Histoire d’une relique nationale chinoise : la lampe du palais Changxin

1683193750872 China News Niu Lin
Datant d’il y a plus de 2 000 ans, la lampe du Palais Changxin est une des grandes reliques nationales chinoises. Sa conception et son esthétique en font un objet remarquable.

La lampe du palais Changxin, artefact datant d’il y a plus de 2 000 ans, est considérée comme l'un des trésors du musée de la province de Hebei. Première relique interdite d'exportation en Chine, sa conception renferme des trésors d’ingéniosité. Fan Dewei, conservateur au musée de la province du Hebei, dans une interview exclusive à China News, nous dévoile ses mystères et son importance unique dans la manière dont les hommes s’éclairaient dans l’Antiquité chinoise.

Pourquoi la lampe du palais Changxin est-elle appelée la « première lampe de Chine » ?

La lampe du palais Changxin a été fabriquée pendant la période des Han de l'Ouest (206 av. J.-C. - 9 apr. J.-C.), il y a plus de 2 000 ans. Elle a été déterrée en 1968 dans la tombe de Dou Wan, épouse de Liu Sheng, prince Jing de Zhongshan, située dans la ville de Mancheng, dans la province du Hebei. Elle a été nommée la « lampe du palais Changxin » car elle portait une inscription de ces caractères sur le corps.

La forme générale de la lampe représente une jeune femme de la dynastie Han, agenouillée, tenant une lampe entre ses bras, entièrement dorée en laiton et couverte d'un abat-jour. Sa forme légère et élégante, loin de la lourdeur mystérieuse des objets en bronze traditionnels, est rare et exceptionnelle. Cette jeune femme porte une coiffure haute, un voile et une robe à manches larges, elle est agenouillée pieds nus et son attitude de jeune femme du quotidien de la cour des Han est ainsi immortalisée dans cette lampe, ce qui lui donne une grande valeur esthétique.

La fonction de base d'une lampe, c’est l'éclairage. Avec 48 cm de haut, elle se trouve à la même hauteur que les yeux lorsqu’on est assis sur le sol, conformément aux habitudes de vie de l'époque. Ce qui est étonnant, c'est qu'elle peut également ajuster l'effet d'éclairage. La partie abat-jour de la lampe est composée de deux écrans arqués, qui, une fois fermés, forment un cercle encastrés dans la rainure du plateau de la lampe. L'un des écrans peut être ouvert et fermé latéralement pour régler la direction et la luminosité de la lumière, comme une lampe de bureau d’aujourd'hui.

La lampe est équipée d'un conduit d'évacuation des fumées et d'un abat-jour. Lorsqu'elle est utilisée, la fumée d'huile pénètre dans le corps de la lampe creux, résolvant ainsi le problème d’émission de fumée des lampes à huile. Sa conception a utilisé une technique de fonte séparée où la tête, le corps, le bras droit de la jeune femme et le support de lampe, le plateau de lampe et l'abat-jour sont moulés séparément, puis assemblés. Chaque partie s'emboîte parfaitement et est facile à nettoyer, ce qui en fait un exemple remarquable d'artisanat pour l’époque.

L'ancien secrétaire d'État américain Henri Kissinger aurait même déclaré après avoir vu la lampe que la Chine avait déjà une conscience écologique à l'époque des Han ? Qu’en pensez-vous ?

Ce qui est le plus remarquable dans la conception de la lampe du Palais de Changxin, c'est qu'elle incarne en effet une conception écologique. À l'époque, il n'y avait pas encore de bougies et la principale source d'éclairage était des huiles végétales et animales, qui produisaient beaucoup de fumée, avec une odeur désagréable. Toute l’ingéniosité se trouve dans un conduit de fumée formé par la manche large du bras droit de la femme de chambre. Une main tient la lampe tandis que l'autre main paraît protéger du vent. Une extrémité est connectée au plateau de la lampe et l'autre extrémité est connectée au corps creux de la femme de chambre. Les fumées et les cendres sont stockées dans le corps de la lampe grâce à l'effet de la chaleur et poussées par la force thermique le long du conduit de la manche avant d'être collectées dans le corps creux de la femme de chambre jusqu'à ce qu'elles atteignent le fond du corps, permettant de ne pas polluer l'air.

