Comment les anciennes épaves en mer de Chine méridionale peuvent-elles témoigner de la prospérité de la route maritime de la soie ?

1674127987239 China News Fu Yuqun

La navigation conjointe des deux navires de recherche scientifique chinois Tansuo-1 et Tansuo-2 a récemment permis d’obtenir des résultats significatifs dans le nord de la mer de Chine méridionale et donné un nouvel élan à l’archéologie sous-marine. À l’heure actuelle, plus d’une centaine de sites d’épaves anciennes ont été découverts en mer de Chine méridionale. 

Comment interpréter l’histoire du commerce et des échanges culturels entre la Chine et l’étranger à partir des précieux artefacts découverts dans ces épaves ? Quelles perspectives les recherches archéologiques sur la route maritime de la soie peuvent-elle apporter à l’initiative actuelle « La ceinture et la route » ?

Chen Jiang, ancien directeur du musée provincial de Hainan et de l’Institut des reliques culturelles et de l’archéologie de la province de Hainan, a accordé une interview exclusive à China News pour répondre à ces questions.

L’archéologie sous-marine en mer de Chine méridionale a fait l’objet d’une grande attention. Quels sont les résultats obtenus jusqu’à présent ?

La première mission d’archéologie sous-marine chinoise en mer de Chine méridionale a concerné l’épave du Nanhai 1 à Yangjiang, dans le Guangdong. Elle a marqué la naissance de l’archéologie sous-marine chinoise. Depuis lors, un grand nombre d’épaves ont été découvertes et fouillées en mer de Chine méridionale. Parmi les plus importantes, citons l’épave du Récif de Huaguang 1 de la dynastie des Song du Sud et l’épave du Nan’ao 1, de la dynastie Ming. Les experts ont également découvert de nombreuses épaves anciennes, ainsi que des sites de naufrage et des reliques en mer de Chine méridionale. Il existe actuellement plus de cent sites d’épaves confirmés par l’archéologie et davantage de restes d’épaves et d’artefacts encore sous l’eau. Un grand nombre d’entre eux doit faire l’objet de recherches plus approfondies.

De nos jours, l’archéologie sous-marine ne se limite pas au relevage d’épaves. Elle englobe également l’étude archéologique des îles en haute mer, la culture maritime, l’histoire de la construction navale, l’histoire de la navigation et l’étude des ports. Ces dernières années, les découvertes archéologiques en mer de Chine méridionale ont été très fructueuses et ont permis de mettre au jour un grand nombre d’éléments architecturaux en pierre dans les eaux de l’île de Pattle et Money Island, dans l’archipel des îles Paracels (îles Xisha). Le transport de ces éléments en pierre hors de Chine indique non seulement que la civilisation chinoise avait atteint divers niveaux culturels à l’étranger, mais aussi que de nombreux Chinois vivaient à l’étranger depuis longtemps. La découverte d’un grand nombre de porcelaines bleues et blanches de la dynastie Yuan sur l’île Stone Islet prouve que la porcelaine était envoyée dans toutes les parties du monde, dont l’Asie et l’Europe, et souligne l’effervescence de l’ancienne route maritime de la soie et la prospérité du commerce extérieur.

Qu’est-ce que les objets découverts en mer de Chine méridionale nous apprennent sur la prospérité du commerce et des interactions culturelles entre la Chine et l’étranger au fil de l’histoire ?

Le naufrage d’un navire en mer de Chine méridionale est la précipitation d’une période de l’histoire. Une épave relevée est le redémarrage de cette histoire. On peut dire qu’une épave ressemble au recueil des Mille et une nuits et regorge d’histoires sur la route maritime de la soie.

Découvert en mai 2007, le Nan’ao 1 est une épave de la dynastie Ming qui renfermait des marchandises de toutes sortes, dont près de trente mille céramiques, ustensiles en pierre et en bois, objets en or, pièces de cuivre, perles et colliers, noyaux de fruits et spécimens de plantes tubéreuses....

