Christine Cayol :« les jeunes artistes émergents français et chinois constituent la colonne vertébrale de la création culturelle de demain »

1733916065185 China News Xiao Yudi, Guan Yilun

L’écrivaine et philosophe française Christine Cayol vit en Chine depuis plus de vingt ans et participe activement aux échanges artistiques et culturels sino-français. À l’occasion du Forum culturel de Pékin 2024, elle a accordé une interview exclusive à China News et partagé son point de vue sur les échanges culturels, ainsi que sur l’importance de l’art et de la culture.

Quelle est votre compréhension de la culture et des œuvres culturelles ?

Le fondement de la civilisation humaine est le besoin de création, de transmission et de beauté. C’est ce qu’on appelle la culture. La culture est libre. Elle permet aux gens de se découvrir, de se questionner de manière pacifique et d’avoir un impact les uns sur les autres.

En ce qui concerne les œuvres culturelles, je voudrais emprunter l’idée du philosophe français François Ricœur selon laquelle nous ne pouvons nous comprendre que de manière détournée à travers les symboles humains qui subsistent dans les œuvres culturelles. Les chefs-d’œuvres que sont Notre-Dame de Paris, le temple du Ciel, la pyramide de Khéops, le Taj Mahal, La Joconde, La Fête de Qingming au bord de la rivière ou Le Rêve dans le pavillon rouge n’ont pas été créés selon des considérations plus économiques que techniques. Même si des enjeux économiques et techniques sont rapidement apparus dans la création, ils n’étaient pas fondamentaux. En effet, ces chefs-d’œuvres ne répondaient pas aux questions « Combien cela va-t-il rapporter ? » ou « Quel est le retour sur investissement ? » et pourtant, leur valeur est inestimable. 

Les artistes et les œuvres d’art contribuent au développement de notre civilisation et il est nécessaire de les soutenir. Lorsque nous accueillons des artistes chinois en France ou des artistes français en Chine, nous n’exigeons rien en retour, mais nous leur fournissons un espace et une parenthèse temporelle au sein desquels ils peuvent nourrir leur inspiration et leur créativité. 

Vous avez fondé l’association Yishu 8. Quel rôle pensez-vous que cette plateforme peut jouer dans les échanges artistiques entre la Chine et la France ? Quel rôle joue l’art dans les relations sino-françaises ?


J’ai toujours rêvé de créer une plateforme artistique et culturelle capable de relier la France et la Chine. En 2009, j’ai fondé l’espace artistique Yishu 8 qui invite de jeunes artistes chinois en France et de jeunes artistes français en Chine, contribuant ainsi à la promotion du dialogue et des échanges ouverts entre les artistes français et chinois. 

Nous espérons que les artistes français pourront vivre en Chine pendant deux ou trois mois, faire du vélo à Pékin et manger des brochettes d’agneau dans les hutongs, afin qu’ils développent leurs propres sentiments à l’égard de la Chine au lieu de la découvrir dans les livres. Bien entendu, ces échanges sont bilatéraux et nous invitons également de jeunes artistes chinois en France pour qu’ils découvrent la véritable culture française. 


Je pense que les artistes rendent possible un dialogue pacifique et émotionnel entre les civilisations. Nous avons par exemple invité deux artistes chinois, Huang Xiaoliang et Cai Yaling, à exposer leurs œuvres dans les vitrines des Galeries Lafayette de Paris. L’œuvre de Cai Yaling The Resonance Between Our Essences rend hommage à l’artiste d’avant-garde chinoise du XXe siècle Pan Yuliang. Grâce à des rideaux de perles de cristal, elle présente de manière vivante le portrait de Pan Yuliang, qui, comme elle, est venue en France au sein d’un échange artistique au XXe siècle. Aujourd’hui, nous devons continuer à écrire la longue histoire des échanges artistiques et culturels entre la France et la Chine.

C’est grâce à de tels échanges que la France et la Chine peuvent mieux comprendre leurs pensées et cultures respectives. À l’avenir, j’espère que nous pourrons offrir aux jeunes artistes émergents français et chinois un accès facile à notre plateforme d’échanges, car ils constituent la colonne vertébrale de la création culturelle de demain.


Les 33e Jeux olympiques d’été ont eu lieu à Paris en juillet et août. Selon vous, quel rôle joue la culture du sport dans les échanges culturels entre la Chine et la France ?

En choisissant d’utiliser la ville comme décor, la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris nous a donné l’opportunité de puiser dans l’histoire et de nous en servir. Aujourd’hui, nous comprenons mieux les trésors hérités du passé comme Notre-Dame de Paris, la Seine ou le Louvre et nous les réinventons.

Ce qui me semble particulièrement délicat et subtil, c’est que les Jeux olympiques permettent non seulement aux individus de faire une certaine démonstration de leurs compétences personnelles, mais aussi et surtout, ils permettent aux peuples d’éprouver un sens de l’honneur et de cohésion de groupe qui nous lient et nous unissent les uns aux autres. Pendant la compétition, nous visons à obtenir des résultats, certes, mais ce processus génère une sorte d’émotion entre les équipes, qui tisse ensuite un lien émotionnel entre les peuples.

Prenons l’exemple du football. Que l’équipe adverse ait une nationalité, une langue, des croyances ou des pensées différentes ou similaires aux nôtres, nous pouvons malgré tout communiquer et générer un lien émotionnel. Je trouve cela merveilleux.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.


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