
Devises des universités chinoises : reflet de l’esprit culturel et de la philosophie pédagogique ?
La devise d’une université est l’expression synthétique d’un esprit culturel et d’une philosophie pédagogique. À travers elle, nous pouvons appréhender les conceptions éducatives, les traditions, les valeurs et même la formation du caractère national des universités chinoises et occidentales.
Où est apparue la première devise universitaire ? Quelles sont les caractéristiques des devises universitaires chinoises et occidentales ? Quel esprit culturel et quelle philosophie reflètent-elles ? Pour répondre à ces questions, China News a récemment interviewé Sun Lei, vice-président de l’Université du Nord-Est et professeur à l’Institut du marxisme.
Quelle est l’origine du terme « devise d’école » (xiaoxun) en chinois ?
Nous pouvons dire que les devises d’école en Chine « sont apparues précocement et sont endogènes ». Dans l’Antiquité, les devises d’école étaient une réalité, sans qu’il existe de terme pour les désigner. Dès leur apparition, elles ont eu une fonction « éducative ». La devise de l’Académie Yuelu, sous la dynastie des Song du Sud (420-479), était « loyauté, piété filiale, probité et intégrité ». Elle s’est perpétuée jusqu’à l’émergence des universités religieuses à la fin de la dynastie Qing (1644-1912) et l’unification des devises. Dans la Chine moderne, après que les universités religieuses ont successivement formulé leurs devises, l’entité « devise d’école » (xiaoxun) est née et s’est répandue. Cependant, le terme en tant que tel n’existait pas encore car « l’université » chinoise traditionnelle n’avait pas de mot composé des caractères « école » et « formation ».
Ce n’est qu’après la guerre sino-japonaise de 1894 que les sages de l’éducation ont emprunté au japonais « koukun » pour former le terme chinois « xiaoxun », dont la sonorité est proche, car la prononciation en japonais dérive elle-même du chinois ancien du sud de la vallée du Yangzi. Dès lors, bien que le terme chinois « devise d’école » soit un emprunt, il a un profond enracinement local. Le terme « devise d’école » a donc un lien étroit avec les anciennes devises chinoises et celles des universités occidentales. Il s’agit d’une concrétisation du concept et du prototype de devise d’école et d’une clarification des devises universitaires chinoises.
La devise de l’Université Tsinghua : « Efforts incessants pour s’améliorer et grande vertu pour rendre le monde meilleur », a été prononcée par Liang Qichao. DR.
Quelles sont les caractéristiques des devises universitaires chinoises ? Quel esprit culturel et quels principes philosophiques reflètent-elles ?
Je pense que les caractéristiques des devises des universités chinoises peuvent être résumées en quatre dimensions spirituelles, à savoir la longueur de l’histoire, la profondeur de la philosophie, la température de la littérature et l’épaisseur de l’esthétique. Les devises universitaires sont la présentation et l’expression synthétiques de ces quatre dimensions spirituelles majeures. Elles recèlent des attributs culturels et incarnent l’esprit et la philosophie culturels.
Les devises des universités chinoises sont profondément influencées par le meilleur de la culture traditionnelle chinoise, avec une forme d’expression littéraire de style proprement chinois et une connotation philosophique à la chinoise. Par exemple, la devise « érudition, questionnement, réflexion avec prudence, discernement et dévouement » de l’Université Sun Yat-sen s’appuie sur un solide héritage philosophique et culturel et est empreinte de sagesse.
En outre, la doctrine du juste milieu est particulièrement frappante. « Connaissance et action ne font qu’un » de Wang Yangming est analysée dans la perspective initiale du « juste milieu » (zhongyong). Le philosophe He Yan explique : « Yong, c’est l’ordinaire. Le milieu et l’ordinaire forment la voie de l’action. » À l’instar du fameux dicton « cet esprit ne bouge pas, mais se meut à l’envi », il ne faut pas se laisser accabler par les émotions, entrer dans un état du juste milieu « pas encore développé », saisir l’instant, agir en pleine conscience. L’action doit être « médiane », soit l’unité de la connaissance (la conscience) et de l’action. La devise de l’Université du Nord-Est, « efforts constants pour se perfectionner et unité de la connaissance et de l’action », en est une bonne illustration. Pendant la période d’agression impérialiste japonaise, l’Université du Nord-Est n’a pas oublié de sauver la nation et d’essayer de survivre. En 1928, Zhang Xueliang déclara à ses étudiants : « J’espère vraiment que vous serez fermes dans vos aspirations et que vous utiliserez ce que vous avez appris. Si tous les universitaires du pays font de même, la Chine s’améliorera. » L’Université du Nord-Est perçoit la connaissance comme une action. Cette dernière détermine l’action. Le savoir est la voie de l’action et l’action est l’aboutissement du savoir. Sur la voie du juste milieu, où la quête de la vérité et le travail assidu sont poursuivis avec persévérance, saisir l’opportunité est l’assurance de faire un bond qualitatif. C’est un héritage et une innovation du juste milieu traditionnel, mais aussi une transcendance et de percée.
Les devises d’école sont une forme dématérialisée de philosophie de l’éducation. Quelles sont les similitudes et les différences entre les concepts éducatifs chinois et occidentaux que l’on peut déceler à la lecture de leurs devises ?
Les devises universitaires révèlent les conceptions, les traditions et les valeurs éducatives des universités chinoises et occidentales, ainsi que la formation du caractère national.
Les devises universitaires chinoises puisent leur origine dans la vertu principale et la quête du bien. La culture chinoise est vertueuse, avec la culture confucéenne comme corps principal, les liens du sang comme modèle et l’éthique et la moralité humaine comme piliers de la société. Le sentiment national et le sentiment familial revêtent une fonction inévitable. L’essor de la classe « savante », en particulier, ainsi que « la culture de la vertu, l’organisation de la famille, la gouvernance du pays et du monde », ont donné aux Chinois un sens élevé des responsabilités et des obligations envers la nation et le pays et une forte vitalité et cohésion.
Par exemple, la devise de l’Université Tsinghua, « Efforts incessants pour s’améliorer et grande vertu pour rendre le monde meilleur », a été prononcée par Liang Qichao, lors d’une conférence sur « l’homme de bien » en 1914 à l’Université Tsinghua. Il a cité le Livre des mutations : « L’action du ciel est robuste, l’homme de bien ne ménage pas ses efforts pour se perfectionner. La puissance de la terre est kun, l’homme de bien use d’une grande vertu pour rendre le monde meilleur. » Il encourageait ainsi les étudiants de Tsinghua à avoir un esprit combatif, à ne jamais abandonner et à se doter de la largesse d’esprit de l’homme de bien.
À contrario, les devises des universités occidentales sont directes, louent la vérité et la liberté et font souvent des références directes à la Bible. Le contenu idéologique des devises des universités occidentales a évolué. Alors qu’elles mettaient avant tout l’accent sur les esprits divins et Dieu, l’autonomie et la liberté, elles prônent aujourd’hui l’intellectualité, la quête de la vérité et le service. Cela reflète les aspirations et philosophies des universités occidentales. Par exemple, la devise de l’Université de Californie à Los Angeles, « Fiat Lux » (Que la lumière soit), affirme que la révélation divine est la source de la vérité et de la connaissance.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo du haut : la devise de l’Académie Yuelu, sous la dynastie des Song du Sud (420-479), était « loyauté, piété filiale, probité et intégrité » © site Internet de l’académie Yuelu d’aujourd’hui
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