Le fleuve Qiantang, source d’inspiration culturelle et spirituelle depuis des millénaires

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Le mascaret du 18 août 2024 est un événement sans précédent dans le monde. Celui du fleuve Qiantang est connu comme « le premier mascaret de Chine » et fait partie des trois plus grands au monde avec celui de l'Amazonie au Brésil et celui du Gange en Inde. Au cours de sa longue histoire, d'innombrables figures romantiques ont émergé dans le bassin du fleuve Qiantang, donnant naissance et créant une richesse matérielle et spirituelle exceptionnelle.

Comment la culture de « l'observation des mascarets » du fleuve Qiantang s'est-elle formée et développée ? Quel genre de noyau spirituel la culture du fleuve Qiantang incarne-t-elle et comment les « regards extérieurs » la considèrent-ils ? Hu Jian, président de l'Association de recherche sur la culture du fleuve Qiantang de la province du Zhejiang, et Xu Jijun, directeur du Centre de recherche sur la civilisation du fleuve Qiantang de Chine à l'Université de technologie du Zhejiang, ont récemment accepté un entretien exclusif avec China News.


Comment la culture de « l'observation des mascarets » du fleuve Qiantang s'est-elle formée et développée ?

Xu Jijun : Le mascaret du fleuve Qianjiang en Chine est célèbre dans le monde entier, il est considéré comme l'un des trois plus grands mascarets du monde, avec celui de l'Amazone au Brésil et celui du Gange en Inde.

L'observation des mascarets sur le fleuve Qiantang a une longue histoire de plus de 2 000 ans. Riche par son contenu, y compris par l'observation des marées quotidiennes ainsi que le fait « d'attraper le vent et le mascaret » au milieu de la nuit. Cette coutume est toujours d'actualité et, chaque année, avant et après la fête de la mi-automne, les touristes affluent de toutes parts pour assister au spectacle des « mascarets d'automne du fleuve Qiantang ».

La coutume d'observer les mascarets du fleuve Qiantang est apparue dès la période pré-Qin. Selon les documents historiques, le penseur Zhuangzi a été impressionné par ces eaux vives spectaculaires du fleuve Qiantang et s’est exclamé : « Les eaux du Zhejiang sont comme une montagne de vagues qui déferlent sur les maisons, elles grondent comme le tonnerre et frappent telle la foudre. Elles ont le pouvoir d’engloutir le ciel et d’irriguer le soleil. » Il s’agit là de la première référence documentée du mascaret du fleuve Qiantang dans l'histoire.

Sous la dynastie des Han de l’Ouest, les gens se réunissaient pour observer le mascaret, pensant que c'était un plaisir de la vie.

De nombreux poèmes de la dynastie Tang décrivent le mascaret de Qiantang, et parmi eux, le vers de Li Bai « De grandes vagues blanches viennent des nuages et des montagnes » est un des plus célèbres. 

Sous la dynastie des Song du Sud, la coutume d'observer les mascarets pendant la fête de la mi-automne était très populaire. Le cinquième volume de Mengliang Lu intitulé Observation des mascarets Wu Zimu décrit la dynamique de cette observation par les anciens. On constate que la fête dédiée à cette observation commençait le 11e jour du huitième mois lunaire et se terminait le 20e jour du même mois, soit une durée d’une dizaine de jours. Les 16e et 18e jours étaient les plus populaires.

Quel est le cœur spirituel de la culture de la rivière Qiantang ?

Hu Jian : Le fleuve Qiantang, également connu comme la rivière mère de la province du Zhejiang, coule en méandres et alimente ce vaste territoire dont il couvre environ 47 % de la superficie.

Le poème intitulé Chanson de Jiangnan merveilleusement écrit par Li Yi pendant la dynastie Tang, est célèbre pour le vers « Si j’avais su que le mascaret revenait régulièrement, alors j’aurais épousé un coureur de mascaret ». Il s'agit là d’un éloge des « coureurs de mascaret » qui sont assez courageux pour relever le défi de danser avec le mascaret sur les rives du fleuve Qiantang.

Cette pratique « des coureurs de mascaret » du fleuve Qiantang remonte à l’Antiquité. Dans l’encyclopédie Relecture impériale Taiping, il est fait mention suivante : « Les gens du peuple Yue pratiquent les courses de bateaux, ces jeunes hommes fluets font tous la démonstration de leur bravoure, nagent, plongent dans les flots à la façon des canards. Certains atteignent le fond de l'eau puis ressortent avec des poissons. » Il s'agit sans doute de la plus ancienne compétition nautique de Chine ancienne dont on trouve trace dans les documents.

