« Loong » ou « dragon » : la traduction controversée du symbole de la culture chinoise

1717665198620 China News Shi Yuanfeng, Wen Longjie

Tous les ans, au début et en fin d’année, la culture chinoise est mise à l’honneur et les signes astrologiques sont un sujet de conversation récurrent, tant en Chine qu’à l’étranger. Cette année est placée sous le signe du « dragon ». Figure incontestée de la culture chinoise, il attire plus que les autres signes l’attention du monde entier. Néanmoins, « sa portée internationale » fait de sa traduction un sujet de discussion brûlant.

Comment la traduction « dragon » a-t-elle eu lieu ?

Bien que la traduction du caractère 龙 (« long ») par « dragon » soit aujourd’hui très répandue, elle a toujours été l’objet de controverses. En 1882, le pasteur américain qui travaillait en Chine J.E. Walker a écrit dans l’article « Pagoda, Loong and Foong-Shooy » que la traduction du caractère « long » était biaisée. À l’inverse, en 1987, le traducteur chinois Lü Binghong a expliqué dans un article que le caractère « long » ne pouvait pas être traduit par « dragon ». Aujourd’hui encore, nous nous interrogeons sur la nécessité ou non de traduire 龙 par « loong » (« dragon oriental », en français).

La traduction du caractère 龙 par « loong » ne date pas d’hier. D’après les recherches des spécialistes en la matière, la traduction idéographique et la traduction phonétique du caractère « 龙 » existaient déjà au XIIIe siècle, mais au cours du processus de diffusion, c’est la traduction « dragon » qui s’est imposée.

En Europe, en Amérique, en Australie, en Afrique, en Russie et au Moyen-Orient, le dragon est le symbole du mal. C’est aussi le plus grand démon de la Bible, complètement à l’opposé de l’image positive du dragon chinois. En Chine et dans de nombreux autres pays influencés par la culture chinoise, le « loong » est un animal puissant de bon augure. C’est un symbole de bienveillance et de force, qui contraste avec le « dragon » occidental, comme le rappelle le sinologue australien Colin Mackerras. 

En termes de connotations culturelles, la traduction de « 龙 » par « dragon » peut induire le grand public en erreur et nuire au dragon chinois. Cependant, ce n’est pas parce qu’un nom ne correspond pas à la réalité qu’il ne peut pas se propager. D’une part, cela est dû au fait que la langue chinoise utilise des idéogrammes, qui diffèrent de la plupart des écritures phonétiques du monde dans la traduction des noms propres et qui offrent une grande marge de tolérance à l’égard de la traduction libre. D’autre part, les échanges entre l’Orient et l’Occident étaient peu nombreux et superficiels à cette époque. L’« isolement » des uns et des autres a fait que la connaissance de la Chine par le monde anglophone s’est inévitablement réduite à des « biais subjectifs » nés de l’imagination. 

Street art dans le « quartier chinois » de Buenos Aires (Argentine)

Pourquoi la traduction « loong » refait-elle surface aujourd’hui ?

Aujourd’hui, l’influence de la Chine sur la scène internationale ne cesse de croître et les échanges entre l’Orient et l’Occident se multiplient, de sorte que la compréhension précise des cultures orientales et occidentales est devenue une tendance générale. À mesure que le fossé se réduit, les « erreurs », les « subjectivités » et les « biais » de traduction disparaissent.

Aujourd’hui, le monde a une nouvelle perception de la Chine et de sa culture. Sur cette base, les étrangers espèrent avoir une compréhension et une conscience plus approfondies et plus larges et voir naturellement émerger une traduction « vraie » de la Chine et de sa culture. À l’heure actuelle, ceux qui prônent la traduction « vraie » ne défendent pas les idées d’un individu ou d’un groupe, mais la détermination de l’histoire. Ils ne préconisent pas un souhait unilatéral de l’Orient ou de l’Occident, mais une synthèse née d’une interaction mutuelle. 

La traduction « loong » permet d’explorer cette question. Ce mode de traduction phonétique a déjà donné lieu à des adaptations réussies, comme les mots « tai chi » (« taiji » en chinois), « yin-yang » (« yinyang » en chinois), « kung-fu » (« gongfu » en chinois), qui sont entrés dans la langue anglaise. Il en est de même avec les mots « baluoke » (« baroque » en anglais), « shalong » (« salon » en anglais) ou « mengtaiji » (« montage » en anglais), qui sont entrés dans la langue chinoise. La prononciation a précédé la sémantique. Même si le processus allant de la connaissance à l’utilisation du terme est plus long, ce type de traduction minimise les risques de malentendus.

Aujourd’hui, le terme « loong » est accepté et utilisé. Par exemple, le 9 janvier, lorsque CGTN a fait un reportage sur le « Défi de la danse du loong du Nouvel an », elle a parlé de l’« année du loong » et de « danse du loong ». Dans son reportage sur le Petit Nouvel an, CGTN a également utilisé l’expression « loong themed artwork » (« œuvres sur le thème du loong »).

Danse du dragon du Nouvel An chinoise sur les Champs Elysées à Paris, le 4 février 2024.

Dès lors, comment faut-il traduire le caractère  ?

La langue et la culture ne sont pas ni statiques, ni immuables, mais dynamiques, en croissance perpétuelle et vivantes. L’enrichissement et le développement passent par le mélange. Si les traductions « loong » et « dragon » étaient auparavant en concurrence, elles dégagent désormais une qualité potentielle d’harmonie. 

La signification et l’image du « dragon » en anglais moderne ont connu une évolution positive. Il a ainsi une signification positive de « chinese dragon » (« dragon chinois ») dans l’Oxford English Dictionary et une image positive dans le film d’animation américain Dragons des studios DreamWorks, avec le personnage de Krokmou. De même, le terme « loong » renvoie au « dragon chinois » dans certains dictionnaires et sur Wikipedia. 

Il convient de noter qu’il existe un rapport dialectique entre la traduction linguistique et la réalité objective de la communication. En effet, les erreurs de traduction influencent les échanges et la communication. C’est une bonne chose, mais il convient également de rappeler que des échanges de plus en plus fréquents permettront de combler le déficit d’informations et les erreurs culturelles et donc d’éliminer les biais de subjectivité et les erreurs de traduction. Peut-être qu’avec le temps il n’y aura plus de différence fondamentale entre les termes « loong » et « dragon », puisque les deux renverront à l’image et à la connotation positives du dragon chinois.

Aujourd’hui, le fait que la traduction anglaise du caractère 龙 intéresse et suscite des débats en Chine et à l’étranger prouve que les échanges et les interactions entre la Chine et les autres pays du monde sont entrés dans une nouvelle phase. À l’ère de la mondialisation, les échanges fréquents entre les différentes nations sont sans précédent. Le dialogue et l’apprentissage mutuel entre les différentes civilisations sont devenus une tendance historique. De ce point de vue, la traduction du caractère 龙 n’est qu’une introduction dans la traduction du grand article que compose la Chine. Peut-être débattrons-nous bientôt des traductions des termes « phénix », « licorne », « tortue », « oiseau vermillon »... Pour permettre au monde de traduire « vraiment » la Chine, l’effort que nous devons faire doit peut-être transcender la poésie.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut : lanternes géantes de dragon dévoilées lors du 37e Festival des lanternes du Nouvel An, en février 2024, à Xi'an (Shaanxi). / CNS

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