
Le brocart de l’ethnie Li : une tradition millénaire au service de la mode contemporaine
En 2009, les techniques textiles traditionnelles en matière de filage, de teinture, de tissage et de broderie des Li, ethnie de la province de Hainan, ont été inscrites par l’UNESCO sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité nécessitant une sauvegarde urgente. Depuis le 5 décembre 2024, ce savoir-faire traditionnel a été transféré sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
Comment les techniques textiles traditionnelles des Li en matière de filage, de teinture, de tissage et de broderie ont-elles été inscrites au patrimoine culturel immatériel de l’humanité ? Liu Dongmei, chercheuse à l’École des sciences humaines de l’Université de Hainan, a accordé une interview exclusive à China News pour répondre à cette question.
Pourquoi les techniques textiles traditionnelles des Li en matière de filage, de teinture, de tissage et de broderie ont-elles été transférées sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ?
Ces techniques traditionnelles qui englobent le filage, la teinture, le tissage et la broderie sont un savoir-faire textile inventé par les femmes de l’ethnie Li de la province de Hainan, il y a trois mille ans environ. En effet, le Classique des documents - tribut de Yu rapporte déjà que « les barbares insulaires apportaient des habits de fibres végétales et des soies tissées de coquillages ». Ce texte nous éclaire ainsi sur les activités des ancêtres de l’ethnie Li en matière de collecte du coton et de tissage d’habits.
Pendant des milliers d’années, les femmes Li ont effectivement utilisé le coton, le chanvre, le kapok, l’écorce des arbres de leur île comme matières premières. Elles filent ces matériaux bruts, les tissent sur des métiers à tisser, les teignent selon une méthode ancienne par nouage et les brodent de fleurs d’une grande variété de couleurs pour créer les magnifiques brocarts Li. Le brocart Li était autrefois plus connu sous le nom de Jibeibu ou « tissu de kapok ». Sa texture est fine, solide, lisse et durable. Il est célèbre pour ses couleurs vives, ses motifs variés et son savoir-faire délicat. On le surnomme souvent le « fossile vivant » de l’industrie textile chinoise.
Le brocart Li peut être utilisé pour confectionner des jupes tubulaires, des foulards, des ceintures de fleurs, des anses de sac, des draps, des courtepointes… Le fond est généralement noir puis tissé de riches motifs de fleurs exotiques, d’oiseaux, d’animaux et de personnages de fils rouges, jaunes, blancs et bleus. Le brocart Li est entièrement réalisé à la main et c’est précisément la création de ces motifs exquis qui confère toute son âme et toute sa valeur au brocart Li.
Grâce à la transmission et à une innovation continues, ainsi qu’à l’organisation d’expositions nationales et internationales, l’ancien brocart Li s’est peu à peu immiscé dans la vie moderne, au point de devenir un tissu à la mode, jeune et cosmopolite. Il a su briller d’un nouvel éclat, pour ainsi dire. Le transfert des techniques textiles traditionnelles de filage, de teinture, de tissage et de broderie des Li sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en a fait un bien culturel commun à toute l’humanité, ce qui favorise sa diffusion, l’attention et le soutien qu’on lui porte, ainsi que la promotion de son héritage et de son développement.
En quoi ce transfert sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité est important pour la préservation, la transmission et le développement des techniques traditionnelles de filage, de teinture, de tissage et de broderie des Li ?
Le transfert de la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente à la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité aura un impact positif sur les savoir-faire traditionnels de filage, de teinture, de tissage et de broderie des Li à bien des égards. Premièrement, il accroîtra la visibilité et l’influence internationales de ces techniques traditionnelles et attirera davantage l’attention et le soutien du pays, mais aussi de l’étranger. Deuxièmement, il encouragera le gouvernement et tous les secteurs de la société à renforcer la protection des savoir-faire textiles traditionnels de l’ethnie Li. Troisièmement, ce transfert promouvra l’application moderne et la commercialisation de ces techniques, il renforcera le rôle de l’application technologique et de l’innovation dans sa préservation. En encourageant l’utilisation de moyens scientifiques et technologiques modernes, nous améliorerons l’application et la diffusion du patrimoine culturel immatériel dans la vie quotidienne, nous stimulerons l’intérêt et la participation de la jeune génération dans les arts traditionnels, nous combinerons les compétences traditionnelles du brocart Li avec le design moderne pour développer davantage de produits compétitifs sur le marché. Nous utiliserons aussi de nouvelles plateformes médiatiques telles qu’Internet pour étendre son influence, favorisant ainsi la commercialisation et le développement commercial des différents savoir-faire.