Le poème Jiuquanzi écrit par Pan Lang sous la dynastie Song est encore plus frappant : « Je pense souvent à la scène où l'on observait le mascaret sur le fleuve Qiantang alors que les gens de Hangzhou se bousculaient pour voir monter la marée. Lorsque celle-ci arrivait, on avait l'impression que la mer se vidait. Le mascaret grondait comme dix mille tambours à l’unisson, c’était un bruit bouleversant. Les gens faisaient la démonstration de leur talent en se tenant sur le sommet de la vague du mascaret, les drapeaux rouges qu'ils brandissaient n’étaient pas du tout mouillés. Les fois suivantes, alors que je rêvais d'observer la marée, j'avais encore peur lorsque je me réveillais. »

Au milieu de l’onde déchaînée, les « coureurs de mascaret » tenaient le drapeau rouge dans leurs mains et se précipitaient pour affronter la vague avec courage et vigueur. Cet esprit de défi courageux se retrouve également dans l'épopée de la gestion de l'eau par les habitants des deux rives du fleuve Qiantang, qui leur a donné l'esprit héroïque de « se tenir sur la marée et penser au monde ».

D'une manière générale, face à une catastrophe naturelle comme le mascaret du fleuve Qiantang, les gens ordinaires envisageraient de déménager leurs familles. Cependant, les habitants du Zhejiang ont fait preuve d'un courage et d'une sagesse extraordinaires, ils ont choisi de ne pas fuir, mais de gérer scientifiquement les forces de la nature pour les mettre au service des hommes.

L’observation des archives historiques permet de constater, qu'au début, les ancêtres utilisaient de la terre comme fondation pour la construction des étangs artificiels. Et même si cela semble simple, ce fut le germe des techniques de gestion de l’eau. Par la suite, la construction mixte avec du bois de chauffage et de la terre a non seulement amélioré la stabilité du remblai, mais a également marqué un bond en avant de ces techniques. Puis, à l’ère des étangs entièrement construits en pierre, l’ingénierie des digues contre les marées a atteint de nouveaux sommets, démontrant ainsi la sagesse de la coexistence harmonieuse entre l’homme et la nature.

Le trait de caractère « de coureur de mascarets » des habitants du Zhejiang s’accorde bien avec cet esprit de ne pas avoir peur des difficultés et d’avoir le courage de se lancer des défis.

Quel regard extérieur est porté sur la culture du fleuve Qiantang ?

Xu Jijun : L’impression générale que l'Occident a de la culture chinoise est basée sur les soieries et les porcelaines que la Chine exportait. Le bassin du fleuve Qiantang est l'un des principaux berceaux de la soie, de la porcelaine, du riz, de la laque, mais aussi de la culture du thé et de la culture de l’alcool. Il est connu comme le creuset de la soie, du poisson et du riz et des reliques culturelles.

Du XIVe siècle au début du XXe siècle, les navires engagés dans les voyages en haute mer étaient principalement des voiliers chinois.

La culture du fleuve Qiantang, marqué par des caractéristiques maritimes, joue un rôle important dans les échanges culturels entre la Chine et le reste du monde. Elle a permis de diffuser l’excellence de la culture, sans interruption, non seulement vers les pays et régions voisins tels que la Corée du Nord, le Japon, le Vietnam, l'Inde, l'Asie centrale et l'Asie de l’Ouest, mais également de rayonner vers l'Europe et l'Afrique.

Par exemple, sous la dynastie Ming, les échanges entre la culture du fleuve Qiantang et la culture européenne se sont encore renforcés. Depuis la période Zhengde de la dynastie Ming, des missionnaires, hommes d'affaires, voyageurs et aventuriers européens sont venus en grand nombre en Chine pour prêcher, faire des affaires et visiter le pays. Ils ont admiré avec curiosité les paysages, l'architecture, les produits, l'industrie et le commerce, les sciences humaines et les coutumes des zones urbaines et rurales de Chine.

Leurs écrits rapportent la beauté et la richesse des villes situées le long du bassin de la rivière Qiantang.

Par exemple, lors d’un prêche à Hangzhou, enivré par la beauté du lac de l'Ouest, le missionnaire portugais Alvaro Semedo a écrit : « Le lac de l'Ouest est l'une des merveilles du monde » et « Toute la soie exportée par la Chine est produite dans cette province. »

En 1735, le Français Jean-Baptiste Du Halde publie à Paris un ouvrage encyclopédique intitulé Description de l’Empire de la Chine. Le livre offre de nombreuses descriptions de la culture du fleuve Qiantang - « La préfecture de Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang, est l'une des villes les plus riches et les plus grandioses de l'Empire chinois. La ville est particulièrement remarquable du fait de son excellente situation géographique, de son grand nombre d'habitants, de ses canaux très pratiques, et de la production de la plus belle soie du monde. » « Les rues bondées font énormément penser à Paris. » « L'armée Qing a son propre camp militaire, séparé de la ville de Hangzhou par un mur d'enceinte. Le vaste fleuve Qiantang coule à l'extérieur des fortifications de la ville. »

Ce passage reflète pleinement les opinions des Européens sur la culture de Hangzhou et du fleuve Qiantang de cette époque. Avec l’intensification de la fréquence des échanges commerciaux entre l'Est et l'Ouest et le développement de Route maritime de la soie, Hangzhou et bien d'autres lieux sont progressivement devenus des destinations touristiques et commerciales prisées des étrangers. 

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.


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