
« La Maison de thé » de Lao She, un héritage vivant qui traverse les frontières
À l’occasion du 125e anniversaire du dramaturge chinois Lao She, Liu Lin, chercheuse au Musée du Théâtre artistique du Peuple de Pékin, nous éclaire sur l’héritage de cet écrivain emblématique, dont l’œuvre a non seulement façonné l’identité du Théâtre artistique du Peuple de Pékin, mais a également fait rayonner le théâtre chinois sur la scène internationale.
La Maison de thé, chef-d'œuvre de l'écrivain Lao She (1899-1966), est à nouveau à l'affiche du Théâtre artistique du Peuple de Pékin pour célébrer le 125e anniversaire du dramaturge chinois. Mise en scène pour la première fois en 1958 par le Théâtre de la Capitale, cette pièce emblématique du théâtre moderne chinois n'a cessé d'être jouée sur les planches du Théâtre artistique du Peuple de Pékin depuis près de six décennies. Plus qu'une simple pièce de théâtre, La Maison de thé, très populaire, est devenue au fil du temps un véritable phénomène culturel. Considérée comme « un miracle de la scène orientale » par des médias occidentaux, elle rayonne également au-delà des frontières chinoises. Comment expliquer la longévité de cette œuvre ? Comment a-t-elle conquis le cœur des spectateurs étrangers ? Entretien avec Liu Lin, chercheuse au Musée du théâtre, rattaché au Théâtre artistique du Peuple de Pékin.
Le Théâtre artistique du Peuple de Pékin doit son nom à ses liens étroits avec Guo Moruo, Lao She et Cao Yu, trois grandes figures du théâtre chinois. Quel est l'héritage artistique de Lao She pour votre théâtre ?
Né d'un milieu populaire, Lao She puisait son inspiration dans la vie quotidienne, offrant ainsi au théâtre une vision réaliste et touchante de la société. Son style inimitable, alliant humour et profondeur, a enrichi le répertoire de notre compagnie. Ses personnages, souvent issus des classes populaires, sont devenus des archétypes du théâtre chinois, offrant aux acteurs une palette d'émotions et de nuances à explorer. Au-delà de son style, c'est l'humanisme de Lao She qui continue de nous inspirer. Son théâtre, profondément ancré dans la réalité sociale, nous invite à questionner notre monde et à chercher du sens dans nos créations. Aujourd'hui encore, nous nous nourrissons de son héritage pour créer des spectacles qui résonnent auprès du public et qui contribuent à faire vivre le théâtre chinois.
Quels sont les objets conservés au Musée du Théâtre artistique du peuple de Pékin qui témoignent des coulisses de création de Lao She ?
Notre musée conserve de nombreux objets témoignant de l'étroite collaboration de Lao She avec notre troupe. Parmi eux, un manuscrit orné d'un dessin original de l'auteur retient particulièrement l'attention. Alors qu'il travaillait sur sa pièce Longxugou, Lao She a débattu avec le metteur en scène du design de l'uniforme du policier Liu. Il a ensuite esquissé plusieurs modèles de badges de police, que sa femme a apportés à l'équipe de création. Notre musée conserve également un manuscrit de Lao She sur les fluctuations monétaires à la veille de la fondation de la République populaire de Chine. Cette étude détaillée, qui ouvre la voie à la pièce Longxugou, décrit avec précision la crise économique de 1948 et le chaos monétaire qui en a résulté. Ces deux manuscrits illustrent à merveille l'attention méticuleuse que Lao She portait à la mise en scène de ses œuvres et son souci d'ancrer ses pièces dans une réalité historique tangible.
La Maison de thé, en tournée dans plusieurs pays européens en 1980, est la première pièce de théâtre chinoise à être montée sur la scène internationale. Dans quelle mesure cet événement a-t-il renforcé les échanges entre les théâtres chinois et étrangers ?
En 1979, le Théâtre artistique du Peuple de Pékin a réintégré La Maison de thé dans sa programmation, suscitant un véritable engouement auprès du public. De nombreux spectateurs étrangers furent impressionnés par la maîtrise artistique du théâtre chinois. Grâce à Uwe Kraeuter, entrepreneur allemand passionné par la culture chinoise, ainsi qu’à son père, le Théâtre artistique du Peuple de Pékin a été invité à participer aux célébrations du 200e anniversaire de la fondation du Théâtre national de Mannheim, l'une des plus prestigieuses scènes d'Allemagne.
Durant 50 jours, de septembre à octobre 1980, les acteurs ont sillonné l'Allemagne, la France et la Suisse, offrant 25 représentations de La Maison de thé dans 15 villes. Le public européen a été conquis par cette œuvre, saluée par la critique comme « parfaite, exquise et incomparable ». Le succès international de La Maison de thé s'explique par plusieurs facteurs. Tout d'abord, son réalisme et son approche holistique de la création ont séduit un public occidental en quête d'authenticité. Ensuite, en abordant des thèmes universels sous un angle chinois, la pièce a créé un pont entre les cultures. À une époque où le théâtre occidental était dominé par des courants anti-réalistes, La Maison de thé a offert un contrepoint bienvenu, rappelant l'importance du récit et de la représentation de la réalité. La tournée européenne de la pièce a ainsi contribué à revitaliser l'intérêt pour le théâtre réaliste en Occident.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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