
Le « tigre de bronze à deux queues et à l’oiseau » : trésor de la dynastie Shang et relique de la civilisation du bronze
Exhumé à Dayangzhou, dans le comté de Xingan (province du Jiangxi), le tigre de bronze à deux queues portant un oiseau couché sur son dos de la dynastie Shang est le plus grand tigre de bronze jamais découvert remontant aux dynasties pré-impériales. Ce tigre au corps gigantesque, à la forme si singulière, d’une représentation si vivante, réalisé avec une technique raffinée, exprime au mieux la nature divine du tigre et la vénération de l’homme à son égard. Doté de caractéristiques régionales fortes, il est l’un des trésors du musée provincial du Jiangxi et une relique culturelle nationale de premier ordre.
Comment ce bronze, qui mêle la vaillance et la bestialité du tigre à la tendresse de l’oiseau couché, est-il devenu un « trésor muséal » ? Que nous apprend-il sur la civilisation du bronze ? Xu Changqing, président de la société archéologique du Jiangxi et chercheur de deuxième niveau au musée provincial du Jiangxi, qui a participé aux fouilles de la tombe Shang de Dayangzhou, dans le comté de Xingan, a récemment accordé une interview exclusive à China News pour répondre à ces questions.
Comment le tigre de bronze à deux queues et à l’oiseau de la dynastie Shang est-il devenu un « trésor muséal » ? Quel type de civilisation historique incarne-t-il ?
En septembre 1989, la découverte de 1 374 artefacts de la dynastie Shang, dont 475 bronzes, dans le village de Zhenchengjia, à Dayangzhou, dans le comté de Xingan de la province du Jiangxi, a fait sensation. Sur le site de fouilles jonché de sable jaune, les archéologues ont découvert de lourds artefacts en bronze soigneusement disposés, des céramiques amoncelées et une superposition d’armes en bronze comme des sabres, des hallebardes et des lances, toutes brisées en trois morceaux et encore recouvertes de cinabre. Dans la zone centrale, il y avait une concentration de fins ornements en jade, de délicats objets en bronze et de petits colliers de jade. Tout indique que cette zone fut le théâtre de grandes funérailles, il y a plus de 3 000 ans. La découverte d’une telle quantité et d’une telle concentration d’objets en bronze est unique dans la région du sud et rare à l’échelle nationale. C’est pour ces diverses raisons que les experts ont qualifié cette tombe de « Royaume du bronze du Sud ».
Le tigre de bronze à deux queues et à l’oiseau de la dynastie Shang exhumé dans la tombe de Dayangzhou, pèse 6,2 kilos, ce qui en fait le plus grand tigre en bronze jamais découvert remontant aux dynasties pré-impériales. Il présente une gueule ouverte ornée de crocs apparents, de cruels yeux proéminents et il est accroupi sur ses quatre pattes, comme s’il s’apprêtait à bondir. Le petit oiseau perché sur son dos, au bec pointu et aux yeux ronds, est confortablement installé. Le tigre et l’oiseau cohabitent pacifiquement, ce qui est très singulier. En somme, ce « trésor muséal » est un tigre de grande taille, unique en son genre et plein de vie. Il allie la vaillance et la férocité du tigre à la tendresse de l’oiseau et manifeste une apparence mystérieuse et un caractère divin majestueux. Sous son apparente vigueur, elle reste une œuvre d’art qui recèle la délicatesse et la simplicité. Il s’agit d’une création qui mêle réalité et imagination, dans laquelle technique et art fusionnent et où la matière et l’esprit communiquent. C’est un témoignage de la civilisation et de l’histoire, qui exprime à l’extrême la nature divine du tigre et la vénération des hommes à son égard, avec de fortes caractéristiques régionales.
Quelles sont les particularités des bronzes exhumés dans la tombe Shang de Dayangzhou ? En quoi leur statut est-il unique ?
