Hongkong, résistante inattendue : quand la colonie défiait le Japon

1753171648755 China News Liu Shuyong
Occupée par les Britanniques, Hongkong n’en fut pas moins un foyer ardent de résistance contre l’envahisseur japonais. Derrière les lumières de la colonie, des patriotes chinois, des guérilleros et même des habitants ordinaires s’organisèrent pour défendre la patrie, sauver des alliés et tenir tête à l’occupant. Une histoire méconnue qui révèle le visage combatif et solidaire de Hongkong, décrite par Liu Shuyong, spécialiste de l’histoire de Hongkong, chercheur à l’Institut d’histoire moderne de l’Académie chinoise des sciences sociales, professeur honoraire à l’université Lingnan de Hongkong.

Hongkong a connu 156 années de domination coloniale étrangère. Pourtant, au cours des grands événements de l’histoire moderne et contemporaine de la Chine, Hongkong n’a jamais été absente et a même joué un rôle historique unique. La guerre de résistance contre le Japon n’a pas fait exception.

Hongkong et le mouvement de salut national contre l’invasion japonaise

Portée par les liens de sang qui l’unissaient au continent et par un contexte politique et géographique particulier, Hongkong est devenue l’un des centres actifs du mouvement de « salut national contre l’agression japonaise ».

Le 14 juin 1938, la Ligue pour la défense de la Chine (China Defence League, ci-après « la Ligue ») fut officiellement fondée à Hongkong, dans la résidence de Song Qingling. Cette organisation avait été créée par Song Qingling pour unir les amis internationaux et la diaspora chinoise afin de soutenir la résistance chinoise. Profitant des nombreux contacts internationaux de Hongkong, la Ligue fit connaître au monde, par des publications comme le Bulletin d’information de la Ligue pour la défense de la Chine, les souffrances du peuple chinois et l’urgence des besoins sur les champs de bataille. Elle recueillit ainsi d’importants fonds et matériaux pour la guerre de résistance, en particulier pour l’Armée de la huitième route et la Nouvelle quatrième armée. En un an, la Ligue parvint à collecter des dons d’amis étrangers et d’outre-mer équivalant à 250 000 dollars hongkongais, ainsi que des vêtements, des articles de première nécessité, du matériel médical, des médicaments et des conserves en grande quantité.

Les secours acheminés à Hongkong étaient d’abord triés et emballés dans les entrepôts de la Ligue situés à Wan Chai, avant d’être expédiés vers l’intérieur du pays. Lorsque la ligne ferroviaire Canton-Hankou était ouverte, la plupart des aides transitaient par là. Après sa chute, les convois empruntaient la voie de l’Indochine française vers le Guangxi ou le Yunnan, puis étaient redistribués ailleurs. Que ce soit Chongqing, la capitale de guerre, Yan’an, isolée, ou même l’hôpital international Norman Bethune à Wutai Shan dans le Shanxi, tous reçurent ainsi, par de multiples détours, des secours envoyés par la Ligue.

Soong Ching Ling (quatrième à partir de la gauche) en compagnie des membres du Comité central de la Ligue pour la défense de la Chine à Hongkong, en 1938

En janvier 1938, le bureau de représentation de l’armée de la huitième route à Hongkong fut officiellement établi, avec Liao Chengzhi et Pan Hannian à sa tête. Les secours collectés par la Ligue pour la défense de la Chine en faveur de l’Armée de la huitième route et de la nouvelle quatrième armée transitaient pour la plupart par ce bureau, qui en organisait l’acheminement. L’entreprise d’import-export Chongdetang, tenue par les frères Deng Wentian et Deng Wenzhao, servait de relais pour la réception et l’expédition de ces marchandises. En octobre 1939, le bureau reçut ainsi d’importantes quantités de médicaments occidentaux donnés par des Chinois d’Amérique du Sud, ainsi que 20 camions et deux voitures offerts par des communautés chinoises d’Asie du Sud-Est. Le bureau relayait également auprès des diasporas, notamment d’Asie du Sud-Est, des informations sur Yan’an et sur l’armée de la huitième route et la nouvelle quatrième armée, et facilita le retour en Chine de plusieurs groupes de volontaires issus des communautés chinoises d’outre-mer venus participer à la résistance. Les missions de service en Chine des Chinois de l’étranger de Dongjiang, de Qiongya, ainsi que le groupe de chauffeurs formé à Singapour et Hongkong, purent tous compter sur son appui.