Nan’ao, une île au large de l’embouchure de la rivière Hanjiang, à la jonction du Fujian et du Guangdong, occupe une place stratégique sur la route du sud-est vers l’océan et était un champ de bataille inévitable pour les stratèges militaires, le passage stratégique du Fujian et du Guangdong et la protection du Chaoshan. Sous les dynasties Tang et Song, c’était « une route nécessaire pour les tributs des barbares » (« Plantation d’arbres dans les monts Nan’ao », stèle de  Chen Lin, célèbre général ayant combattu les envahisseurs japonais sous la dynastie Ming). Durant la dynastie Ming, on raconte que « Zheng He a fait sept voyages en Occident, dont cinq en passant par Nan’ao ». Aujourd’hui, il y a un temple des empreintes Sam Poh (Temple Zhenghe) à Shen’ao, Nan’ao. Pendant la dynastie Ming, l’interdiction de la mer a forcé de nombreux navires marchands à commercer clandestinement en mer, donnant lieu à un certain nombre d’« échanges commerciaux maritimes ». La région de Nan’ao était alors un célèbre lieu d’échanges. Durant cette période, de nombreux navires marchands étrangers sont venus y faire du commerce clandestin avec la population. À la fin de la dynastie Ming et au début de la dynastie Qing, l’érudit Gu Zuyu a écrit dans son Compte-rendu historique et territorial que Nan’ao était « un vaste site intérieur et un dangereux site extérieur, [...] où étaient amarrés de nombreux navires marchands étrangers et des bateaux d’invasion. » Les Japonais étaient les plus nombreux. On lit dans les Annales de Chaozhou que « la Chine voulait en savoir davantage sur les pirates japonais. Elle envoyait des gens à Nan’ao, qui se faisaient passer pour des marchands et s’adonnaient au commerce pour mieux les dénombrer. » Voilà qui montre à quel point le commerce était prospère sur l’île de Nan’ao à cette époque.

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Quel est le développement historique de la route maritime de la soie ? En quoi diffère-t-il de celui de la route terrestre de la soie ?

Auparavant, les gens avaient l’habitude de parler de la route maritime de la soie comme d’une continuation de son homologue terrestre, ignorant les origines historiques de la formation de la route maritime de la soie.

On lit dans le « tribut de Yu » du Classique des documents, paru pendant les Royaumes combattants : « Habits de puéraire des insulaires, coquillages tissés et corbeilles en bambou [...] Tribut d’étain. » Les coquillages tissés sont un textile en coton spécifique aux îles de la mer de Chine méridionale, très populaire sur l’île de Hainan et dans les pays d’Asie du Sud-Est. Le tribut d’étain est un tribut qui suit un commandement. C’est une relation de tribut très fixe. Cela montre qu’à cette époque, la Chine et les anciens royaumes insulaires situés autour de la mer de Chine méridionale étaient déjà en contact régulier. La route maritime de la soie s’est formée progressivement au fil des échanges diplomatiques et culturels et du commerce maritime entre les pays des dynasties successives. Cela a été corroboré par les premières découvertes archéologiques comme celle d’un site de construction navale de la dynastie Qin à Guangzhou et les sites d’épaves des dynasties Tang et Song sur l’île Ganquan, dans les Paracels.

La route maritime de la soie et la route terrestre de la soie diffèrent en termes de direction, l’une prenant l’eau, l’autre la terre. Nous appelons « route de la soie » le commerce extérieur par voie maritime, pour illustrer les échanges commerciaux et culturels ininterrompus entre l’Orient et l’Occident tout au long de l’histoire, quelle qu’en soit la manière ou la direction. Il y a bien eu un commerce de la soie sur la route maritime de la soie, mais ce n’était pas la marchandise la plus représentative. En ce qui concerne les découvertes d’épaves, la plupart des artefacts relevés étaient des porcelaines et des épices. Le chercheur japonais Tsugio Mikami, auteur de La route de la céramique, a appelé la route maritime de la soie « route maritime de la céramique ».

L’exportation de la porcelaine chinoise a commencé au VIIIe siècle. Selon le Nouveau livre des Tang - Géographie, il existait une « route étrangère de Guangzhou via la mer », de Canton à Bagdad, sur 14 000 kilomètres. Il s’agit de la toute première route maritime de la soie qui a traversé la Chine et l’Occident à figurer dans un document. À cette époque, même les marchands perses, qui avaient l’habitude d’arpenter la route terrestre de la soie, se sont tournés vers les navires. La plupart des épaves des dynasties Tang et Song ont d’ailleurs été retrouvées le long de cet itinéraire.

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