
Hong Kong, l’âge d’or du cinéma peut-il renaître de ses cendres ?
Dans les années 80 et 90, le cinéma hongkongais régnait en maître en Asie, exportant ses films d’action spectaculaires et son savoir-faire unique aux quatre coins du monde. Mais après des décennies de succès, l’industrie a connu un déclin marqué, concurrencée par Hollywood et la montée en puissance du cinéma chinois. Aujourd’hui, alors que Hong Kong tente de se réinventer, ses réalisateurs et producteurs cherchent la clé d’une renaissance.
Une recherche en ligne sur le terme « cinéma hongkongais » révèle cette définition en premier : « le pionnier du cinéma en langue chinoise. » À une époque, Hong Kong, simple ville en apparence, a su étendre l’influence du cinéma chinois bien au-delà de ses frontières, au point que l'on disait : « Là où il y a des Chinois, il y a du cinéma hongkongais. »
Pour le président honoraire de la fédération des professionnels du cinéma de Hong Kong, Tian Qiwen, le cinéma hongkongais traverse aujourd’hui un « goulot d’étranglement » en termes de thématiques, de production et de talents.
Tian Qiwen, surnommé Tianji, est un producteur vétéran du cinéma et de la télévision hongkongaise. Entré dans le milieu en 1979, Tian Qiwen a évolué dans l’industrie du spectacle depuis plus de quarante ans et a participé à la production de plus de 400 films et émissions de télévision. En 1996, il a rejoint Star Overseas Limited, la société fondée par Stephen Chow, où il a occupé des fonctions de direction et de création. Il a fondé ensuite Brain Studio Limited, une entreprise spécialisée dans la production multimédia et la formation. Parmi ses projets marquants figurent les films Shaolin Soccer, King of Comedy, The God of Cookery et Kung Fu Hustle. Aujourd’hui il est le président honoraire de la fédération des professionnels du cinéma de Hong Kong, et son porte-parole. Il est également conseiller du Bruce Lee Club Hong Kong, consultant artistique auprès du Hong Kong Arts Development Council et membre du comité Film and Media Arts, ainsi que conseiller de l’industrie pour le Hong Kong Film Development Fund.
Pour Tian, les avantages intrinsèques du cinéma hongkongais restent intacts grâce aux avantages laissés par son système juridique distinct de la Chine continentale. Le statut de Hong Kong comme centre financier international, sa fiscalité avantageuse et son rythme de production rapide garantissent encore aujourd’hui la réalisation de films de qualité. Pour se relancer, le cinéma hongkongais doit à la fois consolider ses atouts et explorer de nouvelles perspectives de création.
Quels sont les défis à surmonter et les atouts à exploiter pour que le « Hollywood de l’Orient » retrouve son éclat ? Entretien.
Hong Kong a longtemps été surnommé le « Hollywood de l’Orient », et son cinéma a exercé une influence considérable en Chine comme à l’étranger. Selon vous, comment cette influence s’est-elle construite ?
Tian Qiwen : L’apogée de l’influence du cinéma hongkongais remonte aux années 1980 et 1990. À cette époque, la diversité des productions et des thématiques proposées était sans équivalent sur les marchés étrangers. Au sommet de son activité, Hong Kong produisait près de 400 films par an, couvrant un large éventail de genres.
Plus précisément, le cinéma hongkongais bénéficiait alors d’un atout unique à l’échelle mondiale : sa flexibilité et sa rapidité d’exécution. Par exemple, lorsqu’une scène d’explosion dans un aéroport était nécessaire, alors que d’autres pays devaient se plier à des procédures administratives complexes, Hong Kong pouvait adapter son décor et tourner la séquence en un temps record.
Dans l’industrie, il existait une expression : « 7 jours de frais », qui désignait la capacité des équipes de production à filmer l’essentiel d’un film en seulement sept jours, tout en garantissant un haut niveau de qualité. Une telle efficacité, rare dans l’industrie cinématographique mondiale, permettait aux films hongkongais de capter les tendances et les événements sociaux en temps réel. Cette réactivité et cette capacité à innover en permanence ont donné au cinéma hongkongais un avantage concurrentiel exceptionnel.
