle.  Je pourrais dire pour nos arts, l’année d’une renaissance.

Le développement des coopérations culturelles devra aider tous les autres partenariats aussi bien dans les domaines économiques que scientifiques et technologiques.

Je suis certain que la présence à Paris du Président Xi va contribuer à donner une nouvelle impulsion à tous nos échanges.

Que pensez-vous du rôle des contacts sino-français dans la « promotion des échanges culturels et de l'appréciation mutuelle des civilisations » ?

La France fut jusqu’à la deuxième guerre mondiale, le carrefour de la civilisation occidentale et européenne tandis que la Chine a toujours été le centre et l’inspiratrice de la grande civilisation asiatique. 

Nous avons ensemble à contribuer à mieux reconnaître nos deux grandes civilisations culturelles depuis la conscience spirituelle et la place de l’homme dans l’univers, jusqu’aux pratiques, artistiques et créatives, suivant trois axes : 

·       La confiance réciproque doit s’établir dans la bienveillance et la compréhension de nos différences. Ces différences sont une richesse incontestable, car les racines de nos cultures ne sont pas plantées dans les mêmes terres. 

·       Le respect. En effet, le dialogue entre nos deux civilisations doit se nourrir de tolérance pour ce que nous sommes aujourd’hui et pour nos traditions. 

·       La durée. Ces traditions sont, bien entendu, à percevoir dans la longue durée tout en garantissant une réelle créativité originale dans le temps présent.

Je veux penser que ces échanges seront une promesse de reconnaissance et une intelligence nouvelle afin de nous engager dans la civilisation mondiale qui doit rester, l’expression de la vraie diversité des grandes traditions culturelles.

En effet, il faut tenter d’éviter l’uniformisation d’une culture globalisée qui serait une source d’ennui pour toute l’humanité.

Quelle est, selon vous, la particularité de « l'esprit sino-français » (l'indépendance, la compréhension mutuelle, la prévoyance et le bénéfice mutuel et la coopération gagnant-gagnant) ? Comment approfondit-il les échanges humanistes entre les deux pays ?

La relation entre la France et la Chine a forgé un esprit particulier qui remonte au moins au XVII^e siècle. 

Il se compose d’un grand respect de nos différences car nos deux pays ont conscience d’avoir des identités originales bien définies. 

Chacun de nos deux pays s’établit dans le périmètre plus large de nos deux ensembles de civilisation. 

La France et la Chine, bien que ces deux pays ne soient pas du tout de la même dimension, se veulent forts de leur unité et de leur indépendance tout en cultivant une grande originalité de particularités territoriales. La Chine et la France ont toutes deux le goût de la réalité nationale tout en cultivant la diversité de leur peuple et de leur paysage, voire de leur cuisine.

D’ailleurs, de nombreux responsables chinois et de nombreux artistes sont venus en France pour s’imprégner de la culture européenne et dans l’autre sens, je suis heureux de ressentir tout ce que mes voyages en Chine me donnent pour ma présence au monde.

Je pense que la visite du Président Xi va permettre de poursuivre et de consolider le dialogue fécond entre nos deux pays. Car nos deux vieilles civilisations veulent œuvrer pour le « mieux vivre » de l’humanité, partager les savoirs scientifiques et techniques, échanger pour créer le meilleur, tout en préservant la nature et le sens de la continuité pour nos traditions culturelles.

Car la nature est un bien que les Chinois respectent naturellement. Il s’agit simplement d’une espèce de politesse qui vient de la nuit des temps.

Ce partage du bien commun entre la Chine et la France ne peut que créer, entre nous, une reconnaissance réciproque et nous pouvons agir ensemble, comme deux jambes, qui marchent vers un désir commun d’harmonie et de justes rapports entre les choses et entre les êtres. 

Je souhaiterais développer d’ailleurs un dialogue entre le jardin à la Française et le jardin Chinois, car ces deux oeuvres limitées, de nature cultivée, représentent bien, l’un et l’autre, la spécificité de nos deux philosophies du monde.

De ces différences bien identifiées, nous pourrions développer pour les arts, des réflexions et des échanges qui permettraient d’approfondir notre dialogue humaniste. Car je peux dire pour terminer que nous avons bien, comme but, d’améliorer la vie humaine et de permettre que cette amélioration soit la plus harmonieuse possible pour chacun et pour tous.

Site web de l'artiste. DR.

Rémy Aron est diplômé des Beaux-Arts de Paris en 1972. Il est Professeur de peinture et de gravure aux Ateliers des Beaux-Arts de la ville de Paris ainsi que Président de l'Association Française des Arts Plastiques.

Photo : Musée d’art de Pudong, Chine / Unsplash