Né dans une petite ville du Fujian, le snack de Shaxian s’est imposé comme un phénomène national, avant de partir à la conquête du monde. Avec plus de 88 000 établissements et une stratégie bien rodée mêlant tradition populaire, franchise maîtrisée et ambitions internationales, ce fast-food à la chinoise incarne la montée en puissance discrète mais déterminée de la Chine dans le domaine culinaire. Entretien exclusif avec Yang Liu, président de l’association chinoise de la cuisine.

Les snacks de Shaxian, originaires du district de Shaxian à Sanming, dans la province du Fujian, jouissent d’une renommée aussi bien en Chine qu’à l’étranger. Aujourd’hui, à la faveur de l’initiative « la Ceinture et la Route », ces spécialités sont présentes dans 79 pays et régions à travers le monde, avec un total de 229 établissements à l’international. Elles constituent ainsi l’une des vitrines de la gastronomie et de la culture chinoises à l’étranger. Comment expliquer le succès mondial des snacks de Shaxian ? Le président de l’association chinoise de la cuisine, Yang Liu, donne des éléments de réponse.

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Comment les snacks de Shaxian sont-ils apparus ? Et comment ont-ils connu un tel essor ?

Le district de Shaxian, situé dans le centre de la province du Fujian, a été fondé il y a plus de 1 600 ans. Ce territoire a longtemps constitué un axe stratégique des échanges nord-sud et est-ouest de la Chine. De nombreux migrants venus du cœur de la Chine et un grand nombre de marchandises en transit entre le littoral sud-est et l’intérieur des terres passaient par là. Pour répondre aux besoins des commerçants et des voyageurs, une offre alimentaire locale s’est développée autour de trois caractéristiques : prix abordables, grande variété et service rapide.

Selon les documents historiques, les snacks de Shaxian remontent à la période Yixi de la dynastie des Jin de l’Est. Ils se sont développés sous les Tang et les Song, ont prospéré sous les Ming et les Qing, et ont perduré jusqu’à nos jours. On les surnomme parfois « fossile vivant » de la culture gastronomique traditionnelle chinoise.

Dans les années 1980, les habitants de Shaxian ont commencé à fabriquer et vendre ces petits plats pour subvenir à leurs besoins. Des spécialités comme les nouilles froides ou les raviolis plats ont conquis le public grâce à leur prix modique et à leur goût particulier. Voyant là une opportunité économique, les habitants se sont mis à ouvrir des échoppes, d’abord ailleurs en Chine, puis dans le reste du monde.

Aujourd’hui, les snacks de Shaxian comptent environ 240 variétés, sont présents dans 79 pays et régions, avec plus de 88 000 points de vente pour un chiffre d’affaires annuel dépassant 55 milliards de yuans (RMB), et soutiennent l’emploi de plus de 300 000 personnes. En 2021, le savoir-faire des snacks de Shaxian a été inscrit sur la liste des projets représentatifs du patrimoine culturel immatériel national.

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Les snacks de Shaxian sont devenus un véritable phénomène, au point d’être qualifiés de « snack national » par le grand public. Quel est le secret de leur popularité ?

Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, il y a une richesse culturelle profonde. Les snacks de Shaxian s’appuient sur un socle historique et culturel populaire très solide. Ils se distinguent notamment par leur grande variété, leurs saveurs originales et leurs prix abordables. La culture culinaire du centre de la Chine a été transmise à Shaxian au fil des migrations successives depuis le nord, faisant de ce district un carrefour des traditions gastronomiques chinoises. C’est l’une des raisons principales de leur notoriété nationale.

Deuxièmement, ils constituent une alliance des goûts du nord et du sud. Les snacks de Shaxian sont nés de la rencontre entre la culture des nouilles des Hans du centre de la Chine et celle du riz propre à la région de Minyue, dans le Fujian. Ce métissage leur a conféré une capacité d’adaptation exceptionnelle. En s’imprégnant au fil du temps des différentes traditions culinaires locales, ils ont su conserver les saveurs authentiques tout en explorant de nouvelles voies, faisant preuve d’une grande créativité.

Troisièmement, le développement industriel a été coordonné. Le district de Shaxian a mis en place un modèle de gouvernance associant pilotage public et participation du capital privé. Cela passe notamment par la création d’un fonds dédié au développement des snacks de Shaxian, la mise en place de cinq centres spécialisés, ou encore la fondation d’un institut de recherche sur leur culture. Ce dispositif a permis de structurer une filière intégrée qui englobe la logistique, la restauration, le tourisme culturel et le bien-être. La valeur ajoutée du secteur tertiaire dépasse désormais 12 milliards de yuans. Cela illustre à la fois la mise en œuvre du « grand concept alimentaire » promu par les autorités et le rôle de la restauration comme moteur d’un développement équilibré entre villes et campagnes, au service de la revitalisation rurale.

Quatrièmement, il y a eu aussi un pilotage fort de la marque. Afin de structurer et encadrer le développement des snacks de Shaxian, tout en garantissant la qualité, le district a instauré un modèle intégré dit de « maison mère - filiales - points de vente ». Grâce à la distinction entre magasins phares, boutiques standardisées et établissements modèles, et à leur gestion normée, la marque est protégée, des standards sont définis, et les enseignes montent en gamme. En s’appuyant sur des axes comme la standardisation, la franchise, l’industrialisation, l’internationalisation et la numérisation, Shaxian cherche à construire un véritable cluster industriel et à développer une économie de siège. L’objectif est d’inscrire les snacks de Shaxian dans une nouvelle ère de restauration de marque en réseau.

