Zhu Feng : « Les États-Unis et la Chine devraient renouer avec l’histoire et la “diplomatie du ping-pong” »
China News Service : Au terme de leur entrevue, les États-Unis et la Chine ont publié le « communiqué de Shanghai », normalisant ainsi leurs relations. Pourquoi les deux pays ont-ils si soudainement tourné le dos à un différend qui avait duré 22 ans, de 1949 à 1972 ?
Zhu Feng : L’initiative du président Nixon était basée sur le contexte de la guerre froide que les États-Unis menaient contre l’Union soviétique. Les États-Unis faisaient face à un remaniement des forces à l’échelle internationale. En avril 1971, une délégation américaine, une équipe de ping-pong, s’est donc rendue en Chine. C’est alors que nos deux pays ont entamé l’épisode de la « diplomatie du ping-pong ». Ensuite, Henry Kissinger, alors conseiller à la sécurité nationale de l’administration Nixon, a lui aussi fait le déplacement à Pékin, ce qui a permis d’établir des contacts officiels et de préparer la visite du président américain.
Richard Nixon et Zhou Enlai, PM chinois d'alors © Wikimedia Commons
CNS : On dit souvent que la semaine de la visite de Nixon en Chine a changé la face du monde. Dans quelle mesure peut-on affirmer cela ?
Z. F. : La Chine et les États-Unis s’étaient déjà rencontrés à plusieurs reprises avant la visite du président américain en 1972. D’abord sur les champs de bataille de la guerre de Corée, au Vietnam, mais aussi dans le détroit de Taïwan. Ils étaient donc de vieux ennemis. Pourtant, le réalisme et le pragmatisme de nos dirigeants ont permis à nos deux pays de trouver la voie de la réconciliation et du développement de leurs relations. L’idée fondamentale est que la diplomatie des grandes puissances doit toujours s’appuyer sur les intérêts nationaux et sur l’évolution de la situation stratégique internationale. Les grandes puissances doivent associer leurs forces. Elles doivent mettre en place un modèle stratégique à la mesure de leur développement et jouer un rôle positif dans la promotion de la paix, de la stabilité et du développement mondial. La poignée de main entre la Chine et les États-Unis en 1972 signifie que nos deux pays ont su mettre de côté leur différend idéologique et géostratégique pour incarner leur rôle de grande puissance.
CNS : Le communiqué de Shanghai a servi de boussole aux relations sino-américaines pendant plus de 50 ans. Comment la Chine et les États-Unis peuvent-ils s’inspirer de l’histoire pour résoudre leurs différends aujourd’hui ?
Z. F. : Entre 1979 et
aujourd’hui, nos deux pays ont normalisé leurs relations. La Chine et les
États-Unis sont désormais respectivement la seconde et la première puissance
économique mondiale, leur partenariat commercial figure lui aussi au premier
plan, tandis que les échanges humains et sociaux sont également très
dynamiques. 30 ans après la fin de la guerre froide, la stabilité et le
développement à l’échelle internationale est largement liée à la coopération
sino-américaine. Aujourd’hui, les relations sino-américaines doivent composer
avec de nouveaux défis. Ce fut notamment le cas avec l’administration de Donald
Trump, qui considérait la Chine comme le plus grand adversaire stratégique des
États-Unis. Donald Trump et son administration avaient alors accru la pression
sur notre pays dans de nombreux domaines, une politique qui a eu des
conséquences jusqu’à aujourd’hui. Ce qui compte désormais, c’est de ne pas
céder à une vision dramatique et simpliste d’un « complot » chinois
ou américain. Nos deux pays doivent renouer avec la responsabilité et la vision
stratégique que leurs dirigeants avaient adoptées à l’époque.
Richard Nixon participe à un événement dédié au ping-pong en Chine © Wikimedia Commons
CNS : Dans l’avenir, la compétition entre les États-Unis et la Chine va se renforcer. Comment nos deux pays pourraient-ils poursuivre leur coopération ?
Z. F. : Finalement, je pense
qu’il faut toujours en revenir à l’histoire. La raison fondamentale qui a
permis d’obtenir des résultats significatifs lors de la poignée de main entre
Richard Nixon et Mao Zedong, c’est le respect mutuel. Les États-Unis sont la première
puissance mondiale, et la Chine a une histoire vieille de 5 000 ans. Peu
importe ce qui nous sépare sur le plan idéologique, à l’heure où le monde forme
une communauté plus que jamais inséparable, les États-Unis et la Chine doivent
puiser dans la sagesse de l’histoire et trouver une direction future, de sorte
que la coopération « gagnant-gagnant » reste le maître mot de nos
relations. Enfin, quelles que soient les divergences actuelles, la Chine et les
États-Unis doivent toujours privilégier la voie du dialogue, et s’abstenir de
s’adonner à la manipulation concernant des sujets qui font partie de nos
intérêts vitaux respectifs. Ainsi, sur la question de Taïwan, les États-Unis
devraient adhérer au principe fondamental de la « politique d’une seule
Chine ».
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn
Photo du haut © CNS


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