Entretien avec Tran Anh Hung : le cinéma comme langage universel

1731406642088 China News Wang Ji

Dans cette interview accordée à China News, le réalisateur franco-vietnamien Tran Anh Hung, connu pour des films tels que L'Odeur de la papaye verte et La Passion de Dodin Bouffant, nous livre sa vision du cinéma, dont l'essence réside dans sa capacité à susciter des émotions et à créer une expérience esthétique unique.


Tran Anh Hung, réalisateur franco-vietnamien, a récemment présidé le Festival international du film de Shanghai, qui s'est tenu du 14 au 23 juin 2024. De L'Odeur de la papaye verte (1993) à La Passion de Dodin Bouffant, en passant par Cyclo, ses œuvres marient à merveille les subtilités des cultures orientales et occidentales. En 2023, il a remporté le Prix de la mise en scène lors du 76e Festival de Cannes pour son film La Passion de Dodin Bouffant, lequel a été sélectionné pour représenter la France aux Oscars. Comment le cinéma parvient-il à faire écho au-delà des frontières culturelles ? Quels sont les ingrédients nécessaires pour réaliser un bon film ? Dans un entretien avec China News, Tran Anh Hung revient sur son parcours, ses inspirations et les défis du cinéma contemporain.

Né au Vietnam et installé en France à l'âge de 12 ans, dans quelle mesure votre double culture franco-vietnamienne joue-t-elle un rôle dans votre création cinématographique ?


Bien que l'environnement multiculturel français m'ait exposé à une multitude d'influences, mes racines vietnamiennes, forgées durant mes premières années, constituent le socle de mon univers sensible. Cette double appartenance se traduit dans mon cinéma par une attention particulière aux détails, une recherche de l'esthétique et une volonté de créer des mondes à part, où le temps semble suspendu. C'est une manière de rendre hommage à la beauté, à la fois orientale et universelle, et de partager avec le public une vision du monde plus lente, plus attentive.

La Passion de Dodin Bouffant, votre dernier film sorti l’année dernière, a été sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes et vous avez remporté le prix du meilleur réalisateur. Quelle est la recette du succès de ce film ?


La cuisine, étroitement liée au plaisir, est très importante pour moi. Dans la création de La Passion de Dodin Bouffant, un film sur la gastronomie française, j’ai essayé de respecter la culture française. Il y a une scène dans laquelle plusieurs convives, la tête couverte de tissu, dînent autour de la table. C’est en fait une tradition du sud-ouest de la France où l’on pense que se couvrir permet de mieux sentir les arômes des plats. Il n’y a qu’une seule scène où je me suis inspiré de la cuisine vietnamienne. En France, on brûle les pieds de poule pour retirer leur peau, mais cela n’est pas très esthétique à l’écran. Après avoir échangé avec des chefs, j’ai donc décidé d’adopter la méthode vietnamienne : les plonger dans de l’eau chaude pour enlever la peau.

C’est aussi un film d'histoire d'amour sur deux « âmes sœurs ». Cette « composition secrète » apporte une dimension particulière à l’histoire. L’héroïne incarne tout ce que le héros recherche, que ce soit dans la gastronomie ou dans le désir. Je n’ai jamais montré explicitement qu’ils ont fondé une famille, mais les spectateurs peuvent ressentir la profondeur de leurs sentiments.

Quelle est la tendance cinématographique à l’échelle internationale ?

Le cinéma est un langage universel. Les cinéastes doivent le maîtriser pour transmettre des messages au reste du monde. Une histoire profondément humaine qui se déroule dans un pays peut résonner puissamment auprès d'un public totalement différent dans un autre pays. Les liens entre les peuples se créent naturellement. Nous vivons dans un même monde, avec des moyens qui nous permettent d'entrer en contact avec diverses cultures, et il est essentiel d'avoir un esprit ouvert pour appréhender ce monde. Les cinéastes doivent saisir l'essence du langage cinématographique pour créer de véritables chefs-d'œuvre.

Il se passe de nombreuses choses importantes à travers le monde. Par conséquent, les festivals internationaux privilégient souvent le thème dans leur sélection de films, parfois au détriment de la qualité cinématographique. Cette tendance m'inquiète, car le cinéma ne se limite pas à raconter une histoire : il doit susciter une résonance émotionnelle chez le public pour atteindre une forme de sublimation artistique. C’est là toute la magie du cinéma, en laquelle je crois profondément.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

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