Dans les années 1980, une large partie de la société hongkongaise nourrissait l’espoir de s’enrichir rapidement grâce aux jeux de hasard, notamment la loterie Mark Six (六合彩 Liuhecai). Cet état d’esprit a rapidement été capté par les cinéastes de l’époque et intégré dans leurs scénarios, donnant naissance à une série de films à succès comme It's a Mad, Mad, Mad World (富贵逼人 Fu Gui, Bi Ren). Ces œuvres ne se contentaient pas de refléter avec justesse l’atmosphère sociale du moment, elles sont également devenues des classiques du cinéma hongkongais.
Par ailleurs, les professionnels du spectacle à Hong Kong se distinguaient par leur rigueur et leur éthique professionnelle. Leurs exigences personnelles élevées contribuaient à renforcer les standards de l’industrie et la qualité des productions cinématographiques.
Le film de wuxia (ndt : genre de récit impliquant des justiciers experts en arts martiaux dans la Chine ancienne) est le genre emblématique du cinéma en langue chinoise et a largement contribué à l’âge d’or du cinéma hongkongais. Selon vous, pourquoi Hong Kong a-t-il réussi à imposer ce genre sur la scène internationale ?
Dans les années 1980, le cinéma hongkongais bénéficiait de nombreux atouts pour produire des films de wuxia. À l’époque, un grand nombre de films appartenaient au genre du kung-fu ou du wuxia.
Les scènes d’action reposaient alors principalement sur de véritables combats chorégraphiés, sans recourir massivement aux effets spéciaux. La plupart des acteurs spécialisés dans les arts martiaux avaient suivi un entraînement rigoureux dès leur plus jeune âge et possédaient de solides compétences en kung-fu. Grâce à des années de pratique intensive, ils développaient un style unique et des performances spectaculaires. Devant la caméra, ils pouvaient exécuter des cascades impressionnantes en toute authenticité, offrant ainsi aux spectateurs des scènes d’action saisissantes et immersives.
En outre, le contexte social de l’époque et la passion du public pour la culture du wuxia ont favorisé l’essor du genre. Beaucoup de Hongkongais pratiquaient les arts martiaux pour se maintenir en forme, créant ainsi une véritable tendance. Les compétitions et les événements liés au kung-fu attiraient un large public, renforçant la popularité du cinéma d’arts martiaux.
Cependant, avec l’évolution du temps, l’industrie cinématographique hongkongaise a progressivement perdu ces atouts. Aujourd’hui, les films d’action reposent de plus en plus sur des effets spéciaux et des doublures, au détriment de l’authenticité et de la qualité artistique des performances martiales. Par ailleurs, l’engouement du public pour la culture wuxia s’est affaibli. Pour revitaliser ce genre, il est essentiel de revenir à l’essence même des films de wuxia : valoriser les performances martiales réelles tout en intégrant les technologies modernes pour séduire les spectateurs contemporains.
De manière générale, quel est l’état actuel du cinéma hongkongais ? Quels sont les principaux obstacles qui freinent son développement ?
L’âge d’or du cinéma hongkongais a atteint son apogée en 1992 avec un record au box-office. Mais dès 1993, l’industrie a amorcé un déclin, marquant un tournant historique. La crise financière asiatique de 1997 a ensuite porté un coup sévère au secteur, et, depuis, le marché hongkongais a été progressivement envahi par les films étrangers.
Aujourd’hui, les principaux freins au développement du cinéma hongkongais sont la baisse de la production, le manque de diversité thématique et l’essoufflement de la créativité. Autrefois, Hong Kong produisait environ 400 films par an ; ce chiffre est désormais tombé à une cinquantaine. Par ailleurs, le marché local étant limité et le coût de la vie élevé, il est difficile de financer des productions d’envergure. Malgré l’expertise technique des équipes de tournage et des acteurs, la hausse des coûts et la fuite des talents ont réduit ces avantages. En outre, le manque de diversité thématique a conduit à une certaine lassitude du public, qui peine à retrouver un souffle de nouveauté dans les films hongkongais.
