
Le « Rouleau de la sériciculture » : un chef d’œuvre qui décrit comment la vie s’articulait autour de la culture de la soie au Moyen-Âge
Entretien avec Zhang Limei, conservatrice du département d'art du Musée provincial du Heilongjiang.
Le « Rouleau de la sériciculture », datant de la dynastie des Song du Sud (1127-1279), acquis par le Musée provincial du Heilongjiang en 1983, est une peinture sur rouleau de soie qui représente une série de scènes dépeignant 24 étapes du processus de production de la soie, chacune accompagnée d'une explication en petits caractères.
Le début du rouleau a été marqué par de nombreux sceaux impériaux : Trésor vu par l'empereur Qianlong, Précieux recueil de la bibliothèque Shiqu, Cachet de la salle Sanxi pour l'inspection minutieuse, Héritage pour les descendants, Trésor inspecté dans le bureau de l'empereur, Trésor vu par l'empereur Jiaqing, Trésor vu par l'empereur Xuantong... En juillet 1983, après évaluation par des experts de la Cité Interdite, le rouleau a été classé avec la mention « objet de premier rang, équivalent à un trésor national sans disgrâce, digne d'une mention dans les annales de l'histoire ».
Quelles sont les caractéristiques du « Rouleau de la sériciculture » ? Quelles histoires se cachent derrière ? Où réside sa valeur ? Zhang Limei, conservatrice du département d'art du Musée provincial du Heilongjiang, répond.
Véritable trésor du musée du Musée provincial du Heilongjiang, comment le « Rouleau de la sériciculture », a-t-il été transmis jusqu'à aujourd'hui après plus de 800 ans ?
Après l'accession au trône de l'empereur Gaozong de la dynastie Song à Lin'an (aujourd'hui Hangzhou, Zhejiang), et afin de consolider le régime de Lin'an, il a décrété l'importance de l'agriculture et de la sériciculture. À cette époque, le préfet du comté de Qian, Lou Shu, après une observation minutieuse de certaines pratiques populaires, a peint le « Rouleau de la sériciculture » et l'a présenté à l'empereur Gaozong pour examen. Sous chaque segment du rouleau, il y a une petite légende décrivant le contenu de la scène, écrite par l'impératrice Wu, qui élevait également des vers à soie dans le palais et qui connaissait bien cette activité.
Depuis sa création le rouleau a été maintes fois loué par les empereurs. Il a été conservé par Yu Xiaogu pendant la dynastie Yuan, puis par Wu Mo pendant la dynastie Ming, et successivement par Liang Qinglin et Sun Chengze au début de la dynastie Qing. Pendant l'ère Qianlong, il a été incorporé dans les collections impériales et a été enregistré au « Catalogue des peintures et calligraphies perdues de la Cité Interdite ». Dans les années 1930, le rouleau a été emmené en Mandchourie par le dernier empereur déchu Aisin-Gioro Puyi. Après 1945, il s'est perdu, mais en 1983, il a été donné au Musée provincial du Heilongjiang par Feng Yixin de Daqing.
Pourquoi est-il considéré comme un trésor national ?
Le « Rouleau de la sériciculture » est un rouleau sur soie avec des couleurs légères. Il est complet, mesurant au total 1098,2 cm de long et 28,9 cm de haut. Il représente en vingt-quatre scènes les étapes de production de la soie, de l'élevage du ver à soie au tissage, tel qu’on la faisait dans la région du Jiangsu et du Zhejiang il y a plus de 800 ans. Le rouleau comprend 74 personnages, chacun unique et vivant. Non seulement les personnages sont dépeints de manière exquise, mais tout le processus est détaillé avec précision. La composition est rationnelle, harmonieuse et unifie les personnes et les objets. Les outils de sériciculture comme les boîtes, les cages, les poêles, les jarres, et les outils de tissage comme les métiers à tisser et les filatures sont tous fidèlement représentés et finement sculptés. Les tuiles, les poutres, les colonnes et les fenêtres sont proportionnées de manière claire, créant des scènes de travail à la fois denses et complètes, variées mais unifiées.
Le rouleau comporte 48 cachets de collection et d'appréciation de peintures de différentes époques. Il comprend également des colophons de neuf personnalités telles que Zheng Ziyu (dynastie Yuan), Song Lian (dynastie Ming) et Sun Chengze (dynastie Qing). En juillet 1983, des experts renommés du Musée de la Cité interdite tels que Xu Bangda, Liu Jiuan et Wang Yikun l'ont examiné et ont déclaré qu’il était une relique nationale de première classe.
Que reflète-t-il de la période Song ?
Les peintures montrent un savoir-faire complet et des équipements avancés.