Ce type de conception ressemble à celui des cheminées modernes, mais c’était une invention très avancée pour l’époque, ce qui montre que la Chine avait commencé à travailler sur la gestion de la pollution de l'air dans les environnements résidentiels dès la dynastie des Han occidentaux. La lampe à conduit de fumée en fer blanc n'a été inventée en Occident que 1 500 ans plus tard, par le scientifique italien Leonardo da Vinci au XVe siècle. Par conséquent, la Chine a été le premier pays à occuper ainsi une position de leader mondial dans la pratique de l'innovation environnementale.

Cette lampe porte des inscriptions. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Il y a en tout 65 caractères en 9 endroits différents, tels que « Famille Yangxin » ou « Salle de bain de Changxin ».  On peut voir qu'ils n'ont pas été gravés en une seule fois, mais que la lampe a dû passer entre plusieurs mains. Il y a différentes théories sur l'histoire de son parcours.

Le premier propriétaire devait être un certain Liu Jie, marquis Yi de Yangxin. Son fils ayant été condamné pour crime de lèse-majesté, la lampe aurait été confisquée pour devenir propriété du palais Changxin où résidait l'impératrice douairière Dou. L'impératrice était la grand-mère de l'empereur Han Wudi et du prince Jing de Zhongshan. La famille maternelle de l'impératrice douairière Dou se trouvait à Qinghe Guanjin (aujourd'hui le comté de Wuyi, dans le Hebei), pas loin du royaume de Zhongshan, c'est-à-dire l'actuelle ville de Dingzhou, au Hebei. Il est donc supposé que Dou Wan et l'impératrice douairière Dou avaient des liens de parenté, et que la lampe était un cadeau de l'impératrice douairière Dou à Dou Wan.

D'autres experts estiment que le premier propriétaire était la princesse Yangxin, c'est-à-dire la sœur aînée de l'empereur Han Wudi, qui a offert cette lampe à l'impératrice douairière Dou, qui l'a ensuite donnée à Dou Wan. Récemment, certains chercheurs ont suggéré que l'impératrice douairière Dou était la première propriétaire de la lampe. Elle l'aurait ensuite donnée à la princesse Yangxin, qui l'aurait transmise à Dou Wan.

Pourquoi dit-on que des lampes écologiques comme la lampe du palais Changxin étaient populaires pendant la dynastie des Han ? Comment peut-elle nous inspirer aujourd'hui ?

Les lampes à chandelier (gāng dēng 釭灯) étaient un nouveau type de lampe développé pendant la période des Han. Ces lampes combinent de manière unique les idées de protection de l'environnement en réduisant la pollution par la fumée et la poussière, atteignant ainsi une combinaison parfaite de science, technique et esthétique. Les lampes à chandelier des Han peuvent être considérées comme des lampes écologiques chinoises, et la lampe de Changxin en est un exemple emblématique. Il est intéressant de noter que les lampes des Han ne sont pas des exceptions. Par exemple, la lampe en forme de taureau en cuivre argenté déterrée dans la tombe Han de Ganquan, dans la ville de Yangzhou, au Jiangsu, est équipée d'un abat-jour sur le dos du taureau, et la fumée dégagée par la combustion passe par le conduit de fumée dans la tête de taureau et dans l'abdomen creux du taureau. De même, la lampe en cuivre en forme de canard datant des Han et déterrée dans la tombe de Pingshuo, dans la ville de Shuozhou, au Shanxi, a également un conduit de fumée permettant à la fumée de s'écouler dans l'abdomen creux de l'oiseau. Cela était donc très courant à l’époque. C’est aussi une source d'inspiration pour nous aujourd’hui.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.

Commentaires

Rentrez votre adresse e-mail pour laisser un commentaire.