
Le « Khagan Céleste » Li Shimin, un empereur éclairé, fondateur de la cohésion nationale chinoise
Empereur ambitieux, diplomate habile, chef militaire talentueux, poète amateur... Li Shimin, deuxième empereur et cofondateur de la dynastie Tang est également connu sous le titre de courtoisie « Khagan Céleste » auprès de la population nomade pour ses efforts en faveur de l'intégration et la cohésion nationale.
Li Shimin (600 - 649), ou Tang Taizong sous son nom de règne, a permis, grâce à ses compétences de chef-militaire et administrateur, à la Chine de connaître l’ère Zhenguan, considérée comme l’apogée de la dynastie Tang. Sa politique visionnaire à l’égard de la population nomade a aidé à renforcer l’intégration et les échanges entre différentes communautés ethniques dans l’histoire chinoise. Pourquoi ce titre honorifique de « Khagan Céleste » ? Dans quelle mesure la « Rencontre de Lingzhou », initiée par Li Shimin, a-t-elle marqué l’histoire chinoise ? Entretien avec Wang Chaohai, historien et professeur de l’Université de Ningxia, qui revient dans un entretien accordé à China News sur la vie hors du commun d’un « empereur éclairé ».
TangTaizong - Wikipédia
Quelles étaient les principales politiques et mesures mises en place par Li Shimin dans ses efforts visant à maintenir la paix et la cohésion nationale ?
Dans les annales de l'histoire, Li Shimin est souvent présenté comme un empereur modèle, qui s'est beaucoup préoccupé, tout au long de son règne, de gagner la paix et la cohésion nationale entre les différents peuples. Il a ainsi mis en place une poignée de politiques phares. Il s’agit, tout d’abord, de la politique heqin, ou la politique du mariage d’alliance, qui consiste à donner comme épouses des princesses - souvent des branches secondaires de la famille royale - aux dirigeants des peuples nomades. En témoigne notamment le mariage emblématique entre la Princesse Wencheng, parente lointaine de Li Shimin, et le roi et empereur tibétain Songtsen Gampo. Symbole de l’amitié et de la solidarité entre les peuples han et tibétain.
Deuxièmement, la politique de solidarité. Suite à de nombreuses campagnes des Tang contre les Turcs orientaux, Li Shimin a joué la carte de l’apaisement. D’un côté, il a fait venir plus de 100 000 Turcs orientaux sur le territoire des Tang, en leur proposant de s’y installer : une centaine d’entre eux ont été sélectionnés pour occuper des postes de hauts fonctionnaires. Et de l’autre, pour le reste de cette population, il a laissé les mains libres aux anciens chefs pour qu'ils s'autogouvernent au sein de leur communauté.
Troisièmement, Li Shimin s'est avéré extrêmement habile dans sa politique de moralisation et de reconnaissance. Issu d'une grande famille aristocratique et confucéenne, il a beaucoup misé sur la moralisation dans ses politiques d'intégration, en désignant les chefs de groupes ethniques minoritaires aux postes importants et en leur donnant des récompenses matérielles et symboliques.
En 646, Li Shimin s’est rendu à Lingzhou, dans le nord-ouest de la Chine d’aujourd’hui, pour rencontrer les chefs des différents groupes ethniques. Quelle est la portée historique de cette rencontre ?
C’est un grand événement historique, révélant au passage un souverain, aussi éclairé que progressiste, dans sa mise en œuvre des politiques ethniques. Son voyage à Lingzhou et sa décision de fonder des régions autonomes dans le nord ont aidé à résoudre des conflits ethniques complexes et intenses, mettant fin à une période de guerre et d’instabilité. Encouragés, de nombreux peuples nomades se sont ralliés au pouvoir central. Il s'agit également de la première fois que l’empire s'est étendu au nord du désert Gobi, dans le nord-ouest de la Chine actuelle, renforçant sa souveraineté sur ce territoire. Dans ce sens, la « Rencontre de Lingzhou » a joué un rôle essentiel dans le développement régional et la formation du destin commun de la nation chinoise.
Progression de la vassalité et des armées Tang dans le bassin du Tarim - Wikipédia
Pourquoi les populations nomades ont-elles appelé Li Shimin « Khagan Céleste » ?
D’habitude, les Turcs, les Ouïghours ou les Ruanruan appellaient à l'époque leur propre chef « Khagan ». On peut ainsi considérer que « Khagan Céleste » constitue un titre donné au chef suprême de tous les peuples. C’est en 630, l’année où les Tang se sont imposés face aux turcs orientaux, que Li Shimin a été reconnu comme « Khagan Céleste », par les chefs des différents peuples nomades. C'est un symbole d'alliance fort entre l'orthodoxie traditionnelle chinoise et les coutumes adoptés par les groupes ethniques.
Li Shimin tient beaucoup à l'égalité entre différentes ethnies…
Les politiques qu'il a menées est un reflet de sa vision sur les problématiques ethniques chinoises. L'égalité entre ethnies était une des leçons qu'il a tirées dans ses démarches pour obtenir la cohésion nationale. C'est quelqu'un de très ouvert d'esprit. Ainsi en 630, lors d'une discussion concernant les Turcs orientaux immigrés sur le territoire chinois, si la plupart des ministres ont soutenu une politique d'assimilation, Wen Yanbo était le seul qui a plaidé pour que les nouveaux habitants gardent en intégralité leurs coutumes et traditions tout en vivant en tribus, comme dans le passé. Li Shimin a pesé le pour et le contre avant d'adopter la proposition de ce dernier. L'histoire a prouvé qu'il avait raison.
Dans quelles mesures les politiques ethniques de Li Shimin pourraient-elles nous inspirer dans nos politiques d'aujourd'hui ?
Grâce à ses idées progressistes et un esprit pragmatique au plus haut sommet de l’État, le pays multiethnique, sous le règne des Tang, a su renforcer la stabilité et consolider la souveraineté aux frontières. Par conséquent, grâce aux échanges commerciaux entre différents régions et peuples, la condition de vie de la population s’est beaucoup améliorée. Nous pourrions puiser dans l'histoire pour tirer des enseignements sur la façon de mieux bâtir la conscience du destin commun de la nation chinoise. Premièrement, il faut sensibiliser le grand public sur la genèse et l'histoire de la notion du destin commun de la nation chinoise, car l'histoire de notre pays est jalonnée des échanges, interactions et intégrations entre groupes ethniques. Deuxièmement, nous devons également mettre l'accent sur l'importance de consolider les rapports entre politique, économie et culture, et de garantir l'égalité entre différentes ethnies, afin de réaliser la modernisation régionale et nationale. Troisièmement, il faut également renforcer l'intégration de toutes les ethnies dans la nation chinoise. C'est par le biais des valeurs culturelles, âme d'une nation, que nous pourrons éventuellement renforcer la cohésion nationale et nous forger une conscience du destin commun de la nation chinoise.
Photo du haut : Li Shimin. DR.
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