Enfin, il y a une vraie synergie entre culture et tourisme. Des lieux emblématiques comme la cité de la gastronomie de Shaxian, le musée de la technologie culinaire ou encore le musée des traditions populaires ont été créés pour faire découvrir la culture gastronomique locale. Chaque année, ces sites attirent plus de cinq millions de visiteurs. En décembre 2023, le district de Shaxian a été officiellement reconnu comme base d’échanges entre les deux rives du détroit de (ndt : entre la Chine continentale et l’île de Taïwan). Il a également accueilli avec succès le festival touristique et culinaire de Shaxian, ainsi que le tout premier festival gastronomique réunissant les deux rives du détroit de Taïwan, renforçant encore la visibilité de la marque et soutenant la montée en gamme du secteur.

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Quelle est la situation actuelle du développement des snacks de Shaxian à l’international ? Et comment mieux s’implanter à l’étranger ?

La province du Fujian est une terre d’émigration historique. Depuis 2016, le district de Shaxian s’appuie sur cet atout pour promouvoir activement l’exportation de sa gastronomie.

Grâce à l’enregistrement officiel du logo et du nom « 沙县小吃 (Snacks de Shaxian) » comme marque collective auprès de l’Office chinois de la propriété intellectuelle, le syndicat professionnel des snacks de Shaxian a lancé une démarche de protection internationale via le système de Madrid. Des dépôts de marque ont été effectués dans des pays comme le Japon, les États-Unis ou le Royaume-Uni, portant à 77 le nombre de pays et régions concernés.

Aujourd’hui, les snacks de Shaxian sont présents dans de nombreux pays à travers des partenariats de licence de marque avec des entreprises de restauration expérimentées et solides. Cette stratégie vise à développer l’internationalisation, la standardisation et la franchise de la marque. Des enseignes ont ainsi vu le jour aux États-Unis, au Japon, au Portugal, en France, à Singapour, en Malaisie, au Vietnam, en Indonésie, aux Philippines ou encore au Canada.

Pour accompagner ce développement, Shaxian a organisé à ce jour 15 sessions de formation à destination des partenaires étrangers. Des équipes techniques ont ainsi été formées pour les filiales en France, au Japon, en Indonésie, au Canada et aux États-Unis, afin de renforcer leurs compétences et garantir une croissance stable.

Avec l’essor de l’économie chinoise, la culture gastronomique du pays suscite un intérêt croissant à l’échelle mondiale. Toutefois, la restauration chinoise à l’étranger reste confrontée à plusieurs défis majeurs : mise en place de chaînes logistiques efficaces, systèmes d’approvisionnement fiables, et structuration managériale adaptée aux marchés internationaux.

L’exportation de la cuisine chinoise exige avant tout une vision claire de son positionnement, de ses spécialités et de son public cible.

Du côté de la chaîne d’approvisionnement, il est essentiel de procéder à une implantation en amont : en construisant un système logistique complet, garantissant la qualité, la sécurité et la traçabilité des ingrédients, on pose les bases solides d’une présence durable sur le marché. En matière de développement produit, il est également fondamental d’intégrer des éléments de goût locaux et d’adapter les recettes si nécessaire, pour mieux s’ancrer dans les habitudes alimentaires du pays d’accueil. Par ailleurs, dans le processus d’internationalisation de leur marque, les entreprises chinoises doivent impérativement respecter les lois et réglementations locales. La réussite passe par une stratégie combinant qualité, standardisation, mise à l’échelle et adaptation culturelle, afin de favoriser une véritable fusion entre la marque et les cultures locales.

Quels enseignements les snacks de Shaxian peuvent-ils tirer de l’expérience des grandes marques de restauration internationales, en matière de promotion et de protection de leur image ?

Les grandes chaînes de restauration connues à l’international s’appuient généralement sur un modèle d’exploitation standardisé et une identité de marque cohérente à l’échelle mondiale, ce qui leur permet de diffuser leur culture culinaire à travers la planète.

Elles accordent aussi une attention particulière à la protection et à la transmission de leur savoir-faire, en formant leurs employés et leurs partenaires pour garantir la cohérence et la qualité des produits et du message de marque.

Des marques comme Shaxian peuvent s’inspirer de leur approche dans plusieurs domaines : protection de la propriété intellectuelle, développement durable, internationalisation, transition numérique ou encore gestion de crise. Ces leviers sont autant de moyens de renforcer la compétitivité et la valeur de marque à long terme.

La gastronomie chinoise est porteuse d’une grande richesse narrative. À travers elle, se racontent de multiples « histoires chinoises ». La cuisine permet une meilleure compréhension mutuelle entre civilisations, favorisant le dialogue, l’apprentissage réciproque et la progression commune.

Un exemple concret : en décembre dernier, l’édition spéciale à Shaxian de l’événement Qiao Jia Le — un programme d’échanges culinaires destiné aux Chinois d’outre-mer — s’est tenue dans la province du Fujian. Elle a permis non seulement de promouvoir les snacks de Shaxian, mais aussi de renforcer l’intérêt et la connaissance des consommateurs étrangers pour la culture gastronomique chinoise.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.