Depuis plus de 300 ans, Zheng Chenggong (1624 – 1662) est célébré en tant que héros national chinois. Il demeure l'une des figures les plus « internationales » de l'histoire culturelle chinoise.

Comment Zheng Chenggong a-t-il réussi à expulser les colons hollandais et à ramener Taïwan dans le giron chinois il y a plus de 300 ans ?

Lorsque Zheng Chenggong a reconquis Taïwan, ce qui a le plus marqué les esprits, c'est sa série de stratégies brillantes et judicieuses. Afin de garantir la victoire, Zheng Chenggong a rassemblé des forces militaires supérieures numériquement : les troupes des deux premières vagues de l'armée de reprise de Taïwan étaient plus de dix fois supérieures à celles de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales stationnée sur l’île. Farouchement opposé à la dynastie mandchoue des Qing (1644-1912) alors au pouvoir en Chine, il a choisi le moment le plus favorable pour envoyer ses troupes, à savoir lorsque l’empereur mandchou régnant Shunzhi (1638-1661) venait de mourir. Les troupes Qing n'avaient alors pas le temps de s’occuper à se battre, garantissant le fait qu'il ne serait pas attaqué à l'arrière pendant sa campagne vers l’île.

Il accordait une grande importance à la désintégration totale des forces ennemies et à l'attaque en plein cœur. Il a déclaré à plusieurs reprises aux colons néerlandais que Taïwan appartenait à la Chine et que la Chine avait la souveraineté sur Taïwan. La seule issue pour les Hollandais était de quitter Taïwan.

Il a adopté une stratégie de division et d'encerclement, séparant les deux forts hollandais l'un de l'autre afin qu'ils ne puissent pas se soutenir mutuellement, ce qui a rapidement forcé les Hollandais, plus faibles à l'intérieur du fort de Provintia, à se rendre ; il a également adopté une stratégie de siège en attendant la reddition. Après un siège de neuf mois, il a ordonné un bombardement intensif du fort de Zeelandia, forçant finalement les colons hollandais à se rendre.

L'année 2022 marque le 360^e anniversaire de la reprise de Taïwan par Zheng Chenggong, diverses célébrations ont été organisées des deux côtés du détroit de Taïwan. Pourquoi Zheng Chenggong est-il si respecté par les compatriotes des deux rives ?

L'exploit de Zheng Chenggong constitue au moins trois contributions historiques. Premièrement, il a récupéré ce territoire chinois qui avait été occupé par des colons hollandais pendant 38 ans.

Dès l'époque des Trois Royaumes (220 à 280 après J.-C), il y existe des références historiques sur Taïwan. On sait que le royaume de Wu de l'Est a envoyé les généraux Wei Wen et Zhuge Zhi à la tête de dix mille soldats pour conquérir Yizhou, qui se trouvait à Taïwan, ce qui montre que l’île était en réalité sous la possession des Chinois depuis longtemps.

En 1624, après l'invasion de Taïwan par les Hollandais, ceux-ci ont non seulement oppressé et exploité brutalement la population taïwanaise, mais ont également harcelé la côte sud-est de la Chine et pillé les marchands chinois impliqués dans le commerce maritime. C’est pour récupérer ce « territoire ancestral », résoudre le conflit avec les colons hollandais, et, au passage, établir une base pour la cause anti-mandchoue, que Zheng Chenggong a lancé son expédition vers l'est.

Deuxièmement, il a jeté des bases solides pour le développement économique et social de Taïwan. Lui et ses successeurs ont accompli un travail novateur dans la construction politique, le développement économique et la diffusion culturelle tout au long du processus de reconquête de l'île. L'administration établie par Zheng Chenggong et son fils a jeté les bases d’une administration territoriale avec l'établissement d'une préfecture et de trois comtés.

Pendant le siège de Zeelandia, pour résoudre le problème de l'approvisionnement en nourriture de l'armée et assurer une présence à long terme sur l’île, Zheng Chenggong a envoyé des troupes cultiver des terres dans le nord et le sud, et a encouragé les fonctionnaires et les citoyens à cultiver, ce qui a permis de réaliser d'importants progrès dans le développement agraire.

Après la reprise de l’île, un grand nombre de vétérans et de lettrés de la dynastie Ming (1368 à 1644) qui ne voulaient pas se soumettre aux Qing, ont suivi Zheng Chenggong à Taïwan. Il les a traités avec respect et générosité. Ils ont écrit des livres et y ont fondé des écoles privées, diffusant la culture traditionnelle chinoise et contribuant au développement de l'éducation et de la culture sur l’île. Après la mort de Zheng Chenggong, Zheng Jing et Chen Yonghua ont construit des temples confucéens et des écoles. Là où les terres étaient déjà cultivées et la vie sociale relativement stable, ils ont mis en place un système d’examens impériaux. La famille Zheng a encouragé les enfants de résidents locaux à aller à l'école, permettant ainsi à la culture traditionnelle chinoise de prendre racine profondément à Taïwan.

