Commençons par une bonne nouvelle. Le Serpent se distingue des autres animaux du zodiaque chinois par une certaine complexité et un certain mystère. Cependant, la chance ne s’en ira pas avec le Dragon car chaque signe possède ses qualités et ses défauts comme sa part de bienfaisance.

Le bestiaire zodiacal sert de réservoir de métaphores, d’allégories et de symboles. Rappelons que le mot she désigne l’animal réel alors que le signe astrologique s’appelle Si.

Dans la culture chrétienne, le serpent renvoie d’emblée au jardin d’Éden et au péché originel. En Chine, si cet animal se rattache également à la connaissance et à des récits fondateurs, il reste primordial de mettre nos lunettes occidentales de côté pour l’appréhender.

Un animal complexe, spirituel et mystérieux

Les serpents inspirent des sentiments contradictoires, de la fascination, du respect mais aussi de la répulsion et de la peur. Lors de la fête du « Double Cinq » (duan wu jie) par exemple, ils font partie des « Cinq Venimeux » avec le mille-pattes, l’araignée, le scorpion et le crapaud qu’il s’agit de repousser. Ils sont pourtant vénérés comme des maîtres guérisseurs et de puissants protecteurs (notamment pour les poètes). On retrouve cette ambivalence du « pharmakon » : à la fois antidote, remède et poison. Dans les contes traditionnels, le serpent est tantôt une créature néfaste à abattre, tantôt un personnage très positif. On raconte que le marquis de Sui sauva un jour un serpent qui, plein de gratitude, le remercia par la suite d’une pierre précieuse. Le serpent est souvent associé au bonheur, à la prospérité et à la longévité. Pourtant certaines expressions y font référence de manière plutôt négative. « Voir un serpent dans son verre d’eau » signifie être trop méfiant, « avoir la tête d’un tigre et la queue d'un serpent » renvoie à l’idée d’un projet grandiose qu’on est incapable de réaliser et « dessiner un serpent en y ajoutant des pattes » se rapporte à une action inutile et superflue...

Néanmoins, d’après une croyance populaire, abriter un serpent dans les fondations de sa maison serait un facteur de richesse... à condition de ne pas le voir apparaître. Pour vivre heureux, qu’il reste caché ! Mais n’ayez crainte, si vous savez l’appeler par son nom, que vous ne le provoquez ni ne le brusquez, il se montrera clément.

Le serpent en Chine est lié aux origines, au cosmos, à la connaissance et à la sagesse. Selon la légende, l’Univers débute avec le couple formé par Fuxi et Nuwa, divinités mi-humaines mi-ophidiennes, représentant le Soleil Yang et la Lune Yin. Ensemble, ils établirent les Lois de la Nature, du Ciel et de la Terre. Si sa forme ondoyante, spiralaire, montante, renvoie dans le Yoga indien à la kundalini, la force de vie, en astrologie chinoise, il est relié à l’éternité, aux mystères des origines, aux forces de l’esprit. C’est un précieux guide, synonyme de spiritualité, de prescience, d’intelligence intuitive et de conscience éclairée.

Peinture sur soie représentant Fuxi et Nüwa, datant des VII^e-X^e siècles. CC0, via Wikimedia Commons

Le Serpent, « un petit dragon » ?

En astrologie solaire chinoise (Ba Zi), on part du postulat que les unités temporelles (années, mois, jours et heures) reviennent de manière cyclique et qu’elles ont une personnalité spécifique. Les décrypter permet de nous positionner, de recevoir des enseignements, de donner des perspectives. L’astrologie est avant tout un chemin de sagesse, de connaissance de soi, d’exploration de l’existence.

