
Mo Guangyao : « Dans la lutte contre la drogue, la Chine est confrontée à de nouveaux défis »
Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, le trafic de drogue constitue une menace importante pour la stabilité et le développement. Aucun pays ne peut faire cavalier seul dans ce domaine, d’où la nécessité d’une coopération renforcée à l’échelle internationale. Pour sa part, la Chine a toujours participé activement à l’effort international contre le trafic de drogue. Elle se situe même aujourd’hui aux avant-postes de cette lutte.
Depuis 1987, l'Assemblée générale des Nations unies célèbre chaque année la Journée internationale contre le trafic de drogue, organisée le 26 juin. C’est pour cette raison que, cet été, le média China News est allé à la rencontre de Mo Guangyao, professeur à l’École de droit et de sociologie de l’Université normale du Yunnan. Ce dernier, qui a occupé une longue carrière de fonctionnaire et rédigé plusieurs ouvrages sur la question, nous apporte ici son éclairage sur la contribution de la Chine à la promotion et à la coopération internationale dans la lutte contre le trafic de drogue.
À quelle époque la drogue est-elle vraiment devenue un problème pour la Chine ?
Le problème de la drogue a commencé avec les débuts de l’importation d’opium en Chine, pendant la dynastie Tang (618-907). Au début de cette période, les marchands arabes qui passaient par le nord et qui empruntaient la route terrestre des routes de la soie, se servaient de l’opium pour payer leur tribut à l’empereur chinois. Mais c’est surtout pendant la dynastie Ming (1368-1644) que la circulation de la drogue a connu un tournant en Chine, avec l’ouverture des routes de la soie au sud. À ce moment-là, c’est le voyage de l’amiral chinois Zheng He qui a assurément ouvert la voie au commerce avec l’Occident, et donc également aux importations d’opium en Chine.
Au milieu et à la fin de la dynastie Ming, l’opium est passé discrètement d’un usage médicinal à un usage récréatif. Il a dès lors commencé à circuler au sein de la population chinoise. L’opium a même fait son entrée dans la cour impériale, au moment où l’empereur et son entourage s’adonnaient à un mode de vie hédoniste et fastueux. L’opium est alors devenu un produit de luxe. C’est dans ces conditions qu’on estime finalement qu’il a largement contribué à la chute de la dynastie Ming. Par la suite, les importations de cette drogue ont encore augmenté pendant la dynastie Qing (1644-1912) : entre 1800, date à laquelle la Compagnie britannique des Indes orientales avait décidé de vendre de l’opium à la Chine, et 1839, l’année du début de la première guerre de l’opium, les colons britanniques ont importé plus de 638 119 caisses d’opium en Chine. On a compté jusqu’à 25 millions d’usagers de l’opium en Chine à cette époque. C’est en cela que l’on peut affirmer que la drogue est devenue un grave fléau qui menaçait aussi bien la société que la nation chinoise.
Le gouvernement des Qing décide finalement d’envoyer le fonctionnaire Lin Zexu dans la province du Guangdong, afin d’enrayer le phénomène et d’interdire le commerce de l’opium en Chine. Cette nouvelle politique portait atteinte aux intérêts britanniques, et c’est pour cette raison que ces derniers ont lancé la première guerre de l’opium en 1840 contre la Chine, ouvrant ainsi un chapitre d’humiliation dans l’histoire de la Chine moderne. Notre pays, qui a été alors contraint de signer une série de traités inégaux et de céder des terres en guise de réparations de guerre, est alors devenu un État semi-colonial et semi-féodal.
Comment ce « siècle de l’humiliation » a-t-il transformé le point de vue des Chinois sur les drogues ?
Les Chinois considèrent la drogue comme une menace pour la sécurité nationale, l’intégrité territoriale, la stabilité sociale, mais aussi pour le développement du pays et le bien-être du peuple. C’est pour cela que la Chine a toujours été déterminée à punir sévèrement les crimes liés à la drogue. Au lendemain de la fondation de la République populaire en 1949, le gouvernement a lancé une vigoureuse campagne contre la drogue, et en l’espace de trois ans, il avait éradiqué un problème séculaire qui durait depuis plus d’un siècle.
