
Pourquoi les arts martiaux de Fujian et de Taïwan partagent-ils la même origine ?
Pourquoi les deux rives du détroit de Taïwan entretiennent-elles des relations si étroites ? Le professeur à l'Université de Xiamen, également directeur de l'Institut de recherche sur les arts martiaux du Fujian Nanqiang et arbitre international d'arts martiaux, Lin Jianhua a récemment accepté une interview exclusive avec China News afin d’apporter une réponse à cette question.
Quelle est l’origine historique des arts martiaux des deux côtés du détroit de Taïwan ?
Seul un bras de mer sépare le Fujian et Taïwan. Il y a plus de 1 700 ans, au cours de la période des Trois Royaumes (220-280), le roi Sun Quan du royaume de Wu ordonna au général Wei Wen à la tête de 10 000 soldats de traverser la mer jusqu'à Taïwan. Plus tard, en 586 sous la dynastie Sui, l'empereur Yang commanda à Chen Leng et Zhang Zhenzhou de conduire plus de 10 000 personnes pour traverser à nouveau la mer vers Taïwan. Au cours des dynasties Song, Yuan, Ming et Qing, des soldats et des habitants du continent sont entrés à grande échelle à Taïwan à plusieurs reprises pour récupérer des terres en friche et y vivre. Ce fut particulièrement le cas sous les dynasties Ming et Qing, où davantage d’habitants des villes de Zhangzhou et de Quanzhou dans la province du Fujian ont immigré à Taïwan pour créer des entreprises.
Pendant une longue période historique, Taïwan était sous la juridiction de Jinjiang une ville côtière de la préfecture de Quanzhou dans la province du Fujian. La culture, l'éducation, l'art, les techniques de production, les coutumes et les habitudes de cette province, y compris les arts martiaux, se sont progressivement et largement répandus à Taïwan. Le Fujian et Taïwan appartiennent à un espace culturel commun, ils sont étroitement liés et présentent en effet les caractéristiques d'une « longue relation historique, d'une étroite relation géographique, d'une relation de sang étroite, d'une profonde relation culturelle, d'un langage et d'arts martiaux communs, d’une étroite relation spirituelle et d'une large relation commerciale ».
Les arts martiaux traditionnels taïwanais sont essentiellement originaires du Fujian. Comment ont-ils été introduits à Taïwan ?
Au cours de son histoire, la Chine continentale a connu quatre relocalisations à grande échelle vers Taïwan.
La première s’est produite sous la dynastie Ming
pendant le règne de l’empereur Tianqi et celui de l’empereur Chongzhen. À cette
époque, le marin Yan Siqi, originaire de la ville de Haicheng dans le Fujian, a
conduit une armada de 13 navires vers Taïwan accompagné d’autres marins tels
que Chen Zhongji également natif de Haicheng, Zheng Zhilong originaire de
Nan'an et Li Junchen de Nankin. Après avoir accosté avec leurs hommes à Bengang
(aujourd'hui Beigang), ils ont recruté plus de 3 000 jeunes adultes de
Zhangzhou et de Quanzhou pour se lancer dans la pêche, l’agriculture et le
commerce maritime à Taïwan.
La deuxième relocalisation eut lieu entre la 18e année de Shunzhi et la période Yongzheng de la dynastie Qing. Le général Zheng Chenggong, également connu sous le nom de Koxinga, a conduit 100 000 soldats pour regagner Taïwan et établir un pouvoir politique. La plupart de ses officiers et soldats étaient des soldats originaires des villes de Zhangzhou et de Quanzhou. Nombre d’entre eux sont restés à Taïwan pour y faire des travaux de réhabilitation et de construction, la majorité avaient amené les membres de leur famille depuis le continent à Taïwan pour s'y installer.
La troisième relocalisation est survenue à la fin de la dynastie Qing, dont le gouvernement avait ouvert successivement les ports de Quanzhou, Fuzhou et bien d'autres à la navigation avec Taïwan. Ainsi, les résidents des zones côtières du Fujian continuèrent à se rendre à Taïwan, sur la presque entièreté de l'île. Pendant plus de deux cents ans, au cours desquels la dynastie Qing a gouverné Taïwan, plus de 500 000 personnes ont immigré depuis Zhangzhou à Taïwan. Alors que la culture du Fujian a été introduite à Taïwan en grande quantité, les compétences de combat militaire et les arts martiaux populaires de diverses écoles se sont également continuellement répandus dans diverses régions de Taïwan, en particulier dans le centre et le sud de l’île.
Enfin, la quatrième relocalisation est survenue en 1949 lorsque le Kuomintang s’est retiré à Taïwan, introduisant par là même la culture traditionnelle de la Chine continentale, notamment celle des arts martiaux militaires et civils.