C'est en raison de ces contributions que le peuple taïwanais le considère non seulement comme un héros national, mais aussi comme le « roi sacré de l'ouverture de Taïwan ».

Enfin la reconquête de Zheng a entravé, dans une certaine mesure, l'expansion ultérieure de colons occidentaux en Asie.

Le regretté historien Fu Yiling de l'Université de Xiamen estime que la reprise de Taïwan par Zheng Chenggong a été un coup victorieux pour la lutte anticoloniale du peuple asiatique, inspirant la lutte anticoloniale des peuples de l'Asie du Sud-Est et entravant, dans une certaine mesure, l'avancée des colons occidentaux vers l'est. Cela a favorisé l'indépendance nationale et le développement économique de pays tels que le Japon et la Corée. Cela a influencé, dans une certaine mesure, le cours de l'histoire asiatique et a eu une signification historique profonde.

Ces dernières années, on observe un engouement pour l'étude de ce personnage en Chine et à l'étranger. Pourquoi est-il devenu un sujet aussi populaire pour les chercheurs qui se concentrent sur l'Extrême-Orient ?

Pendant la majeure partie de la dynastie Qing, pour des raisons politiques, l'importance historique de Zheng Chenggong dans l'histoire de la nation chinoise a été occultée par les dirigeants mandchous. Ce n'est qu'après la révolution de 1911 et l’établissement de la République de Chine que certains érudits ont progressivement réalisé l’ampleur de ses actions.

L'historien Lian Heng, qui a vécu sous la domination coloniale japonaise, a été particulièrement touché par les exploits héroïques de Zheng Chenggong. Dans son livre Histoire générale de Taïwan, il en a loué les réalisations historiques, ce qui a inspiré une génération de patriotes qui ont lutté pour la libération nationale.

Zheng Chenggong a joué un rôle symbolique pour le peuple de Taïwan sous la domination coloniale japonaise. Les principaux dirigeants du mouvement national taïwanais, Jiang Weishui et Lin Xiantang, ont beaucoup admiré Zheng Chenggong. En 1943, le troisième groupe de travail itinérant du corps volontaire de Taïwan participant à la guerre de résistance contre les Japonais sur le continent s'est rendu spécialement à Shijing, dans la province du Fujian, pour rendre hommage à ce héros national. L'esprit national d'autonomie, de renforcement et de confiance en soi de Zheng Chenggong face au pouvoir occidental est devenu un héritage spirituel éternel pour la nation chinoise.

En outre, des chercheurs des Pays-Bas, d'Italie, de Belgique, d'Espagne, des États-Unis et du Japon étudient également Zheng Chenggong. Selon les archives de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales conservées aux Archives nationales de La Haye et les documents rédigés par les missionnaires occidentaux, on a pu remarquer le rôle joué par Zheng Chenggong et sa famille sur la scène internationale de l'époque. Ils estiment que Zheng Chenggong est non seulement une figure importante de l'histoire chinoise, mais aussi une personnalité influente du 17^e siècle dans l'histoire mondiale. Zheng Chenggong a joué un rôle clé dans les mers de l'Asie du Sud-Est, et les Européens qui voulaient partager les bénéfices du commerce maritime en Orient devaient inévitablement rivaliser avec lui. Que ce soit en termes de force militaire, de volume commercial ou de stratégie économique, Zheng Chenggong était un adversaire redoutable.

Dans le contexte actuel d’une situation internationale tendue, quelle est la signification pratique de l'esprit de Zheng Chenggong ?

Zheng Chenggong était l'un des rares Chinois à comprendre le « langage occidental ». Il a osé rivaliser avec les puissances maritimes de l'époque, les Pays-Bas et l'Espagne, et traiter avec eux en utilisant la force ; il a pu bloquer Taïwan, occupée par les Néerlandais, et les Philippines, occupées par les Espagnols, les forçant finalement à faire des compromis et gagnant leur respect.

La Chine d'aujourd'hui n'est plus celle d'autrefois, mais il y a encore beaucoup de gens qui cherchent à s'immiscer dans les affaires de Taïwan et à interférer avec Taïwan sur la scène internationale. Tout en commémorant les grandes réalisations de Zheng Chenggong, nous devons apprendre de son esprit et ne pas craindre les ennemis puissants, oser lutter et bien lutter, et faire face calmement aux divers problèmes qui se posent dans les relations entre les deux rives du détroit de Taïwan. Peu importe les fantasmes des séparatistes taïwanais et les vestiges de l'hégémonisme international et du colonialisme, nous devons avancer vers nos objectifs et accomplir l'unification nationale.

Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn.