
Les codes vestimentaires chinois du mariage d’hier à aujourd’hui
« Les vêtements portent la voie et symbolisent les rites » : ce proverbe chinois prend tout son sens lorsqu'on l'applique aux tenues nuptiales. Au fil des siècles, les habits de mariage chinois, tantôt solennels, tantôt éclatants, tantôt sobres, ont reflété l'évolution d'une culture millénaire. Dans un entretien accordé à China News, Liang Yan, professeure à l'Institut de technologie de la mode de Pékin, revient sur l'évolution de ces tenues et leur rôle dans l'enrichissement mutuel des cultures orientale et occidentale.
Comment les tenues de mariage chinoises ont-elles évolué au fil du temps ?
Nés sous les dynasties Shang (1570 - 1045 av. J.-C.) et Zhou (1046 - 256 av. J.-C.), les rites entourant les tenues de mariage se sont progressivement raffinés. C'est sous la dynastie Zhou que le noir et le rouge s'imposent comme les couleurs emblématiques de ces habits cérémoniaux. Le noir, associé au ciel et à l'autorité, symbolisait la gravité et la noblesse, tandis que le rouge, couleur de la joie et de la prospérité, augurait un avenir heureux.
Les dynasties Qin (221 – 207 av. J.-C.) et Han (206 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.) perpétuent cette tradition, renforçant le caractère solennel des tenues nuptiales. Toutefois, c'est sous les dynasties du Sud et du Nord (220 - 589), marquées par des troubles politiques, que les codes vestimentaires évoluent. Les vêtements, aux lignes plus fluides et aux manches bouffantes, témoignent d'un désir d'émancipation et d'une volonté de s'affranchir des codes sociaux rigides de l'époque. Dans ce contexte de remise en question des rites, le blanc fait son apparition comme couleur de mariage, symbolisant la pureté et un nouveau départ. La dynastie Tang marque un tournant avec l'adoption de couleurs vives et éclatantes, tant pour les tenues quotidiennes que pour les vêtements de cérémonie. Le vert, associé à la nature et à la prospérité, devient une couleur populaire pour les mariées. Sous la dynastie Song du Nord (960-1127), les époux se distinguent par des épingles à cheveux ornées de fleurs pour marquer ce moment important.
Dynasties Qin et Han
Sous la dynastie Song du Sud (1127 - 1279), le rouge s'impose progressivement comme la couleur par excellence des robes de mariée. Ces dernières, généralement composées d'une ample robe à col mandarin et d'une longue jupe fluide, offrent aux mariées une silhouette élégante et gracieuse. Les cérémonies les plus solennelles sont souvent sublimées par l'ajout d'un magnifique « phénix couronné » et d'un « châle de nuages ». Sous les Ming (1368 - 1644), cet ensemble, composé du « phénix couronné », emblème impérial, et de la « robe rouge de bonheur », s'impose définitivement comme le modèle de référence pour les mariages, influençant profondément les traditions nuptiales chinoises jusqu'à nos jours. À l'époque Qing, sous l'influence des Mandchous et des Hans, les modes nuptiales se complexifient. Le guaqun, un ensemble composé d'une veste courte sur une longue jupe, devient le vêtement de mariage le plus courant, témoignant de la fusion des traditions culturelles.
À partir des années 1920, avec l'émancipation des femmes et l'ouverture de la Chine aux influences occidentales, les robes de mariée ont connu une profonde transformation. Tout en conservant certains éléments traditionnels comme la couleur rouge et les voiles, les mariées ont commencé à adopter des styles occidentaux, telles que les robes de mariée blanches, symboles de pureté, et les voiles en dentelle. Les hommes, quant à eux, ont bénéficié d'une plus grande liberté de choix, oscillant entre les tenues traditionnelles chinoises et les costumes occidentaux plus modernes.
Quand le style des tenues nuptiales occidentales a-t-il conquis le cœur des Chinois ?
En Occident, l'évolution des habits de mariage au fil des siècles a donné naissance à un ensemble de codes en matière de couleurs, d'ornements et de matières textiles. À la fin du XVIIIe siècle, les tenues nuptiales se diversifient, oscillant entre le faste des modèles royaux et l'élégance du néoclassicisme, posant ainsi les premiers jalons de l'émergence des tenues de mariage modernes.
Dynastie Ming
En 1840, le mariage de la reine Victoria révolutionne les codes vestimentaires. En optant pour une robe blanche et un voile, la reine britannique impose un nouveau standard qui sera rapidement adopté à travers l'Europe. Cette mode nuptiale traverse les frontières et gagne progressivement en popularité en Chine. La cérémonie de mariage de Sun Yat-sen, fondateur et premier président de la République de Chine, et de Song Qingling, en 1915 à Tokyo, en est une parfaite illustration. Song Qingling, vêtue d'une robe occidentale et coiffée d'un grand chapeau, incarne l'émergence d'une nouvelle esthétique nuptiale, fruit du métissage entre les traditions orientales et occidentales.
Fondé en 1884, le Dianshizhai Huabao a permis à un large public de se familiariser avec les nouvelles tendances vestimentaires, en publiant des illustrations de robes de mariage européennes, alors appelées « vêtements de mariage civilisés ». En 1928, le projet de loi sur le mariage, adopté par le gouvernement nationaliste, a encouragé la modernisation des cérémonies nuptiales. Il stipulait que les mariés devaient porter des « vêtements de cérémonie », incitant ainsi la population à adopter des tenues plus occidentales. Ainsi, dans les années 1930, les tenues de mariage urbaines se sont progressivement standardisées. Les femmes optaient généralement pour une robe de mariée occidentale, souvent associée à un voile ou à une couronne de fleurs, ou pour un qipao modernisé. Les hommes, quant à eux, privilégiaient le costume trois-pièces, composé d'une veste, d'un pantalon, d'une chemise blanche, d'un nœud papillon et de chaussures vernies.
Dynastie Song
En quoi les vêtements de mariage chinois et occidentaux se sont-ils influencés mutuellement en termes de conception et de style ?
L'ouverture de la Chine a favorisé un renouveau des traditions nuptiales, marqué par un métissage subtil entre les codes occidentaux et les us et coutumes chinois. Dans les années 1990 et 2000, de nombreuses maisons de couture chinoises ont émergé, proposant des créations originales qui mêlent audace et raffinement. Le qipao, revisité dans un esprit contemporain, est emblématique de cette fusion culturelle. Avec ses lignes épurées et ses motifs traditionnels (dragons, phénix, pivoines), il séduit les mariées en quête d'une allure à la fois élégante et moderne.
Au début du XXIe siècle, les longfenggua (robe brodée du dragon et du phénix), les xiuhefu (robe brodée de motifs complexes) et les tangzhuang (costume masculin traditionnel chinois) connaissent un regain de popularité. Ces tenues, riches en symboles et en histoire, sont réinterprétées par les créateurs pour répondre aux attentes des mariées modernes. Le longfenggua, par exemple, composé de neuf pièces représentant les neuf étoiles impériales, est souvent personnalisé avec des broderies contemporaines. Cette renaissance des traditions nuptiales chinoises témoigne d'une volonté de préserver un patrimoine culturel tout en s'adaptant aux évolutions de la mode. Les mariées chinoises d'aujourd'hui ont ainsi la possibilité de célébrer leur union en portant des tenues qui reflètent à la fois leur héritage et leur personnalité.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
Photo du haut : dynastie Tang
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