La population de Hongkong, toutes classes confondues, se montra constamment préoccupée par la guerre de résistance et apporta son soutien à la patrie. Après l’incident du 7 juillet (ndt : un incident met aux prises une poignée de soldats chinois et des troupes japonaises en manœuvre près du célèbre pont de Lugou, aussi appelé, pont Marco Polo, à 15 kilomètres de Pékin. La date de l’incident sera retenue comme le début de la seconde guerre mondiale en Chine), de nombreuses associations à but caritatif et patriotique virent le jour à Hongkong, se comptant par dizaines. Elles organisèrent de vastes campagnes pour collecter des fonds. Ainsi, de septembre 1937 à mai 1938, l’association d’entraide des étudiants de Hongkong parvint à réunir plus de 20 000 dollars hongkongais grâce à des ventes de fleurs dans la rue, des foires caritatives, des concerts et spectacles de bienfaisance, ou encore des actions invitant à « jeûner pour la patrie ».

En août 1938, le mouvement de souscription patriotique du « 13 août » démarra à Sham Shui Po, dans le quartier des maraîchers de Kowloon, avant de s’étendre rapidement et d’aboutir à la levée d’un million de dollars hongkongais. En octobre 1938, les compatriotes de Hongkong transformèrent les fonds initialement prévus pour les banquets célébrant la fête nationale en une collecte pour offrir des vêtements d’hiver, réunissant grâce à l’alliance de 76 chambres de commerce pas moins de 360 000 pièces. D’autres associations d’entraide et cercles étudiants organisèrent des levées de fonds assorties de remises de drapeaux, destinées à l’achat de vêtements chauds et de masques à gaz.

À la fin de l’année 1938, les chauffeurs membres du syndicat général des conducteurs de Hongkong, Kowloon et des Nouveaux Territoires parcoururent toute la colonie pour rassembler plus de 4 000 dollars hongkongais, avec lesquels ils achetèrent une ambulance et des médicaments d’urgence qu’ils allèrent livrer eux-mêmes à Guilin pour les remettre à l’armée de la huitième route.

En 1939, suivant une proposition de Song Qingling, plusieurs associations féminines de Hongkong aidèrent la Ligue à collecter plus de 4 500 pièces d’art chinois, expédiées ensuite à New York, Paris et Londres pour y être vendues au bénéfice des œuvres médicales chinoises. En mai 1941, Huang Yanpei, alors secrétaire général du comité de souscription aux emprunts publics en temps de guerre du gouvernement national, vint à Hongkong faire campagne pour ces obligations, recevant un accueil enthousiaste de la part de toutes les composantes de la société hongkongaise.

Une autre forme de soutien de la population hongkongaise à la guerre de résistance fut l’organisation d’unités de secours et de groupes de service retournant au pays.

Après l’« incident du 28 janvier » en 1932 (ndt : Le 28 janvier 1932, la marine japonaise débarque à Shanghai pour une simple opération de police. L’affaire dégénère : Chiang Kaï-shek envoie l’élite de son armée. Jusqu’au 4 mars, le nord de la ville est ravagé par les combats les plus sanglants depuis 1918, annonçant la guerre sino-japonaise et le conflit du Pacifique), lors duquel la 19e armée chinoise se leva pour combattre l’armée japonaise, Niu Huisheng, président de la société médicale chinoise de Shanghai, lança un appel à la société médicale chinoise de Hongkong pour soutenir la résistance à Shanghai. Cet appel reçut un large écho. Une équipe médicale de Hongkong fut alors formée par plus de vingt médecins et infirmiers, parmi lesquels Shi Zhengxin et Feng Qingyou, et partit pour Shanghai. Elle travailla pendant plus d’un mois dans un hôpital pour blessés de guerre établi dans la concession internationale. La plupart des membres de cette équipe médicale venaient des hôpitaux Tung Wah de Hongkong.

Le docteur Li Song emporta quant à lui deux caisses de médicaments pour se rendre à Shanghai, où il rencontra Mme He Xiangning. Celle-ci le présenta à Niu Huisheng, qui mena alors Li Song collecter des fonds auprès des trois grands magasins Yong’an, Sincere et Da Sun, afin de créer un hôpital de campagne. Li Song y travailla sans relâche pendant un mois. Puis, le 13 août 1937, quand l’armée japonaise lança une nouvelle offensive majeure sur Shanghai, Li Song s’y rendit à nouveau, retrouva Mme He Xiangning et le docteur Niu Huisheng, et reprit son travail de secours pendant environ un mois.

Anciens combattants de la guérilla du Bataillon indépendant de Hong Kong et de Kowloon de la Colonne Dongjiang recevant des hommages lors de l'inauguration Musée de la guerre anti-japonaise et de la défense côtière de Hong Kong, le 3 septembre 2024.