De cette observation historique apparaissent trois canaux principaux quant à l'introduction des arts martiaux à Taïwan depuis le Fujian. Premièrement, à travers la guerre, les officiers militaires y ont propagé et développé les arts martiaux militaires. Deuxièmement, grâce aux échanges d’arts martiaux civils, les maîtres des arts martiaux du continent ont diffusé les arts martiaux de différentes écoles à Taïwan. Troisièmement, les activités politiques et militaires des sociétés secrètes ont permis la diffusion et le développement des arts martiaux à Taïwan.
Aujourd'hui, nombre de ces arts martiaux tels que le Taizu Quan, le Luohan Quan, le He Quan, le Dantou Gun, le Songjiang Zhen, sont largement pratiqués parmi les Taïwanais. Ils conservent encore les caractéristiques et le charme des techniques traditionnelles de Zhangzhou et de Quanzhou où ils puisent leurs racines.
Prenons l'exemple du Songjiang Zhen. Il s'agit d'une activité populaire traditionnelle culturelle et sportive qui intègre les arts martiaux, les formations tactiques et les arts du spectacle. Cet art martial, dont l’expression à la fois majestueuse, magnifique et puissante, est principalement répandu dans le sud du Fujian et dans plusieurs zones de Taïwan dont les villes de Tainan, Kaohsiung et Kinmen.
Selon la légende, le Songjiang Zhen trouve son origine au sein des formations d'arts martiaux de l'infanterie militaire et de l'entraînement des régiments ruraux en usage pendant la lutte anti-japonaise sous la dynastie Ming. Elle a été popularisée pendant la lutte anti-Qing menée par Zheng Chenggong à la fin des dynasties Ming et au début des Qing. Elle a pris racine dans le sud du Fujian et a progressivement formé une culture populaire unique avec les caractéristiques du Fujian et de Taïwan.
Le Songjiang Zhen a été introduite à Taïwan par Zheng Chenggong à la fin des dynasties Ming et au début des Qing. De nos jours, on peut encore fréquemment en voir les performances dans les activités folkloriques du sud du Fujian et de Taïwan. C’est le cas du Festival de culture populaire du Songjiang Zhen Fujian-Taïwan, qui se tient en continu depuis 2015. Celui-ci favorise les échanges entre les deux rives du détroit de Taïwan et permet au Songjiang Zhen de se transmettre de génération en génération des deux côtés du détroit de Taïwan.
Quelle est la situation des échanges culturels d’arts martiaux puisque les échanges à travers le détroit sont ouverts depuis plus de 30 ans ?
Après la réforme et l'ouverture, au fur et à mesure que l'environnement politique s'est détendu, les échanges culturels relatifs aux arts martiaux à travers le détroit se sont de plus en plus renforcés et approfondis.
En octobre 1989, un groupe d'échange culturel d'arts martiaux de plus de 50 personnes dirigées par Huang Shande, une célébrité du cercle des arts martiaux taïwanais et président du groupe Wuyuan, est venu à Xiamen pour participer à la « Coupe pétrochimique » des arts martiaux trans-détroit. Tournoi sur invitation d'observation des arts et discussions avec des enseignants et des étudiants du cercle d'arts martiaux de Xiamen et du premier match d'échange de l'Université Jimei. Les membres du groupe d'échange viennent principalement de Taipei, Taichung, Tainan et d'autres endroits, notamment des gens du monde des affaires, de l'entreprise, de la culture et de l'éducation. Cet échange a ouvert la porte fermée aux échanges d’arts martiaux entre les deux rives du détroit.
Par la suite, des échanges directs ont débuté entre les cercles d'arts martiaux et de sports du détroit de Taïwan. Les compétitions d'arts martiaux traditionnels et les échanges universitaires entre le Fujian et Taïwan sont devenus de plus en plus fréquents. Ainsi, au Fujian, des activités d'échange ont fréquemment été organisées telles que le concours de combat Fujian-Taïwan Sanda, le concours d'échange d'arts martiaux traditionnels Fujian-Taïwan Shaolin et le forum universitaire sur les arts martiaux chinois et les soins de santé de la région du détroit de Fujian.
Lors de la Fête du Printemps en 2006, la délégation provinciale des arts martiaux du Fujian s'est rendue à Tainan, à Taïwan où elle a fait la démonstration des « dix-huit arts martiaux » avec ses homologues taïwanais à travers une interprétation conjointe des Maîtres d'arts martiaux du détroit. En février 2007, le professeur et expert taïwanais des pratiques sportives populaires Wang Jiantai s'est rendu à l'Université Jimei de la ville de Xiamen pour donner des conférences et participer à des échanges à ce sujet. Il a discuté des origines historiques de la forme populaire taïwanaise Songjiang Zhen, du renforcement de son intégration, des attentes nourries d’impatience des perspectives de développement des sports populaires à travers le détroit. Depuis 2007, la ville de Zhangzhou dans la province du Fujian a accueilli à 15 reprises dans le district de Longwen la « Pratique des maîtres d'arts martiaux chinois à travers le détroit ». Cet événement est devenu une plateforme importante pour les échanges culturels entre les arts martiaux du Fujian et de Taïwan.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
Commentaires