La fête du Printemps entre dans l’histoire mondiale
Le 4 décembre 2024, à Asuncion, au Paraguay, la 19e session du comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO a inscrit le Nouvel An chinois, également appelé fête du Printemps, sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette reconnaissance, fruit d’un travail de plusieurs années mené par la Chine, consacre l’une des plus anciennes célébrations de la culture chinoise.
Initiée officiellement en 2022 par le ministère chinois de la Culture et du Tourisme chinois, la démarche visait à démontrer que cette fête dépasse le simple cadre national pour devenir un trésor de l’humanité. À travers des pratiques sociales, des rituels, des coutumes artisanales et des festivités, la fête du Printemps incarne l’harmonie entre les hommes, leurs familles et la nature. Ce classement souligne la richesse d’une tradition qui relie générations et cultures, tout en répondant aux critères rigoureux de l’UNESCO.
Une tradition ancestrale, un symbole mondial.
Le Nouvel An chinois est célébré de Xiaonian (la « petite veille », se tenant généralement le 23e jour du 12e mois lunaire) jusqu’à la fête des Lanternes (au 15e jour du 1er mois lunaire), marquant la transition de l’ancienne à la nouvelle année. Durant cette période, les pratiques culturelles s’enchaînent : estampes traditionnelles, danses du lion, marchés aux fleurs ou découpes de papier, autant de symboles porteurs d’un message de chance, de bonheur et d’harmonie.
© Jiang Hua/Xinhua
Feng Jicai, écrivain renommé et président du comité d’experts du patrimoine immatériel national, a été l’une des figures de proue de cette reconnaissance. Depuis plus de 30 ans, il œuvre à la préservation du Nouvel An chinois. « Le Nouvel An chinois est une création culturelle majeure qui reflète nos valeurs et notre lien à la nature. Son inscription au patrimoine mondial aide à renforcer notre confiance culturelle et à promouvoir cette tradition auprès du monde entier », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Parmi ses initiatives majeures, Feng Jicai, aujourd’hui âgé de 82 ans, a proposé le retour du jour férié pour la veille du Nouvel An et supervisé une décennie de recherches sur les estampes traditionnelles du Nouvel An, créant une base de données nationale et un centre d’études dédiés.
La candidature chinoise s’est appuyée sur une démarche collective et rigoureuse. L’un des critères clés de l’UNESCO, la participation des communautés locales, a demandé une collecte minutieuse d’exemples représentatifs, écartant les initiatives strictement institutionnelles pour privilégier les traditions vivantes, partagées par les familles et les villages.
Le processus a également permis de mettre en lumière des pratiques spécifiques, souvent méconnues, et de les relier au cadre plus large du Nouvel An chinois. Zhu Gang, chercheur à l’Institut de littérature ethnique de l’Académie chinoise des sciences sociales et secrétaire adjoint de l’Association chinoise de folklore, souligne que chaque coutume, prise individuellement, constitue un projet du patrimoine immatériel. Le Nouvel An chinois, en les unifiant, devient une vitrine mondiale de cette diversité culturelle.
Une reconnaissance universelle
Symbole de renouveau, de famille et d’unité, la fête du Printemps dépasse depuis longtemps les frontières chinoises. Aujourd’hui, près de 20 pays l’ont reconnue comme jour férié officiel, tandis que ses célébrations s’étendent à près de 200 pays à travers le monde. Son inscription à l’UNESCO vient couronner un rayonnement culturel qui fait du Nouvel An chinois un véritable événement mondial, ancré dans le présent et porteur d’une tradition millénaire.
© Xinhua
C’est un travail de titan qui a mené à l’inscription de la fête du Printemps au patrimoine mondial. Le ministère chinois de la Culture et du Tourisme a rassemblé des milliers de documents issus des provinces, avant de les trier minutieusement pour répondre aux exigences spécifiques de l’UNESCO. Zhu Gang, membre de l’équipe de candidature, explique au journal Southern Weekly : « Il ne s’agit pas seulement de préserver des traditions : il faut démontrer leur pertinence pour le développement durable, l’économie ou encore la santé humaine. »
Le dossier, validé sous le titre « La fête du Printemps – pratiques sociales célébrant le Nouvel An traditionnel chinois », souligne que cette période ne se limite pas à un jour unique, mais s’étend de la fête de Laba (8e jour du 12e mois lunaire, où l’on mange traditionnellement du porridge) jusqu’à la fête des Lanternes. Xiao Fang, directeur du département d’anthropologie de l’Université normale de Pékin, décrit au Southern Weekly cette tradition comme une pratique sociale structurée en trois étapes : « La fin de l’année est le moment où l’on fait ses adieux à l’ancien cycle, puis vient la réunion familiale au Nouvel An, et enfin les célébrations à proprement parler, avec leurs vœux, décorations et spectacles populaires. »
Ces coutumes, telles que les décorations de fenêtres, les estampes du Nouvel An ou encore les processions, ne sont pas des symboles figés dans le passé : elles évoluent, tout en conservant leur fonction sociale et leur message d’harmonie.
Le Nouvel An chinois représente également une période clé pour la revitalisation des métiers artisanaux. Les estampes traditionnelles, autrefois conçues pour des maisons à portes doubles, ont dû évoluer pour s’adapter aux logements modernes. Les modèles symétriques, autrefois incontournables, ont cédé la place à des créations adaptées aux portes à battant unique, répondant ainsi aux nouvelles exigences architecturales. Certaines entreprises de menuiserie ont même intégré des modifications spécifiques pour faciliter l’installation et le retrait de ces estampes, témoignant d’un équilibre entre tradition et innovation.
Un phénomène similaire s’observe dans le domaine des découpes de papier traditionnelles. À l’origine destinées aux fenêtres des habitations troglodytes, ces créations décoratives ont trouvé de nouveaux usages dans les intérieurs contemporains. Désormais, elles ornent fréquemment les balcons modernes et sont offertes comme cadeaux, notamment à des destinataires étrangers. Grâce à des plateformes de diffusion plus accessibles, cet artisanat autrefois réservé à un public local suscite un intérêt croissant au-delà des frontières.
© Zhai Yujia/CNS
La reconnaissance de la fête du Printemps a aussi déclenché un renouveau pour les métiers traditionnels. Une responsable d’une entreprise basée à Changsha, spécialisée dans la valorisation des arts traditionnels, témoigne : « Nous avons collaboré avec des artisans pour adapter leurs créations aux goûts modernes. Aujourd’hui, des produits comme les estampes de Yangjiabu explosent : en 2024, les ventes ont dépassé celles des dix dernières années cumulées. »
Pour les artisans et les acteurs culturels, cette inscription est bien plus qu’une reconnaissance symbolique : c’est un tremplin qui permettra aux traditions de s’adapter et de s’épanouir dans un monde en constante évolution. « Quand les gens adoptent une vision patrimoniale pour célébrer le Nouvel An, ces traditions reprennent vie », observe Jia Peizhi, un artisan spécialiste du papier découpé auprès du journal chinois.
La fête du Printemps, désormais patrimoine mondial, confirme sa place au cœur de la culture chinoise, tout en rayonnant à l’international comme un héritage vivant et un vecteur d’unité.
Photo du haut © Shi Yalei/Xinhua
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