Michele Ruggieri : le premier missionnaire occidental à s’installer en Chine au XVIe siècle

1668073493468 China News Cheng Jingwei

Aux premiers temps de la connaissance sino-occidentale, entrer en Chine était considéré pour les missionnaires étrangers comme « plus difficile que d'atterrir sur la lune ». L’un d’entre eux y est cependant parvenu, il s’agit de l’italien Michele Ruggieri qui est connu en Chine sous le nom de Luo Mingjian. Il fut le premier missionnaire occidental à s'installer de façon permanente en Chine continentale bien avant Matteo Ricci. 

Chercheur en histoire spécialiste des dynasties Ming et Qing et rédacteur en chef des Éditions du peuple du Guangdong, Zhong Yongning a récemment publié une monographie intitulée La disparition du passeur - Luo Mingjian et la première rencontre des connaissances entre l’Orient et l’Occident. Dans une interview exclusive accordée à China News, il a déclaré que l’installation durable en Chine continentale de Luo Mingjian était due d’une part à son talent, sa volonté et son charisme surhumains mais d’autre part et surtout à son identification sincère à la culture chinoise, à son respect et à son amour pour celle-ci. Ouvrant la voie aux échanges culturels entre l'Orient et l'Occident, il a contribué à de nombreuses « premières ».

Qui est Luo Mingjian ? Comment a-t-il réussi à surmonter les nombreuses difficultés liées à son entrée en Chine ?

Né en Italie en 1543, Michele Ruggieri s'est officiellement installé en Chine continentale en septembre 1583 après son troisième séjour à Zhaoqing dans la province du Guangdong, devenant ainsi le premier jésuite catholique à résider en Chine continentale de façon permanente. À cette époque, le gouvernement de la dynastie Ming n'autorisait pas les étrangers à entrer sur le continent pour y résider de façon permanente, à l'exception des marchands portugais de Macao et des émissaires apportant le tribut dont un séjour de courte période était autorisé. Au cours des quatre années qui ont suivi son arrivée à Macao en 1579, Michele Ruggieri est venu à Canton à quatre reprises et à Zhaoqing par deux fois soit en tant que marchand portugais, soit sur convocation des fonctionnaires locaux de la province du Guangdong. Cependant, son souhait d'établir une résidence permanente ne put être exaucé en raison de l'opposition du gouvernement local ou de changements de fonctionnaires.

Bien qu’il ait fait bonne impression auprès de Chen Rui alors gouverneur des provinces du Guanxi et du Guangdong, Ruggieri n’a pu cependant obtenir une réponse favorable à son désir lors de sa deuxième venue à Zhaoqing car ce dernier était tombé en disgrâce et démis de ses fonction par le Grand Secrétaire Zhang Juzheng.

Guo Yingpin, nouveau gouverneur des deux provinces, a pris connaissance de la lettre officielle de Chen Rui autorisant le missionnaire à construire une maison et à s’établir en Chine. Ce dernier a été convoqué à Zhaoqing afin qu’une enquête soit menée à son encontre. Michele Ruggieri a alors saisi cette occasion pour rencontrer Wang Pan, alors préfet de Zhaoqing, et lui dire combien il admirait la culture chinoise et qu’après un long voyage maritime depuis l’Occident il espérait obtenir un morceau de terre vierge pour y bâtir une résidence et y vivre comme un parfait chinois. Après des demandes répétées, et avec l’assentiment de Guo Yingpin, Wang Pan accepta finalement cette requête.

Comment expliquer la réussite de Michele Ruggieri, alors que de nombreux missionnaires occidentaux avaient échoué à s’installer en Chine avant lui à la fin de la période Ming ?

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L'arrivée des Portugais à l'Est et leur implantation à Macao au milieu du XVIe siècle provoqua une impatience du monde occidental à l’idée de pénétrer en Chine. Le premier jésuite à atteindre les frontières de la Chine continentale fut Saint-François-Xavier. En août 1552, dix ans après son arrivée en Orient, il accoste sur l’île de Shangchuan où il mourra suite à une maladie en décembre de la même année après une tentative infructueuse de se rendre à Canton par l'intermédiaire de marchands. Selon les recherches du sinologue français Jacques Gernet, par la suite, une cinquantaine de prêtres ont tenté d'entrer en Chine, mais tous ont échoué. L’installation durable de Michele Ruggieri sur le continent résulte de plusieurs facteurs. Tout d'abord, il avait un extraordinaire don naturel pour l’apprentissage et la communication dans les langues étrangères que n’avaient pas les autres missionnaires de l’époque. Ainsi, malgré les difficultés, il a été capable d’apprendre la langue des lettrés dès son arrivée à Macao. Ensuite, il avait une volonté exceptionnelle et pouvait endurer les épreuves généralement insupportables. Enfin, il était doux et gentil avec les autres, et avait une personnalité charismatique qui rendait les fonctionnaires et les universitaires heureux d'interagir avec lui. Pour terminer, il était exempt de préjugés culturels et portait une affection sincère pour la Chine et la culture chinoise. Capable de combiner l'autodiscipline morale des religions occidentales avec les vertus morales qui étaient tenues en haute estime par les érudits chinois, il était donc généralement accepté par les fonctionnaires et les érudits de son époque.

De Michele Ruggieri à Matteo Ricci, quel était le but des missionnaires occidentaux entrant en Chine à cette époque ? Quels sont les points communs et les différences entre les deux ?

Michele Ruggieri est arrivé à Macao en juillet 1579, Matteo Ricci environ trois ans plus tard en juillet 1582. Ruggieri avait par ailleurs joué un rôle important en écrivant de nombreuses lettres de recommandation à ses supérieurs à propos de ce compatriote et compagnon de voyage qui partageait le même rêve. Lorsque Ruggieri vint pour la deuxième fois à Zhaoqing pour y rencontrer Chen Rui, gouverneur du Guangdong et du Guangxi, il mentionna qu’un frère venait d'arriver à Macao. Si Ruggieri employait le mot frère au sens large du terme, Chen Rui pensait qu'il s’agissait du frère au sens strict et promis de le faire venir la prochaine fois. En septembre 1583, Michele Ruggieri amena donc son frère Matteo Ricci s'installer à Zhaoqing. Pendant leur séjour, Ruggieri et Ricci n'étaient pas fondamentalement différents dans leurs stratégies missionnaires. Ils pratiquaient tous deux les stratégies culturellement adaptées à la mission jésuite en Orient de l'époque, par exemple dans un premier temps l’apprentissage du chinois et plus précisément de la langue des lettrés ainsi que la gestion des bonnes relations avec les fonctionnaires afin d’obtenir leur soutien. Ensuite et surtout, ne pas limiter leur action au Guangdong, mais s'étendre aux autres provinces et prêcher du haut vers le bas. 

Un autre exemple était d’emprunter la voie de la prédication académique par l'utilisation des sciences et technologies afin d’orienter les faveurs de l'élite chinoise vers la civilisation européenne. Mais il y avait aussi quelques différences entre les deux jésuites : alors que Michele Ruggieri restait attaché aux principes de la doctrine catholique originelle, Matteo Ricci était plus pratique et adaptable. En essayant de persuader l'empereur chinois d'accorder une permission missionnaire en Chine par l’envoi d’une mission papale, il était également plus sensé.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Photo du haut :Michele Ruggieri.DR

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