Les 74 personnages présentent une forme et une émanation parfaitement capturées, avec des contrastes clairs et des distinctions appropriées entre jeunes et vieux, tous vêtus de vêtements de la dynastie Song. Parmi eux, il y a 23 hommes portant des bandeaux noirs, des chemises à col croisé ou rond et des pantalons blancs, ceinturés à la taille. Les vêtements blancs étaient les habits réservés aux gens du peuple à l'époque Song. Les femmes d'âge moyen et les femmes âgées dans les peintures portent également une variété de vêtements colorés. L'artiste utilise des nuances de l'encre, l'épaisseur et la souplesse des lignes pour dépeindre les personnages. Des scènes incluent des moments de jeux et d'allaitement avec des nourrissons. Sur le rouleau, deux femmes en robes traînantes, dans des tons naturellement doux et élégants, sont dépeintes. Une femme à gauche tient un bébé en robe fleurie, qui étend ses petites mains vers une autre femme à droite, levant ses mains vers sa poitrine, prête à embrasser l'enfant. Ailleurs une femme est assise en tailleur, cousant, tandis qu'une autre, assise les jambes croisées et la poitrine découverte, allaite un bébé. Ces scènes illustrent à la fois l'ambiance laborieuse et l'atmosphère de la vie quotidienne.
L'auteur dépeint non seulement avec précision le processus complet de la sériciculture, mais il illustre également de manière détaillée la distinction des professions des personnages, leurs caractéristiques vestimentaires et les traits de personnalité individuels, tels que la diligence, la simplicité et la douceur des femmes ; la dureté, la résolution et la rudesse des fermiers ; ainsi que l'innocence, l'exubérance et la joie des enfants.
Dans la scène de récolte, l'auteur montre les fermiers occupés à cueillir des feuilles de mûrier pendant la chaleur de l'été. La peinture inclut cinq personnes, toutes âgées. À gauche, deux sont pieds nus, courbés sous le poids de grands paniers remplis de feuilles, l'un d'eux ayant un tatouage de dragon vert s'étendant de l'épaule au poignet, reflétant les coutumes sociales de vénération des dieux et de tatouage dans la région sous les Song. Cette image fournit des preuves historiques inestimables.
La scène de chauffage des cocons montre une chambre à cocons remplie de paniers surélevés, avec deux braseros au charbon au centre. Un vieil homme est accroupi à côté d'un brasero, concentré sur l'ajustement du charbon pour contrôler la température. Un bassin d'eau est également présent pour ajuster l'humidité au besoin. Une lampe sur pied haute est placée à côté, indiquant la nécessité d'une gestion attentive jour et nuit. Cette méthode de chauffage est toujours utilisée par les éleveurs de vers à soie aujourd'hui.
Dans la section appelée « Tirage des motifs », un métier à tisser complet est montré avec la méthode d'opération. Elle décrit une scène à la fois tendue, harmonieuse et vivante. Les équipements illustrés incluent une haute structure de support, un disque central, des poids suspendus, deux poignées de levage, et un rouleau de tissu, entre autres. À l'avant du métier, une femme habile manipule avec soin la machine, son corps légèrement penché vers l'appareil, les mains levées à l'avant, concentrée sur le tirage des motifs. Un enfant pieds nus est assis au-dessus du métier, occupé à tirer les fils de chaîne. La position fortement inclinée du corps de l'enfant et ses orteils légèrement relevés montrent qu'il déploie beaucoup d'effort pour tirer les fils. La scène est dynamique, donnant au spectateur l'impression d'être sur place et d'entendre les sons.
Selon les documents historiques, bien que la Chine de la période Shang et Zhou disposait déjà de tissus brodés avec des motifs géométriques simples, les descriptions des composants mécaniques des métiers à motifs étaient vagues et peu d'images ont survécu. Une peinture de métier à broder datant de la dynastie Song du Nord est visible sur les fresques du temple Kaihua au Shanxi, mais elle n'est pas complète. Ce rouleau de peinture est le premier à illustrer l'ensemble des opérations.
C’est donc un trésor de l'art pictural antique chinois, avec une grande valeur historique, artistique et scientifique. Le rouleau non seulement dépeint en détail tout le processus, de la cueillette des mûriers à la production de la soie, mais il illustre aussi minutieusement les outils utilisés dans les différents métiers et de la fabrication de la soie, les vêtements, les coutumes et les mœurs des gens de l'époque Song, ainsi que les bâtiments et les arbres. Ces représentations offrent une source riche et vivante pour l'étude de la situation socio-économique, des techniques artisanales de la période, ainsi que des techniques de réalisme dans la peinture chinoise.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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