Parmi toutes les tombes de la noblesse Shang fouillées en Chine, la tombe de Dayangzhou est celle dans laquelle les archéologues ont découvert le plus grand nombre de bronzes. Au cours du 20e siècle, nous avons découvert en Chine trois sites où était concentrée une grande quantité de bronzes. Le premier est le tombeau de Fu Hao, à Anyang (province du Henan), appartenant à la dame Fu Hao, épouse du roi Shang Wuding. Découverte en 1976, les archéologues en ont exhumé 468 bronzes dans une fosse de moins de 30 mètres carrés. C’est la seule tombe impériale de la capitale de la fin de la dynastie Shang qui n’ait pas été pillée. Le deuxième est le site de Sanxingdui, dans la province du Sichuan, où deux fosses rituelles ont été excavées en 1986. Plus de 700 bronzes ont été mis au jour dans la fosse rituelle numéro deux, même s’il ne s’agit pas d’une tombe. Enfin, le troisième est la tombe Shang da Dayangzhou, découverte en 1989, qui a livré quelque 475 bronzes.
Les bronzes de Dayangzhou sont de grande qualité. Pendant la dynastie Shang, les grandes haches en bronze étaient le symbole du pouvoir royal et du commandement militaire et seuls les nobles de haut rang pouvaient en posséder une et en user. Seules quelques dizaines ont été découvertes dans les fouilles de sites Shang. Les artefacts en bronze de la tombe Shang de Dayangzhou manifestent non seulement le style de la culture Shang des Plaines centrales, mais aussi de fortes caractéristiques locales. Le tigre en bronze à deux queues et à l’oiseau en est un exemple. En outre, les instruments de musique anciens avaient autant d’importance que les objets rituels qui servaient à « gouverner le pays, définir l’État et mettre le peuple en ordre ». Ils étaient utilisés lors des grandes occasions comme les sacrifices, les funérailles, les conquêtes et les banquets. La gigantesque cloche bo en bronze ou « Reine des bo » exhumée dans la tombe, magnifiquement décorée et au son puissant, est une percussion unique, typique de l’ouest du Jiangxi et de l’est du Hunan. Le masque de bronze communément appelé « homme-dieu à deux têtes », doté d’une large bouche, d’yeux proéminents et de grandes oreilles, révèle quant à lui une atmosphère mystérieuse et étrange. C’est un accessoire rituel aux caractéristiques distinctives utilisé par les sorciers lors de sacrifices pour entrer en communication avec la terre et le ciel.
Pourquoi pense-t-on que les bronzes de la tombe Shang de Dayangzhou pourraient appartenir à la localité du tigre Hufang ?
Dans la tombe Shang de Dayangzhou, outre la grande figure de tigre isolée, nous avons aussi recensé 56 tigres sur les oreilles et les pieds des vases sacrificiels ding, sur les poignées des armes en bronze, sur les têtes des bâtons et sur les ornements en jade. Certains sont réalistes et concrets, d’autres sont plus vrais que nature. Ils sont pleins de vivacité et de puissance, comme de véritables tigres ! Le ding en bronze, orné d’un grand nombre de tigres couchés, est unique au Jiangxi. L’abondance des représentations de tigres est rare en Chine, ce qui démontre l’unicité du culte local du tigre. Dans la littérature, on retrouve des traces de la localité du tigre Hufang, remontant à l’époque de l’empereur Jaune et dont les peuples ont été les premiers à vénérer l’animal. Elle figure également dans les inscriptions sur os et carapaces ou jiaguwen. À la fin de la dynastie Shang, elle s’est déplacée vers le sud, à Jianghan. « Au sud de Yin, se trouve le royaume de Hufang (de la localité du tigre). À l’ouest de Pengli, à l’est de Dongting, passez Sanmiao et voici Hufang. » Ainsi, le royaume tardif de Shang s’étendait probablement jusqu’au lac Dongting (lac Poyang). L’analyse des formes et motifs de tigres largement utilisés sur les bronzes prouve qu’ils coïncident avec l’emplacement géographique de Hufang dans les textes. Le Royaume du bronze du Sud est peut-être le royaume de Hufang ou royaume du Tigre. Ainsi, la tombe était très probablement celle du chef suprême de Hufang ou du roi du Tigre.
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.
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