Concernant les coproductions avec la Chine continentale, la collaboration s’est intensifiée après la politique de Réforme et d’Ouverture du marché chinois, notamment durant les années 1980 et 1990, une période faste pour les deux cinémas. Cependant, vers 1994, avec l’ouverture progressive du marché chinois et l’approfondissement des coopérations sino-hongkongaises, le cinéma hongkongais a commencé à perdre peu à peu sa singularité et son caractère irremplaçable.
Pour renouer avec son dynamisme, l’industrie cinématographique hongkongaise doit retrouver ses spécificités et ses atouts tout en explorant de nouvelles voies de développement et d’innovation afin de surmonter les défis actuels.
Ces dernières années, l’industrie cinématographique en Chine continentale, en Inde et ailleurs a progressé à grande vitesse. Dans ce contexte, Hong Kong conserve-t-il encore ses atouts ? Quels leviers le cinéma hongkongais peut-il actionner pour surmonter ses obstacles et amorcer une renaissance ?
Malgré l’évolution du paysage cinématographique mondial, Hong Kong bénéficie toujours d’avantages structurels. D’une part, son statut de centre financier international garantit une grande fluidité des capitaux pour le financement des films, tandis que sa fiscalité avantageuse et son rythme de production rapide assurent une exécution efficace et de haute qualité.
Pour revitaliser l’industrie, il est essentiel d’exploiter pleinement ces atouts. Tout d’abord, Hong Kong doit identifier des niches créatives dans les secteurs où l’accès au marché chinois est relativement ouvert, tout en veillant à appliquer avec réactivité les politiques du gouvernement de la Région administrative spéciale afin de préserver la fraîcheur et la compétitivité du cinéma local. Ensuite, le cinéma hongkongais ne doit pas se limiter au marché intérieur chinois, mais renouer avec l’international pour diversifier ses débouchés et renforcer sa présence à l’étranger.
Par ailleurs, il est crucial d’encourager l’adoption de technologies de pointe, notamment les environnements virtuels, et de promouvoir des formations techniques complètes afin d’améliorer les compétences des professionnels et d’élever la qualité des productions. Sur le plan créatif, Hong Kong doit sortir de sa zone de confort et élargir la palette de ses récits en abordant des thématiques variées, allant des problématiques sociétales aux explorations de la nature humaine, tout en maintenant un équilibre entre viabilité commerciale et responsabilité sociale.
Enfin, l’industrie doit préserver et renforcer la rigueur et le professionnalisme de ses acteurs et techniciens. Seule une production de qualité constante pourra regagner la confiance du public et des investisseurs, consolidant ainsi le marché et ouvrant la voie à une véritable renaissance du cinéma hongkongais.
À l’avenir, selon vous, comment le cinéma hongkongais peut-il raconter efficacement l’histoire de Hong Kong et, plus largement, celle de la Chine ?
Raconter une histoire doit toujours partir de la réalité et refléter fidèlement la société, sans se limiter à une narration superficielle. Il est essentiel d’explorer une diversité de sujets pour montrer toutes les facettes de la vie, en mettant en lumière aussi bien des figures inspirantes que des leçons issues d’expériences négatives, afin de transmettre un message complet et riche en émotions.
Pour ce qui est de l’histoire de Hong Kong, il est primordial d’exploiter l’arrière-plan culturel unique de la ville et son environnement social. L’objectif est de créer des œuvres qui, tout en restant ancrées dans l’identité locale, puissent également refléter l’image globale du pays. Cela permettrait non seulement de mettre en avant la diversité et le dynamisme de la société hongkongaise, mais aussi de renforcer les échanges culturels et la compréhension entre la Chine continentale et Hong Kong.
Quant à la manière de mieux raconter l’histoire de la Chine, les créateurs doivent puiser dans la richesse de la culture traditionnelle chinoise et dans l’évolution de la société moderne. L’essentiel est de toucher le public à travers des récits authentiques et émouvants, en veillant à approfondir les thématiques et à leur donner du relief, plutôt que de se limiter à une approche simpliste ou superficielle. C’est ainsi que l’on pourra transmettre efficacement les valeurs culturelles chinoises et les avancées sociales du pays, tout en renforçant la compréhension et l’adhésion du public à l’histoire chinoise.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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