Le trafic de drogue continue cependant de subsister, et notamment dans le sud-ouest de la Chine, dans le Yunnan, à la frontière du « Triangle d’or » (une région montagneuse aux confins du Laos, de la Birmanie et de la Thaïlande, connue pour être un haut lieu du trafic de drogue transfrontalier). Ce lieu est encore aujourd’hui l’un des principaux foyers d’échange et de production de drogue dans le monde. Depuis les années 1970, le gouvernement chinois a adopté une politique stricte de lutte contre le trafic de drogue dans cette région.
Comment la Chine promeut-elle la coopération internationale dans la lutte contre la drogue ?
Depuis plusieurs années, la drogue est devenue un problème international. Les types de drogues sont de plus en plus variés, les consommateurs sont de plus en plus nombreux, les quantités échangées et consommées sont aussi plus importantes, par conséquent, les lieux de production sont également plus nombreux. Cela s’explique en grande partie par la mondialisation économique et par la diffusion des technologies de l’information et des communications. Ce n’est donc pas un contexte facile, et c’est pourquoi le gouvernement chinois estime que le problème de la drogue, dans la mesure où il est international, nécessite une action coordonnée de toute la communauté internationale.
La contribution de la Chine à cette coopération globale en matière de lutte contre la drogue prend plusieurs formes et s’inscrit dans plusieurs organisations. Premièrement, la Chine coordonne ses activités avec celles de l'Office des Nations unies contre les drogues et le crime, mais aussi avec celle des organisations internationales intergouvernementales, comme le mécanisme de coopération anti drogue de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), ou le mécanisme de coopération anti drogue des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). La Chine travaille également en étroite collaboration avec le mécanisme de coopération antidrogue de l'organisation multilatérale « Lancang-Mekong » (qui comprend les États riverains du fleuve Lancang et du Mékong). La Chine collabore enfin avec les mécanismes des organisations régionales, comme l’ASEAN, mais aussi dans le cadre de partenariats bilatéraux, comme le mécanisme de coopération anti-drogue Chine-Birmanie, Chine-Vietnam, Chine-Laos ou encore Chine-Philippines. À ce titre, la Chine travaille d’ailleurs aussi de longue date avec Interpol.
Où en est-on aujourd’hui dans cette coopération internationale et comment la Chine y contribue-t-elle ?
Il est désormais possible d’affirmer que la criminalité liée à la drogue est sous contrôle en Chine. Il y a de moins en moins de toxicomanes dans notre pays, moins de production de drogue, moins de produits en circulation, et aussi moins de trafiquants. En revanche, du fait de certains facteurs comme la Covid-19, le problème de la drogue s’est renforcé à l’échelle mondiale. L'Office des Nations unies contre les drogues et le crime a par exemple indiqué que l’épidémie avait entraîné de nombreux changements dans les modes de vie, et aussi changé les modalités du trafic de drogue. Récemment, on a aussi observé un affaiblissement de la lutte contre la drogue dans les zones du « Triangle d’or », mais aussi dans le « Croissant d’or » (le principal lieu de production d'opium en Asie, situé au carrefour de l'Asie Centrale, de l'Asie du Sud et de l'Asie Orientale), ainsi qu’en Amérique du Sud. Les causes de la recrudescence des drogues sont nombreuses : la récession économique conduit certains agriculteurs à se tourner vers la culture de la drogue. De même, la hausse du chômage engendre de la pauvreté et accroît le risque chez certaines personnes de se tourner vers la consommation de drogue ou vers des activités liées à la drogue. À l’heure actuelle, on estime que près de 275 millions de personnes consomment de la drogue dans le monde.
Dans la lutte contre la drogue, la Chine est confrontée à de nouveaux défis. Il faut mettre l’accent sur l’éducation et la prévention de la toxicomanie et renouveler sans cesse les méthodes de prévention. Il faut aussi continuer de combattre les crimes liés à la contrebande, au transport et à la fabrication des drogues. Il faut aussi renforcer le travail communautaire dans le domaine de la désintoxication et de la réinsertion sociale des personnes dépendantes aux drogues. Il faut également combler les manques de compétences et le manque de professionnels dans ce domaine. Enfin, pour faire face à la mondialisation et à la mise en réseau croissante des crimes liés à la drogue, il est nécessaire de mener une coopération internationale sur tous les fronts. À ce titre, la puissance de la Chine sur la scène internationale ne pourra qu’être bénéfique.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
Photo : CNS
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