Quelles histoires de Chine se cachent au cœur de la Cité interdite, le palais des dynasties Ming et Qing ?

1702564146560 China News Xu Xueying, Yang Chengchen
Du grand dragon de jade de la culture Hongshan, qui symbolise le début de la civilisation chinoise, au Buniantu qui témoigne de l'amitié entre la Chine et le Tibet, en passant par l'horloge à écriture en cuivre plaqué or qui combine des éléments chinois et occidentaux, les vestiges culturels de la Cité interdite reflètent non seulement les dynasties Ming et Qing, mais dressent également un panorama de la Chine cinq fois millénaire.

En regardant la Cité interdite, que peut-on voir au-delà des dynasties Ming et Qing ? Quelles qualités de la civilisation chinoise les vestiges culturels de la Cité interdite reflètent-ils et comment témoignent-ils de la rencontre entre l’Orient et l’Occident et de leur connaissance mutuelle profonde ? Le rédacteur en chef et écrivain historique Zhang Cheng a récemment accepté une interview exclusive de China News. Il a souligné que la Cité interdite illustre la continuité de la civilisation chinoise, reflète sa résilience, son ouverture et sa tolérance. Ici, l’éclat de la nature humaine constitue également un pan historique important de la Cité interdite.

Quelles sont les caractéristiques de la collection de vestiges culturels de différentes époques au sein de la Cité interdite ?

Les vestiges culturels de la Cité interdite ont été autrefois séparés et dispersés. Il y a eu des pertes massives, surtout à la fin de la dynastie Qing et à l'époque moderne, tout comme pendant la guerre de résistance contre le Japon où des objets ont été déplacés vers le sud. Aujourd'hui, la collection de vestiges culturels de la Cité interdite à Pékin inclut ceux attribués par l'État après des découvertes archéologiques, ceux acquis par le gouvernement sur le marché des antiquités et ceux donnés par des collectionneurs privés. Ils sont très différents des collections royales des Ming et Dynasties Qing. Le Musée national du Palais de Taipei possède une collection de près de 700 000 objets, soit l'équivalent de 40 % des vestiges culturels du Musée du Palais impérial de la Cité interdite à Pékin.

À l’ère impériale, cette collection des vestiges culturels atteint son paroxysme pendant la dynastie des Qing, sous le règne de l'empereur Qianlong de 1735 à 1796. Réputé comme grand amateur d’antiquités, ce dernier est encore plus connu pour son amour des sceaux et s’il a collectionné un grand nombre de vestiges culturels, il en a également produit en grande quantité. À cette époque, l’activité du bureau de fabrication, un organisme spécialisé dans la confection des fournitures royales sous contrôle du ministère de l’intérieur, était son apogée. Chaque année étaient réalisés un nombre considérable d'objets d'artisanat et de produits de première nécessité, qui sont devenus aujourd'hui de précieux vestiges culturels.

Qianlong a consacré beaucoup de temps à diriger du personnel pour procéder à l’inventaire des trésors cachés dans la Cité interdite et les classer en différentes catégories à travers quatre catalogues qui incarnent les caractéristiques et l'ampleur des collections de la Cité interdite pendant la période impériale. Le premier catalogue supervisé par Qianlong est le Midian Zhulin qui recense les collections liées au bouddhisme et au taoïsme, le deuxième est le Shiqu Baoji qui relève des ensembles de calligraphies et de peintures. Ces deux catalogues ne sont pas de simples inventaires de collections, ils constituent également des manuels d'appréciation des vestiges culturels qui évaluent les mérites et les inconvénients des collections susmentionnées. Le troisième catalogue intitulé le Xiqing gujian, avec des annexes, référence la collection de bronzes, et le quatrième catalogue qui s’intéresse aux livres officiels s’intitule la Bibliographie de Tianlu Linlang.

Ces catalogues de collection représentent un concept différent par rapport à la classification actuelle des collections du Musée du Palais. Durant la période Qianlong, la collection de la Cité interdite ne comptait aucune céramique aux glaçures polychromes de la dynastie Tang, les céramiques dites Sancai. Pourquoi ? Parce que le palais, la famille et le pays sont intégrés, ce n'est pas seulement le lieu où la haute dynastie gérait les affaires gouvernementales, mais c’était aussi le lieu où vivait la famille royale. Les vestiges culturels exhumés des tombes proviennent de « l’autre monde » et ne pouvaient pas apparaître dans le palais. Les artéfacts du monde souterrain constituent aujourd’hui une source importante des collections de musées, mais ils n’auraient pas pu apparaître dans la Cité interdite à l’époque impériale. Suite à des fouilles archéologiques, des objets tels que le Dragon cochon en jade issu de la culture de Hongshan ont ainsi été donnés à la Cité interdite.