Quelles sont les connotations culturelles et les valeurs spirituelles des techniques textiles traditionnelles des Li ?
Les techniques textiles traditionnelles des Li présentent de fortes caractéristiques locales. Elles constituent non seulement un vecteur de culture, mais également une forme d’art et un concept esthétique uniques. Elles contiennent les valeurs culturelles, la sagesse idéologique et l’expérience pratique de l’ethnie Li, mais permettent aussi au monde de découvrir le trésor de la culture traditionnelle Li.
Pendant longtemps, les femmes Li ont laissé libre cours à leur imagination pour représenter dans leur vie quotidienne des scènes inspirées de la nature et de la vie productive à l’aide de techniques hyperboliques et abstraites et de formes géométriques. Elles ont ainsi créé une grande variété de motifs de brocarts Li. Il existe dès lors plus d’une centaine de types de motifs, comme le soleil, la lune, les montagnes et les rivières, les fleurs, la végétation, les animaux, les oiseaux ou les personnages mythiques, qui sont autant de sources d’inspiration. Ces femmes représentent la magnifique beauté des paysages de Hainan dans un langage de traits et de lignes très simple, mais riche d’une forte atmosphère artistique.
La beauté des motifs de brocart Li est l’interprétation artistique du corps et de l’esprit des tisseuses Li. C’est l’observation approfondie et l’expression technique de ces femmes qui rendent leur brocart si vivant et éclatant, démontrant ainsi le riche intérêt esthétique de l’art régional.
Le brocart Li est un symbole du groupe ethnique ou de la communauté. Les motifs vestimentaires du brocart Li sont les symboles de chaque tribu et village du groupe ethnique Li. Chaque tribu a effectivement son propre symbole. Même si une même tribu vit dans des lieux ou villages différents, ses motifs vestimentaires varient. Ceci est lié au cadre de vie et aux coutumes traditionnelles des différentes tribus de l’ethnie Li, qui ne doivent être confondues ni empruntées les unes aux autres.
La culture du brocart Li est également liée aux croyances de l’ethnie Li. L’ancien peuple Li interprétait les causes de divers phénomènes naturels comme les activités de forces spirituelles étrangères et les vénérait avec gratitude, respect et crainte, s’efforçant de bien s’entendre avec elles. Dans le processus de transformation de la force spirituelle en matière, les gens ont manifesté ce culte en l’intégrant aux motifs du brocart Li, dans l’espoir d’acquérir un réconfort spirituel et une stabilité grâce à la façon dont ils le portaient.
L’ethnie Li exprime aussi sa spiritualité grâce au brocart Li. Les femmes Li expriment leurs émotions intérieures et leurs pensées simples dans le langage silencieux du tissage artisanal. Ainsi, la valeur de cette technique de brocart va bien au-delà du matériel et de l’art lui-même, devenant un vecteur émotionnel majeur qui accompagne les femmes tout au long de leur vie. Dès l’âge de six ou sept ans, lorsqu’elles possèdent leur premier métier, jusqu’à leur grand âge, les femmes Li ne délaissent jamais leur métier à tisser. Les Li de Sanya ont même pour coutume d’inhumer les défunts avec leur métier à tisser et leur plus bel ensemble de brocart Li. Elles savent utiliser les couleurs pour exprimer leurs émotions et ont réussi à imaginer un langage de couleurs silencieux. Par exemple, le vert symbolise l’espoir et la vie, le rouge symbolise la confiance en soi et l’honneur, le noir symbolise la santé et la chance.
Le brocart Li est largement utilisé dans les costumes et les articles du quotidien de l’ethnie Li. Parmi eux, les jupes tubulaires sont les plus représentatives. Il y a justement un dicton selon lequel « le charme du brocart Li réside dans les jupes tubulaires ». Les couleurs fondamentales de ces jupes sont essentiellement le noir et le bleu. Outre des motifs inspirés de la nature, des personnages, des animaux aux couleurs vives ou des figures géométriques, les femmes Li insufflent dans leur création l’amour de la vie et leur vision d’avenir.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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