Est-ce pour faire plaisir aux natifs du Serpent qu’on le surnomme « petit dragon » ? Pas forcément. Dans le zodiaque chinois, ces deux animaux fonctionnent en binôme. Dans les imaginaires, ils sont également liés. Selon la légende, les serpents patients se transforment en dragons au bout de 1 000 ans. Les deux signes sont associés à une certaine magie et à une spiritualité. Ils symbolisent la transformation. Le Dragon Yang est caractérisé par ses métamorphoses surnaturelles, ses gigantesques déplacements à travers les nuages, les montagnes, les plaines et les cours d’eau qui informent le paysage. Le Serpent Yin poursuit son travail, mais d’une autre manière, plus discrète et plus introvertie. Dans son allure, le Dragon chinois est caractérisé par son côté composite, qui rassemble de manière inédite différentes espèces du règne animal. Et pour le Serpent ? Il se démarque par sa mue, grâce à laquelle il laisse tomber sa vieille enveloppe, devenue trop petite. À l’énergie massive, remuante et impressionnante du Dragon, le Serpent répond par un plus grand calme, une certaine lenteur, voire une immobilité, un côté observateur, magnétique, qui laisse venir les choses à lui. Il veut savoir où il va. Il prend le temps d’établir un plan précis. Il donne l’impression que rien ne se passe – et soudain, après un long travail, la solution, l’évidence, « la vérité », apparaît. À sa manière, il peut lui aussi nous surprendre.

L’année du Serpent au regard des différents cycles

Tous les douze ans, nous retrouvons le même animal associé à un élément différent. En 2013, nous fêtions l’année du Serpent d’Eau, en 2001, celle du Serpent de Métal, en 1989, celle du Serpent de Terre, en 1977, celle du Serpent de Feu, en 1965, comme cette année, celle du Serpent de Bois. Dans chaque cycle de douze ans, le Serpent figure à la 6^e place. En l’occurrence, l’actuel a démarré en 2020. Nous sommes quasiment arrivés à la moitié. Nous commençons à assimiler les « leçons » d’événements qui ont pu d’abord nous dérouter. Nous voyons les fruits des changements que nous avons mis en place.

Par ailleurs, l’astrologie chinoise, basée sur de fines observations agricoles, fonctionne sur un système de correspondances qui prend en compte les caractéristiques de chaque saison (printemps, été, automne, hiver, intersaison). Les douze animaux du zodiaque sont ainsi également associés chacun à un mois de l’année. Le mois de mai est attribué au Serpent, qui correspond dans ce calendrier, avec un peu d’avance sur le nôtre, au début de l’été. C’est une période où les travaux des champs battent traditionnellement leur plein. Les températures montent, les graines grossissent, les céréales poussent, les fruits grandissent. Comme le rappellent Stéphanie Ollivier et Gao Yuan dans leur formidable almanach, Une année en Chine, c’est le moment d’aller pique-niquer au milieu des fleurs des champs. C’est aussi la période des calebasses et des premiers melons sur les marchés. Autrefois, vers le 6 mai, le premier jour de lixia, l’empereur et sa cour, tous vêtus de rouge, formaient une procession jusqu’au faubourg sud de Pékin. Ils y priaient les dieux de se montrer cléments et d’offrir au peuple un été paisible. D’où ce proverbe : « Quand lixia arrive, on devine à quoi ressemblera l’été ». Est-ce une invitation à nous préparer pour la suite ?

Comme en astrologie tropicale, on retrouve en Ba Zi des juxtapositions entre différents cycles. Le Dragon de 2024 inaugurait en effet un autre supercycle de 20 ans marqué par l’élément Feu. Cet élément correspondant à l’Été sera à son apogée dans les 3 années à venir. Dans sa facette sombre, il peut bien sûr nous évoquer les conflits, la destruction, la guerre, les colères explosives. Dans sa facette lumineuse, c’est le cas de le dire, le Feu est également synonyme d’élévation, d’abondance, de chaleur, de beauté, de joie, de générosité, de clarté. Notre travail consiste toujours à traverser, à rester debout, à faire face à l’aspect sombre d’un élément et à nourrir ses aspects positifs. Qu’il éclaire notre chemin ! Certains secteurs occuperont sans doute le devant de la scène : tout ce qui a trait aux médias, à internet, aux spectacles, à l’événementiel, à la mode, à la décoration, à l’esthétique, au sport. Mais aussi à la politique, à la justice, au militaire. Il sera important d’oser, d’allumer les projecteurs sur ses talents, de donner une place à ses passions, de s’exprimer, de se montrer. Il s’agira aussi de distinguer ce qui relève de la poudre aux yeux, du simulacre, de l’illusion de ce qui est juste, vérifié et authentique. Le Feu est l’élément de la visibilité, de la mise en lumière, de la révélation.