De plus, les objets du quotidien de la famille royale, qui étaient choses communes sous les dynasties Ming et Qing. Ainsi, des robes de dragon, des couronnes de phénix, du sceptre de jade, des bols, des baguettes ou des verres à vin sont désormais devenus des pièces importantes dans la collection de la Cité interdite. Citons par exemple, la précieuse Coupe Jinou Yonggu qui était le récipient à vin utilisé par les empereurs dans le passé pour organiser les cérémonies du passage au nouvel an et qui est aujourd’hui une pièce de la collection de la galerie numérique de la Cité interdite. La salle du trésor et la salle de l'horlogerie ont également été réaménagées et exposées à l’époque moderne.

De l'autorisation accordée par l'empereur Kangxi aux missionnaires occidentaux d'entrer dans la verrerie du bâtiment du palais Qing, jusqu'au don d'horloges mécaniques occidentales par Georges Macartney à l'empereur Qianlong, quels vestiges culturels de la Cité interdite reflètent les échanges et l'apprentissage mutuel entre les civilisations orientales et occidentales ? Pouvez-vous raconter l’histoire qui se cache derrière ces évènements ?

La somptuosité inhérente à la Cité interdite, tout comme son sens moderne, s’inscrivent dans l’échange et l’apprentissage mutuel des civilisations. Le rythme des échanges extérieurs de la civilisation chinoise n'a jamais stagné, cette tradition historique se reflète naturellement dans la Cité interdite. Certaines des pièces du Musée de l'Horloge ont été achetées par des fonctionnaires féodaux de la dynastie Qing et beaucoup d’entre elles ont été modifiées par le Bureau de fabrication à partir de l'apparence des horloges occidentales. Par exemple, sur l'Horloge du calligraphe en bronze plaqué or - objet de collection typique qui combine des éléments chinois et occidentaux et adapte « l'étranger » à la Chine -, est inscrit la maxime suivante : « De toutes parts du monde, l’on s’agenouille devant l’empereur de Chine, tous les pays voisins aspirent au royaume céleste civilisé et avancé, à être civilisés et éclairés. » Après l’introduction de la culture occidentale en Chine, de nombreux objets ont ainsi été développés et transformés pour notre usage.

Avant George Macartney, qui fût le premier ambassadeur britannique en Chine, de nombreux Occidentaux sont entrés dans la Cité interdite tels que le peintre Guiseppe Castiglione, l’astronome Johann Adam Schall von Bell ou le mathématicien Ferdinand Augustin Hallerstein. Un nombre considérable d'artisans occidentaux étaient actifs au sein du Bureau de fabrication du Ministère de l'Intérieur, ils œuvraient dans de nombreux lieux tels que l'Académie de peinture, le Pavillon Ruyi, au Bureau d'horlogerie. Ils évaluaient les produits occidentaux, enseignaient l'artisanat moderne, ne se contentant pas de fabriquer des horloges et des montres, mais aussi des instruments astronomiques, de l'artisanat occidental et des armes modernes. L'un des hommages de George Macartney à l'empereur Qianlong était un fusil de chasse manufacturé en Europe occidentale et à la technique très avancée pour l'époque. Mais il fût regrettable que lorsque les huit puissances des forces alliées envahirent la Chine et occupèrent la Cité interdite, elles découvrirent que ce fusil de chasse occidental n'avait jamais été utilisé, Qianlong l'ayant conservé dans un entrepôt après son acquisition.

Il existe de nombreux vestiges culturels dans la Cité interdite qui reflètent les caractéristiques des échanges sino-étrangers. Par exemple, la peinture intitulée Toutes les nations viennent honorer la dynastie qui est aujourd’hui connue de tous, montre l’hommage rendu à l’empereur par nombre de pays situés à l’ouest de la Thaïlande tels que les Pays-Bas, l'Angleterre, la France ainsi que des pays voisins tels que le Japon, la Corée du Nord et le protectorat d’Annam. Si elle illustre la persistance des échanges entre la Chine et ces pays, soulignons que ces derniers sont cependant restés des échanges objectifs et naturels de personnes, de commerce et de matériaux, encadrés dans le cadre du système de tribut chinois des dynasties passées. Ils n'ont pas abouti à une sélection et une transformation véritablement profondes de l’essence de la culture occidentale.

Dans le même temps, la collection de la Cité interdite reflète également le phénomène de « diffuser sans propager » dans les échanges extérieurs de la Chine ancienne, c'est-à-dire que la profondeur de la communication est bien inférieure à son étendue. La Chine a un riche patrimoine au sein duquel se trouvent par exemple la fabrication du papier, la porcelaine, le thé, qui se sont répandus dans le monde entier, et bien que l'argent ne cesse d’affluer en Chine, les différentes strates culturelles et les concepts n’ont pas pris racine à l’étranger. Les responsables universitaires et les élites chinoises n’ont pas pris l’initiative de se mondialiser, de copier les systèmes de gestion locaux et de diffuser les idées et la civilisation politique dans le monde comme l’ont fait les élites d’Europe occidentale.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.

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