Les piliers de la résistance à Hongkong

Parmi les forces de guérilla anti-japonaises dirigées par le parti communiste chinois en Asie du Sud, la colonne de Dongjiang était la plus puissante. Quant au détachement indépendant de Hongkong et Kowloon (ci-après « détachement HK-Kowloon »), il en était la branche la plus singulière.

Le 8 décembre 1941, l’armée japonaise lança son attaque contre Hongkong. Après 18 jours de combats, les troupes britanniques capitulèrent. Le poids de la résistance à Hongkong reposa alors sur le détachement HK-Kowloon. Durant les trois ans et huit mois de l’occupation japonaise, il fut la seule force armée structurée à poursuivre la lutte sans interruption.

Hongkong occupait en effet une position stratégique majeure : c’était un centre logistique et une base navale intermédiaire pour l’armée japonaise dans le Pacifique, ainsi qu’un point clé pour ses offensives au nord vers la Chine intérieure et au sud vers l’Asie du Sud-Est. Le détachement HK-Kowloon se dressait ainsi comme une « lame acérée » plantée au cœur même de l’ennemi. Par des tactiques souples et mobiles, il mena des actions de guérilla dans les campagnes, sur les îles, en mer et en milieu urbain, livrant plus de cinquante combats de diverses envergures. Ces opérations perturbèrent efficacement les plans stratégiques japonais et semèrent l’inquiétude parmi les troupes d’occupation et les collaborateurs locaux.

D’après des estimations partielles, le détachement HK-Kowloon tua ou blessa plus de 100 soldats japonais et plus de 70 collaborateurs chinois, policiers supplétifs ou espions. Il fit environ 600 prisonniers ou reçut la reddition de troupes japonaises et de leurs forces supplétives, détruisit un avion japonais, captura plus de 550 fusils et pistolets, une soixantaine de mitrailleuses (dont certaines abandonnées par l’armée britannique), ainsi que six pièces d’artillerie. Il s’empara d’au moins 33 navires ennemis et en coula quatre, tout en récupérant une grande quantité de munitions.

Le détachement comptait parmi ses figures légendaires de la résistance Liu Heizai, héros anti-japonais, et son camarade Huang Guanfang, qui opéraient au pied du Lion Rock. Ils menèrent de nombreuses attaques contre les Japonais et firent sauter le dépôt de carburant ainsi qu’un avion sur l’aéroport de Kai Tak.

Le détachement HK-Kowloon se trouvait à l’avant-garde de la lutte antifasciste internationale. La colonne de Dongjiang sauva au total 89 amis étrangers, dont la majorité fut secourue par le détachement HK-Kowloon et par les équipes d’action armée qui l’avaient précédé.

En janvier 1942, le lieutenant-colonel britannique Rylance et trois autres officiers s’évadèrent du camp d’internement de Sham Shui Po. Grâce à l’escorte des équipes d’action armée, ancêtres du détachement HK-Kowloon, ils purent franchir les lignes ennemies et rejoindre les arrières en toute sécurité. Cet épisode posa les bases d’une future coopération entre les services britanniques et le corps général des partisans du Guangdong dans le domaine du renseignement militaire.

En février 1944, lors du bombardement de l’aéroport de Kai Tak, le lieutenant américain Kerr dut sauter en parachute après que son appareil eut été touché par les Japonais. Pour le secourir, le détachement HK-Kowloon employa une tactique de diversion, dispersant l’attention des troupes japonaises, puis chargea Liu Heizai et d’autres combattants de le conduire sain et sauf à l’arrière. Cet événement ouvrit la voie à une collaboration entre les forces américaines et la colonne de Dongjiang dans le renseignement.

Le détachement HK-Kowloon mena une coopération fructueuse avec les forces alliées dans le domaine du renseignement militaire international, apportant une contribution historique majeure à la défense de Hongkong, à la lutte contre l’agresseur japonais et à la victoire de la guerre mondiale contre le fascisme.

L’histoire combattante du détachement HK-Kowloon constitue un précieux héritage moral pour la société hongkongaise. Elle illustre le patriotisme des habitants de Hongkong ainsi que la responsabilité historique assumée par le Parti communiste chinois dans les moments critiques pour la survie de la nation. Nous devons pleinement valoriser cet héritage spirituel afin d’éduquer et d’encourager la jeune génération, pour qu’elle œuvre à son tour à la grande renaissance de la nation chinoise.

Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.


Photo du haut : En mars 1944, Zeng Sheng (deuxième à partir de la gauche), commandant de la colonne Dongjiang, organisa le départ du pilote américain Kerr, secouru par l'escadron de Hong Kong et Kowloon, du village de Tuyang, où se trouvait le quartier général. © Association de recherche historique sur la colonne de Dongjiang.

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