[C-drama] La comédie bucolique « To the wonder » : un appel vers l'ailleurs

1724158135534 Chine-info Hu Wenyan

Inspirés plus qu'adaptés des essais autobiographiques de l'écrivaine chinoise Li Juan, les huit épisodes pleins de douceur nous plongent au cœur de la vie des Kazakhs à Altay, dans le Xinjiang, à travers les yeux d'une jeune femme han. Une série douce-amère mais époustouflante, entre comédie romantique, road movie et récit initiatique.

À 19 ans, Li Wenxiu (Zhou Yiran), d’origine han et née dans un petit village à Altay, part pour Urumqi, chef-lieu du Xinjiang. Elle y enchaîne les petits boulots, tout en caressant le rêve de devenir écrivaine. Maladroite et un brin solitaire, la jeune femme, une sorte d’alter ego de Li Juan, peine à trouver sa place et s'interroge sur son avenir. Renvoyée ensuite par le restaurant où elle a travaillé en tant que serveuse, l’aspirante écrivaine se voit forcée de retourner chez sa mère, Zhang Fengxia (Ma Yili), une veuve dégourdie qui tient un petit bazar en pleine steppe dans un village kazakh d'Altay. Presque malgré elle, l'héroïne finit par mettre en pratique les conseils donnés par un éditeur littéraire : « aimer, vivre et souffrir », pour réaliser son rêve de devenir écrivaine.


Avec quelques clins d'œil à Virginia Woolf subtilement disséminés, ce récit d’apprentissage constitue le fil conducteur qui nous emmène dans un voyage à la fois familier et dépaysant. Familier, car la série aborde, de manière légère et détachée, des thèmes universels, comme la famille, la recherche d’identité ainsi que les relations hommes-femmes. Son côté dépaysant réside sans doute dans le décor majestueux, planté au cœur de la nature sauvage et brute, ainsi que dans la vie nomade des kazakhs vivant à Altay. Les paysages épiques alternent avec la trivialité du quotidien, créant une ambiance immersive et hybride où cohabitent mélancolie et humour, réalisme et poésie. 

La réussite de To the wonder tient justement au temps long consacré à planter le décor et établir les jalons des intrigues, permettant ainsi de mieux mettre en avant ses personnages complexes et nuancés. Pour façonner une narration souvent spontanée dans les écrits de Li Juan, qui inspirent la série, la réalisatrice Teng Congcong prend soin de construire une trame narrative, en mettant en parallèle la famille han de Li Wenxiu et celle de Batay (Yu Shi) - un jeune kazakah dont Wenxiu est secrètement amoureuse -, et parvient à créer une tension dramatique. Au cours d'un long périple à travers les steppes, les deux familles se côtoient, s'entrecroisent et s'entrechoquent, tandis que les relations entre Wenxiu et Batay évoluent petit à petit. Au fil des épisodes ponctués de gags et d'embrouilles, les contours de deux portraits de famille se dessinent.


La famille de Wenxiu est composée de trois femmes atypiques issues de trois générations : une grand-mère amnésique et fan des films d’arts-martiaux, une mère « commère », débrouillarde mais conciliante et une fille en pleine quête de soi. Un trio savoureux et haut en couleur. Elles créent parfois des contrastes avec leurs voisins kazakhs, mais sont capables de se fondre délicatement dans le décor, offrant un portrait précieux des familles han vivant dans la région. De son côté, la famille de Batay traverse une crise existentielle lorsque la belle-sœur de Batay défie les traditions kazakhes en voulant se remarier après la mort de son mari. Les intrigues parallèles se révèlent tout aussi prenantes, notamment celle centrée sur Sultan (Alimjan Tursenbek), le père de Batay, un chasseur virtuose et fervant défenseur du mode de vie traditionnel des kazakhs. Rongé par la nostalgie, il finit par laisser s’émanciper son fils et sa belle-fille. Un autre personnage marquant est Gao Xiaoliang (Jiang Qiming), un outsider prédateur au cœur des réflexions sur la délicate équation entre tradition et modernité.


Au-delà d’une série contemplative et « feel good », To the wonder, en compétition au festival international des Séries de Cannes en 2024, interroge la place des femmes au sein de la famille, d’un peuple, et de la société. Dans le sillage de son premier long-métrage Send me to the clouds (2019), la jeune réalisatrice de 39 ans continue d’explorer la veine de l’humour sous un regard féminin. La série révèle d’ailleurs une actrice remarquable : Ma Yili, convaincante avec un mandarin chantant teinté de l'accent du Xinjiang, qui campe une mère chinoise atypique sur le petit écran. Éminemment solaire et indépendante, ce personnage féminin complexe ne se contente pas d'être une mère célibataire disponible, mais affirme également sa propre identité et ses aspirations.



To the wonder 我的阿勒泰
Genre : comédie
Diffusion : mai 2024
Production : iQiyi
Nombre d'épisodes : 8
Réalisé par Teng Congcong
Avec Ma Yili, Zhou Yiran, Yu Shi, Jiang Qiming, Alimjan Tursenbek...


Photos : iQiyi


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