L’élément qui accompagne le Serpent de 2025 : le Bois Yin

Cette année, notre serpent s’accompagne de l’élément Bois de polarité Yin. Si l’on pouvait comparer le Dragon à une forêt qui pousse droit vers le Ciel, le Serpent s’apparente plutôt à de grandes herbes hautes, qui se laissent plier, tout en souplesse, par le vent. Le terrain n’est pas le même. Le Dragon évoquait une montagne luxuriante. Avec le Serpent, nous avançons sur une plaine où la terre est plus fragile, éventuellement sableuse, mais dans laquelle les racines trouvent leur chemin pour s’enfoncer malgré tout dans ses fissures.

La clé de l’astrologie chinoise consiste à étudier la présence (ou l’absence) des 5 éléments (Bois, Feu, Terre, Métal, Eau) et leur interaction. Dans le signe du Serpent, on retrouve également en sous-couches les éléments Terre, Feu et Métal. Dans ce signe riche, l’Eau est absente. Il pourra donc être intéressant de penser à « arroser notre jardin », à veiller à ce que notre terre ne manque pas d’eau et à s’organiser pour cela. Prenons soin des fleurs qui y poussent.

Le Bois Yin donne à notre Serpent les clés de la créativité, de l’imagination, de la bienveillance, de la flexibilité et l’adaptabilité. C’est une énergie libre, vigoureuse, solide qui semble pourtant fragile en apparence. Elle peut néanmoins interroger la notion de limites : le Bois Yin est aussi souvent représenté par du lierre ou une vigne vierge, c’est-à-dire des plantes légères mais envahissantes, qui grignotent le territoire des autres.

Le Serpent de Bois est un des plus altruistes et sociables parmi les représentants de ce signe. Secret, il sélectionne ses proches avec soin. Il faut savoir lui plaire, mais il est très généreux avec les élus. Sa compagnie est recherchée. Charismatique, magnétique, il est très séduisant et il brille par son éloquence, la justesse de ses propos, la perspicacité de son analyse. Esthète, cultivé, sensuel et épicurien, il est très agréable à vivre.

Très indépendant, il cherche pourtant la fidélité, la stabilité et une certaine assise. Très habile, très convaincant, ambitieux en dépit d’une certaine discrétion, il sait très bien agir pour son propre intérêt, notamment dans le domaine professionnel. Néanmoins, il pêche par une tendance à tout vouloir contrôler et peut avoir du mal à faire confiance et se montrer méfiant. En tout cas, soyez sûr qu’il n’oublie jamais rien !

Avec le Lapin, le Serpent représente l’union conjugale parfaite, tendre, romantique et équilibrée. On retrouve ces qualités dans la très célèbre légende du Serpent blanc, matrice inépuisable pour les écrivains et l’Opéra chinois, dans lequel un dieu serpent prend l’apparence d’une jeune femme pour épouser un être humain. Ce couple aux amours interdits affronte de multiples épreuves, incarnant l’union, la patience et la résilience face aux aléas de l’existence.

Fin comptable, le Serpent forme un trio d’affaires de choc avec le Buffle consciencieux et le Coq, RP des plus efficaces. À ses yeux, le comportement du Tigre lui semble brusque et autoritaire. Il a aussi du mal à comprendre le Cochon, trop dépendant à son goût...

L’enjeu cette année sera en tout cas de construire des ponts, de faciliter la communication, la réflexion, les échanges et d'arroser notre jardin. Le Serpent nous aidera par sa souplesse, son intelligence et sa grande sagesse, à garder espoir, à apprécier la beauté de la vie et à faire ressortir le meilleur de nous-mêmes dans nos relations. Il nous aidera à trouver le bon moment pour agir avec justesse et à-propos.

Sonia Pavlik tiendra une conférence en ligne sur l'année du Serpent le 1^er février 2025 de 10h30 à 12h30. Pour s'inscrire, cliquer ici.

Sonia Pavlik est consultante en astrologie solaire chinoise et en feng shui, elle organise des conférences et des ateliers d’initiation depuis 2020. Elle écrit également de la poésie.

Référence :

Une année en Chine, L’almanach luni-solaire, Gao Yu et Stéphanie Ollivier, Fadjong Editions.

L’auteure souhaite également remercier Olivia Roy pour son enseignement si riche et inspirant.